La distillation de l’eau de rose et des fleurs fait partie des métiers artisanaux ancestraux de la wilaya de Blida, dont le célébrissime nom de » ville des roses » est directement inspiré de cette odorante plante.
Un métier néanmoins menacé de disparition en raison du manque de matières premières, estiment les quelques artisans qui continuent, encore, à perpétuer cette activité chère à leur cœur. Ces artisans ont assuré, à l’APS, que leur attachement à ce métier vise la protection de ce patrimoine culturel, doté jadis d’un caractère commercial, déplorant, néanmoins, la difficulté d’acquisition de différents types de roses et de fleurs. C’est le cas de Mohamed Harzeli, membre de l’association culturelle « Kounouz », exerçant avec sa femme ce métier « qui commence à perdre de son lustre, en raison de la réticence des jeunes pour son apprentissage, d’une part, et le manque de matières premières, d’autre part », a-t-il souligné. Nostalgique, cet artisan a évoqué la « belle époque » de la ville des roses, quand les rues et les vergers embaumaient les roses et les fleurs, notamment le jasmin, qui faisait la répu tation des communes de Chiffa (Ouest) et Chebli (Est), avant de déplorer la « disparition quasi-totale » de ces plantes odorantes actuellement du paysage de ces localités, affectant négativement l’artisanat de distillation de l’eau de jasmin, fortement prisée par les amateurs du domaine. A cela s’ajoute la disparition d’une multitude d’autres types de fleurs exploitées dans la distillation de l’eau de fleurs, dont les violettes et les roses, difficiles à trouver en quantités suffisantes. L’artisan Harzeli (53 ans), qui a appris ce métier depuis l’enfance chez un spécialiste du domaine de la Casbah d’Alger, a cité parmi ses plus importantes sources d’approvisionnement en matières premières, les bigaradiers(orangers amers) longeant les artères du centre-ville (Bab Essebt et Bab Dzair) et de la commune de Beni Merad, »qui malheureusement ne me fournissent pas suffisamment de matières premières », a-t-il observé, se plaignant du fait que les autorités locales n’assurent pas l’entretien régulier de ces arbres, pour les rendre plus rentables. A cela s’ajoutent des plantes médicinales ramassées dans les forêts de l’Atlas Blideen, dont le romarin. Même son de cloche chez Mme. Radhia Belbey, une autre gardienne de ce métier ancestral cher à la ville des roses, qui a, également, déploré le manque de mati ères premières ayant négativement impacté sur son activité. L’artisane, qui a exprimé sa crainte de voir ce métier disparaitre, a expliqué, à l’APS, que la distillation de l’eau de rose s’étend sur toute la période de la cueillette (dite El Kettaf), allant du mois de mars à la première quinzaine de mai. L’eau florale provient de l’eau de condensation récupérée de l’essencier de l’alambic, une sorte de vase de décantation en cuivre, mis sur le feu pendant au moins quatre heures, temps nécessaire à la vaporisation de l’eau et à sa condensation en vue de sa transformation en gouttelettes d’eau odorantes.
Un projet de modernisation du métier pour attirer les jeunes générations
Selon Lhadj Meshoub, directeur de la culture de Blida, des efforts sont actuellement consentis pour préserver le patrimoine culturel matériel et immatériel, à travers la mise en œuvre d’un projet visant notamment la modernisation du métier de distillation de l’eau des fleurs et de rose, dans l’objectif d’inciter les jeunes à investir ce secteur. Le responsable a expliqué que sa direction a réceptionné des correspondances de la part du ministère de tutelle pour la proposition de projets visant la protection des métiers artisanaux de la disparition. « Suite à quoi notre choix fut porté sur le métier de distillatio n de l’eau de rose et de fleurs, considérant qu’il est en tête de liste des métiers ancestraux menacés de disparition à Blida, et d’un petit nombre de wilayas, notamment Constantine et Tipasa (Koléa) », a-t-il dit. M.Meshoub a signalé l’inscription de ce projet dans le cadre du programme de partenariat institutionnel « PROFAS C+ » lancé par l’ambassade de France en Algérie et le ministère des Affaires étrangères, portant sur l’identification de projets de partenariats institutionnels entre entités publiques françaises et algériennes. « L’approbation de ce projet, visant aussi la réhabilitation de l’activité de la parfumerie, devrait permettre l’initiation d’actions pour la modernisation du métier de distillation de l’eau rose et de fleurs », a ajouté le directeur de la culture, Des stages seront également organisés au profit des artisans et des jeunes souhaitant apprendre ce métier, avec un encadrement assuré par des chercheurs et enseignants universitaires spécialisés, tout en bénéficiant de l’expertise étrangère. Ce projet proposé à l’intégration dans le programme « Profas C+ » vise, également, à trouver des solutions adaptées au problème de pénurie de matières premières, du au recul de la culture des fleurs dans la région, a estimé M. Meshoub. « Il a aussi pour objectif d’encourager les jeunes à investir les activités de distillation de l’eau de rose et des fleurs et de la parfumerie », a souligné le même responsable, rappelant que la ville de Blida comptait de nombreux laboratoires d’extraction d’huiles essentielles de roses et de jasmin, utilisées jadis en parfumerie, avant leur arrêt d’activités, due, également, au manque de matières premières, a-t-il déploré.