Avec l’avènement du printemps, la femme djelfie s’attelle à la préparation d’un met spécial très réputé à travers la campagne de la wilaya de Djelfa, qui devient à l’occasion le point de convergence de nombreuses familles et proches désireux d’y goûter.
Il s’agit du « Rfis » ou « Bouseloue », un délicieux met à la base d’un pain spécial de la région, qui, une fois cuit, est mélangé à de la datte et du beurre naturel. Un plat reflétant la grande générosité et bonté des familles de la campagne de Djelfa, qui devient à chaque printemps le point de mire des citadins, entre proches, familles et cousins, qui y viennent spécialement pour goûter ce met traditionnel, jalousement préservé, jusqu’à nos jours, par la femme djelfie, en dépit de la diversité de la gastronomie populaire dans cette région.
Et pour cause, ce plat, quelque peu calorique, se veut le reflet d’une saison agricole prospère, synonyme de grâce et de bénédiction. D’où l’attachement des familles à célébrer le printemps, en préparant le « Bouseloue », chacune à sa manière, pour la famille, mais aussi pour les invités et visiteurs qui ne manquent jamais d’affluer, vers le lieu d’origine du « Rfis », qui ne peut être apprécié à sa juste valeur qu’au sein même de cette vaste région steppique s’étendant à perte de vue.
Un fait corroboré par Lhadj Mustapha, un habitant de la région « Nthila », du sud de Djelfa, qui a déclaré fièrement à l’APS, que la « Refsa », comme appelée par lui, pour symboliser la place particulière de ce plat dans son cœur, est « un legs de nos ancêtres, et le reflet de notre attachement à nos origines et notre patrimoine, dont nous sommes fiers. Nos exprimons, également notre joie et louanges à Dieu pour les biens dont Il nous gratifie, à travers les pluies et une saison prospère », a-t-il souligné.
Célébrer le printemps et renforcer les liens sociaux
« Ce plat se veut une contribution au renforcement des liens de parenté, d’amour et d’amitié, il réunie proches et familles des villages et des villes autour de lui », a souligné, pour sa part, Hakim Chouikha, chercheur en histoire et patrimoine local, et cadre au Haut commissariat au développement de la steppe (HCDS).
Estimant que ce met traditionnel populaire « reflète l’identité sociétale, à travers ce rassemblement unanime autour de lui pour fêter l’avènement du printemps », a-t-il relevé.
Pour le chercheur Bensalem El Messaoud, enseignant à l’université Ziane Achour, et spécialiste en histoire, patrimoine et toponymie, le « Bouseloue » symbolise, à lui seul, la diversité gastronomique des régions de Djelfa. « Chacun en a sa propre recette, certains y ajoutent du poivre rouge d’autres l’accompagnent avec des lamelles d’oignons », a-t-il observé.
« Le Rfis représente, également, un mode de vie », a estimé ce chercheur, également fondateur du site électronique « Tente du patrimoine populaire de Djelfa », car, a-t-il ajouté, il s’agit d’un plat populaire par excellence, à travers lequel la femme rurale peut exprimer, durant le printemps, son ingéniosité dans la confection du « Smen » ou « D’han Arbi » (beurre rance).
La recette du Rfis diffère d’une région à une autre. Certaines familles la préparent à base du « Mdhekar », alors que d’autres préfèrent faire cuire longuement leur pain dans le Tadjine, pour le faire durcir, avant de l’écraser et d’y ajouter, selon les goûts, une quantité de beurre et un peu de « Dhane », un beurre spécial préparé maison et laissé un certain temps dans une jarre en terre.
Quant à Lhadja Zineb, une habitante de Zagher Cherki, de la commune de Sidi Bayzid (65 km à l’est de Djelfa), qui a préservé, à ce jour, son couscoussier fait en Alfa , sa jarre et son coffret à provisions, elle a exprimé à l’APS sa « grande joie à l’approche de chaque printemps, quant ma maison se remplie de mes petits enfants et proches qui viennent goûter mon Rfis », souligne-t-elle joyeuse à cette évocation.
Elle a assuré qu’elle tient personnellement à préparer, à chaque printemps, du Rfis pour accueillir chaque visiteur, qui vient la voir, pour exprimer ses louanges à Allah pour Sa « bonté et Sa miséricorde, et pour tous les biens dont Il nous a gratifié, dont les nouveaux agneaux et la moisson de blé abondante ».
Ajoutant, en outre, que le « manque de pluviométrie et la sécheresse de cette année, nous nous a pas empêché de préparer du Rfis et de continuer à remercier Dieu pour Sa bonté et Ses bienfaits ».
Après nous avoir expliqué sa recette pour le Rfis, Lhadja Zineb a insisté sur l’importance de le présenter dans un plat traditionnel, en terre cuite, et de préférence avec du Lben.
Au titre des efforts de persévération de ce patrimoine, de nombreuses associations locales versées dans le patrimoine et l’artisanat, s’attachent particulièrement à la présence du plat du Rfis, dans toutes leurs expositions, histoire de démontrer la place dévolue à ce met dans le patrimoine matériel local.