Y aurait-il un coup de froid sur la relation américano-turque ? Attendu aux États-Unis du 29 mars au 2 avril, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, n’a aucune rencontre prévue à son agenda avec son homologue américain, Barack Obama.
«Notre président n’y va pas pour une visite d’État, mais dans le cadre d’un sommet multilatéral », a tenu à rappeler Ibrahim Kalin, le porte-parole présidentiel, lors d’une conférence de presse à Ankara, lundi 28 mars. La visite du président Erdogan comportera deux temps forts.
Jeudi 31 mars et vendredi 1er avril, il participera, aux côtés d’une cinquantaine de chefs d’État, à la quatrième session du Sommet nucléaire à Washington. Rien d’étonnant à ce qu’il ne voie pas M. Obama ; lequel s’est réservé un unique tête-à-tête avec le président chinois, Xi Jinping. Le vice-président Joe Biden sera l’interlocuteur attitré de M. Erdogan. Le moment-clé du voyage sera sans conteste la cérémonie d’inauguration d’une mosquée et d’un centre culturel financés par la Turquie à Lanham, dans le Maryland, auxquels M. Erdogan se consacrera dès son arrivée sur le sol américain. La présence de M. Obama y était ardemment souhaitée, mais la Maison Blanche a décliné l’invitation. On est loin de l’accueil chaleureux reçu par M. Erdogan et sa famille à l’occasion de leur visite dans la capitale américaine en 2013. À l’époque, Barack Obama avait loué la Turquie, deuxième armée de l’OTAN, meilleure alliée des États-Unis au Proche-Orient. Il avait également salué les négociations de paix menées, alors avec les séparatistes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), à l’initiative du numéro un turc.
Sources de frictions
Désormais, le dossier kurde empoisonne durablement la relation. A propos du PKK, Washington et Ankara sont d’accord. C’est au sujet du Parti de l’Union démocratique (PYD), affilié au PKK, que les vues divergent. Aux yeux des Américains, le PYD et ses milices armées (YPG), à la pointe du combat contre les djihadistes de l’État islamique (EI), méritent d’être soutenus. Récemment, le fait que l’armée turque se soit mise à attaquer à l’artillerie les positions des combattants kurdes syriens que Washington soutient et arme, n’a fait qu’accentuer les divergences.
Ankara place pour sa part le PKK et le PYD sur un même plan. Les deux formations sont considérées comme deux organisations «terroristes», au même titre que l’EI.
L’avènement d’une région autonome kurde de Syrie est vécu comme une menace par la Turquie, qui craint une contamination du séparatisme à ses propres Kurdes, autrement plus nombreux (15 millions) que leurs frères syriens (environ 1,5 million). M. Erdogan a déclaré récemment que les États-Unis devaient choisir entre la Turquie et les forces kurdes syriennes.
Les attaques à la liberté d’expression en Turquie sont une autre source de friction. Les arrestations de journalistes, les saisies musclées de plusieurs journaux (Zaman, Bugün, Millet) et de chaînes de télévision (Kanaltürk, Bugün TV, Samanyoglu TV, et d’autres), la captation de la banque Asya embarrassent la Maison Blanche au plus haut point, la poussant à prendre ses distances avec l’alliée turque.