Des mouvements de protestation ont éclaté un peu partout à travers la Tunisie. Plusieurs villes et cités ont été le théâtre d’actes de pillage et de vol de biens publics et privés, nécessitant l’intervention de l’armée pour rétablir l’ordre. À ce jour, la situation reste tendue malgré les appels au calme du président de la République, Kais Saïed et de son chef du gouvernement Hichem Mechichi.
Et si les revendications des marcheurs, qui ont célébré l’anniversaire du départ de l’ancien président Benali et la fin de l’hégémonie de son parti le RCD, sont légitimes puisqu’elles sont d’essence sociale, les observateurs subodorent des relents de manipulations internes et externes pour pousser au pourrissement et créer une situation d’instabilité qui pourrait profiter à des plusieurs parties.
Ainsi, le gouvernement de Hichem Mechichi, qui est composé en majorité de technocrates n’ayant aucun ancrage politique, évolue dans un environnement politique et social marqué par l’omniprésence du parti islamiste Ennahda de Ghannouchi. Lors de son passage devant le parlement et malgré sa composante sans coloration politique pour éviter d’éventuels blocages par les partis qui contrôlent le parlement, Ennahda et ses frères d’armes, il avait reçu un blanc seing de la majorité de la chambre. Et pour renforcer son action et surtout sa liberté d’action dans un environnement social et politique délétère, il a subi plusieurs réaménagements, le dernier il y’a un jour par le remplacement de onze ministres dont ceux de la Santé, de la Justice et de l’Intérieur.
La situation est tendue en Tunisie et des forces tentent de souffler sur les braises pour créer une situation d’instabilité qui pourrait servir des desseins occultes nourris aussi bien par des forces internes qu’externes. Sur le plan interne, le parti islamiste Ennahda, qui contrôle la majorité au parlement ne joue pas franc-jeu avec ses alliés de la troïka (Al karama et Qalb Tounes). Il agit en sous-traitance pour ses alliés des frères musulmans, notamment ceux proches de la Turquie qui a fait son entrée dans la région du Maghreb en profitant de la situation de chaos en Libye. Une situation d’instabilité en Tunisie profiterait à Erdogan qui a recyclé les mercenaires rapatriés de Syrie en les dépêchant sur le front libyen.
Ce dernier serait tenté par l’offrande d’une base arrière en Tunisie pour son corps expéditionnaire. Il faut dire que l’armée tunisienne est en état d’alerte au sud du pays et les mouvements des marchandises et des voyages sont sévèrement contrôlés au niveau du point de passage vers la Libye de Ben Guerdane.
Le président turc qui est en train de jouer le rôle « soft » de l’Otan en prenant ses distances avec le discours musclé de ses partenaires occidentaux dans cette alliance, verrait d‘un bon oeil l’embrasement de la région. La Tunisie et la Libye, instables, il serait tenté par étendre vers leur voisin, l’Algérie, son influence.
De plus, la Tunisie semble être dans le viseur des parties arabes qui militent ouvertement pour la normalisation des relations avec l’État hébreu. Le président Kais Saïed qui avait exprimé clairement son rejet de la normalisation des relations de son pays avec Israël a ouvert une brèche pour les partisans de cette dynamique qui se recrutent parmi certains roitelets du Golfe, et des partis islamistes au pouvoir, proches notamment des frères musulmans, comme ce fut le cas pour le Maroc. La Tunisie est aujourd’hui dans l’œil du cyclone et ceux qui lui avaient offert son « printemps arabe », en créant une situation de gabegie, semblent être revenus à la charge. Le départ de Benali ne semble pas avoir réglé les problèmes de ce pays qui se retrouve toujours en butte à des difficultés, notamment sociales, lui qui s’est retrouvé sous la loupe du FMI depuis qu’il a négocié un plan de relance de son économie.
Slimane Ben