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Dubaï redoute l’attentat qui ruinerait son image

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Après l’Arabie saoudite, l’émirat sait qu’il a très peu de chances d’éviter une attaque de kamikazes. Les cibles ne manquent pas dans ce Manhattan des sables.

À Dubaï Mall, au pied de Burj Khalifa, la tour la plus haute du monde (828 mètres), les employés sont davantage occupés à contrôler les tickets qu’à examiner le contenu des sacs. D’autant que les visiteurs se bousculent pour s’engouffrer dans l’ascenseur qui les propulsera à une vitesse de dix mètres par seconde au 124e étage de ce monument de verre et d’aluminium. Imaginez seulement une attaque-suicide, comme celle qui vient de se produire en Arabie saoudite devant la mosquée du Prophète à Médine, deuxième ville sainte de l’islam, provoquée par des kamikazes ! L’onde de choc dépasserait la simple ville de Dubaï et frapperait aussitôt les Émirats arabes unis (EAU). En 2010, la tour a été baptisée Burj Khalifa en l’honneur du Sheikh Khalifa Ben Zayed Al-Nahyane, le souverain d’Abu Dhabi, la capitale de ce pays composé de sept émirats.
« Un attentat à Dubaï, c’est un peu comme le Big One en Californie, ce tremblement de terre géant attendu. On sait qu’il y en aura un, mais on ne sait pas quand », lâche le responsable d’un service de sécurité occidental. D’autant que les cibles symboliques, médiatisées dans le monde entier, ne manquent pas dans l’émirat. Outre Burj Khalifa, les djihadistes peuvent frapper d’autres symboles exubérants, comme Palm Jumeirah, cette île artificielle en forme de palmier à seize branches, Burj al-Arab, le seul sept étoiles de la planète, aux allures de toile de boutre. À moins qu’ils ne s’en prennent à l’aéroport international de Dubaï qui a accueilli 6,7 millions de passagers en mai. Ce serait catastrophique pour l’émirat, qui a accueilli 14,2 millions de touristes l’année dernière, et qui en attend 20 millions à l’occasion de l’Exposition universelle qu’il organise en 2020.

Arrestations des Frères musulmans
Pourquoi ce risque majeur d’attentat ? Les EAU ont longtemps été soupçonnés d’une certaine complaisance vis-à-vis des djihadistes, comme l’Arabie saoudite et le Qatar. Non sans preuve : des grenades de fabrication suisse, vendues à Abu Dhabi « pour son propre usage », ont été retrouvées sur le champ de bataille syrien en 2012 ! Mais depuis, le petit état du Golfe a choisi de combattre le terrorisme sur tous les fronts. Au Yémen d’abord, contre les rebelles chiites houthistes, mais aussi contre Al-Qaïda. En Libye, en livrant des armes aux modérés. Enfin, en Syrie, contre l’organisation État islamique. Le 20 mai dernier, recevant à Paris le cheikh Abdallah Ben Zayed Al-Nahyane, frère du souverain et ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault a salué les Émirats qui « constituent pour la France un partenaire stratégique et un allié dans la lutte contre Daech ». Quant au chef de la police de Dubaï, il n’a pas hésité à mettre sous les verrous les membres du mouvement Al-Islah, la branche émiratie de la confrérie des Frères musulmans. Une organisation considérée dorénavant comme « terroriste » aux EAU.

Les mauvaises nouvelles sont interdites
Ajoutez que les banquiers du Dubaï international financial centre (DIFC), le centre financier de l’émirat, ne plaisantent plus. « On nous demande d’être encore plus rigoureux qu’en Europe et de refuser systématiquement de recevoir ou d’envoyer de l’argent vers certains pays voisins », confie un banquier turc. Or, pendant longtemps, dans ce pays qui applique toujours la charia, les grandes familles locales ont montré une certaine complaisance avec tous ceux qui partageaient la même lecture puritaine de l’islam.
Toutefois, Dubaï n’est pas devenu pour autant une démocratie. Les quotidiens Khaleej Times et Gulf News ne traitent que de l’actualité heureuse. Résultat : il est interdit même d’évoquer un risque d’attentat. Tous nos interlocuteurs ne nous le diront qu’en off, après avoir soigneusement regardé si une caméra ne les filmait pas. « C’est pire que cela. Même au travail ou en public, nous n’avons pas le droit de reconnaître un ralentissement économique », souligne un informaticien.
« À Dubaï, on peut toujours vous expulser du jour au lendemain, même si vous y vivez depuis quinze ans, sous prétexte que vous avez bu de l’alcool, ou que vous êtes affiché avec une femme qui n’est pas la vôtre », raconte Nabil Malek, d’origine égyptienne, ancien patron de Merrill Lynch dans l’émirat, et auteur de Dubaï, la rançon du succès (*).
Les services de sécurité sont-ils au top dans l’émirat ? Nous avions oublié une bouteille d’eau dans un sac allant en cabine, aucun des multiples contrôles de l’aéroport de Dubaï ne l’a remarquée.
(*) Éditions Amalthée, 440 pages.

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