Le directeur général des forêts, Ali Mahmoudi, a soutenu fortement hier la thèse de « la piste criminelle » suite aux incendies déclarés simultanément la nuit du vendredi 6 au samedi 7 novembre aux alentours de plusieurs régions du pays, comme l’avait affirmé le Premier ministre, en se rendant le lendemain sur le mont de Gouraya où un incendie a engendré deux victimes.
Si, Abdelaziz Djerad avait révélé que ces incendies « ne laissent aucun doute sur leur caractère criminel », le patron des gardes forestiers a mis en cause, une semaine après, des actes de malveillance, en disant qu’une partie de ces feux de forêts est allumée volontairement par des pyromanes et trafiquants de lièges, qui le récoltent illégalement afin de l’exporter frauduleusement à l’étranger. « Les températures étant trop élevées [ce jour-là], le [vent de] sirocco s’était mis de la partie, le vent était violent, donc tous les ingrédients pour que le feu prenne naissance étaient réunis. Et je vous précise que ceux qui avaient l’intention de brûler nos espaces attendaient exactement ce genre de moment pour y mettre le feu, parce qu’ils sont sûrs que les feux consommeront un maximum d’espaces », a-t-il déclaré hier à LSA, l’émission web du quotidien Le Soir d’Algérie. Le directeur général des forêts a rappelé que « c’est un scénario qui se répète, puisque nous l’avons vécu en 2012 et d’une manière beaucoup plus accentuée ». « Les 28 et 29 novembre 2012, j’étais directeur des forêts dans la wilaya de Béjaïa, nous avons enregistré une moyenne de 40 départs de feux d’une manière simultanée et qui avait consommé 3 000 hectares. Ce jour-là, les températures étaient au niveau de la mer comme au niveau de la plage à peu près à hauteur de 40 degrés », a-t-il ajouté. 50 départs de feux ont été enregistrés ; dont 41 se sont déclarés la nuit de novembre dernier et le restant le lendemain durant la journée, a détaillé Ali Mahmoudi. Lors de sa visite dans la localité de Gouraya (Tipaza), le Premier ministre a déclaré que les incendies déclarés simultanément la nuit du vendredi 6 au samedi 7 novembre, aux alentours de plusieurs villes, « ne laissent aucun doute sur leur caractère criminel ». La thèse de l’incendie volontaire est-elle donc confirmée ? : « Absolument, le Premier ministre doit y avoir des informations. Des informations dont nous n’en disposons pas en tant que corps des forêts », conclut le directeur général des forêts. « Les services de sécurité, depuis le conseil ministériel du 5 août dernier, ont été instruits par le président de la République afin qu’ils fassent des enquêtes approfondies après chaque incendie. En tout cas, nous sommes liés avec la Gendarmerie nationale par un accord-cadre, un protocole d’accord qui nous permet de travailler ensemble, puisque, nous, en tant que forestiers, nous avons été obligés de restituer nos armes suite à ce qui s’est passé durant la décennie noire », a indiqué Ali Mahmoudi. Donc, pour « les missions musclées », soutient-il, des barrages mixtes (gardes de forêts et gendarmes) sont dressés souvent pour appréhender et contrôler le mouvement des produits forestiers. Il pointe du doigt les trafiquants de liège : « Ces gens-là sont des destructeurs. Ils transportent des pieds-droits et de liège dans des camions frigorifiques réservés exclusivement aux produits frais ». « Au courant du mois de juin dernier, du côté de Jijel, des voleurs de liège ont procédé au démasclage de liège avant terme, avant la période légale de son prélèvement, cela veut dire que celui qui a enlevé le liège a provoqué la mort de l’arbre puisque le liège était collé à la mère », a-t-il déploré. Ali Mahmoudi a révélé une partie des procédés utilisés dans ce trafic qui menace nos forêts d’une déforestation massive. « Ils [les trafiquants de liège] achètent des broyeurs-compact et vont dans les forêts où ils abattent illégalement et massivement le liège et le broient sur place avant de le mettre dans des sacs et le céder à des exportateurs, qui, à leur tour, l’exportent frauduleusement, puisque la législation algérienne interdit l’exportation de liège à l’état brut », a-t-il détaillé. Il suspecte même que ces machines « mini-broyeurs » aient provoqué des incendies à cause des étincelles qu’elles jettent. Il a souligné qu’« un véhicule de notre administration a même été renversé par ces voleurs de liège dans la wilaya de Jijel. Il n’y a pas eu heureusement des pertes humaines mais quand-même il y a des dégâts matériels ». Cela étant, Ali Mahmoudi précise que les incendies qui se sont déclarés récemment ne sont pas tous l’œuvre des trafiquants de liège ou de pyromanes. Beaucoup de feux de forêts sont dus à l’imprudence : un mégot de cigarette mal éteint jeté au sol, une opération de nettoyage et de calcination des déchets ménagers mal maîtrisée, etc. Lorsque la température est élevée et que la pluie vient à manquer, une grande partie de l’eau contenue dans les tissus des plantes qui constituent les forêts s’évapore. Les feuilles constituant alors un combustible de choix, ils offrent une grande surface de contact avec le comburant oxygène. La moindre étincelle peut alors venir enflammer des brindilles, puis des herbes sèches, des buissons, des arbres et enfin, la forêt tout entière. « La réglementation algérienne a criminalisé l’acte de mise de feu, il s’agit d’un crime, les textes de lois prévoient des peines variant entre trois à dix ans de prison. Cependant, s’il y a pertes d’hommes, c’est la perpétuité », a indiqué le directeur général des forêts. Sur l’indemnisation des agriculteurs victimes des feux de forêts, le même responsable a insisté qu’« il faut que l’assurance devienne une réalité chez nous. L’agriculteur devrait assurer ses biens ». « Le ministère de l’Agriculture a mobilisé une enveloppe de 600 millions de DA, dont l’exécution est à la charge des services des forêts dans le volet arboriculture, et pour le volet cheptel, c’est nos collègues des services de l’agriculture. Il s’agit d’indemnisation en nature, celui qui a perdu un olivier, nous allons venir avec un olivier, celui qui a perdu 3 poussins, c’est 3 poussins, et celui qui a perdu une vache, c’est une vache », a-t-il précisé.
Hamid Mecheri