La Moudjahida et militante de première heure de la Guerre de libération nationale, Annie Fiorio- Steiner, enveloppée, par les couleurs nationales, a été accompagnée, jeudi dernier, par ses amis(es) et proches, à sa dernière demeure, au cimetière d’el-Alia, Alger, où reposent ses amis (es) et compagnons d’armes, musulmans et chrétiens, tombés au champ d’honneur, et ceux et celles qu’elle a eu à accompagner, de son vivant, dans leurs dernières demeures après l’Indépendance de l’Algérie.
Décédée en début de soirée de mercredi dernier, à l’âge de 93, à son domicile, sis à Ferhat Boussaâd (ex-Meissonier), Alger-centre, qu’elle n’a jamais quitté, la vaillante militante a rejoint les chemins de la Liberté pour l’Indépendance de l’Algérie, après s’être rendue compte, dès son jeune âge, de par son travail aussi dans les centres sociaux algériens de l’oppression, de la domination, et de l’injustice du système colonial français érigé, dès l’invasion française de l’Algérie, en 1830.Ayant été une des Djamilate de la Révolution du peuple algérien , convaincue de l’impératif et l’incontournable combat libérateur, pour en finir avec le système colonial français, elle a choisi d’emprunter les chemins de la liberté, qu’elle savait difficile et exigeant des sacrifices qu’Annie Steiner a consentis, dont celui d’être privée de ses deux filles, pour une Algérie indépendante. Elle raconte dans le livre
« La Moudjahida Annie Fiorio Steiner. Une vie pour l’Algérie » écrit par Hafida Ameyar: « j’ai d’abord aimé les animaux, ensuite les hommes et les femmes, qui étaient sous mes yeux, c’est-à-dire les pieds-noirs. Puis, j’ai compris qu’il y avait la masse des Algériens, des spoliés, des déshérités. C’étaient eux qui méritaient que je les aime totalement. ». Fervente militante et engagée au côté de son peuple dans sa lutte armée pour la liberté et la dignité, Annie Fiorio-Steiner fut arrêtée, par les autorités coloniales françaises, en 1956, puis incarcérée, à la prison Barberousse, puis au pénitencier d’El-Harrach.. où elle subira toutes les pressions, intimidations et tortures psychologiques et physiques des autorités coloniales, pour n’être libérée qu’en 1961. Tout au long de son incarcération, Annie Steiner a poursuivi son combat avec les autres djamilate incarcérées, pour de diverses actions, menées derrière les murs des prisons coloniales. Dans le livre « La Moudjahida Annie Fiorio Steiner. Une vie pour l’Algérie », , celle qui raconte avoir applaudi, lors du déclenchement de la Guerre de libération, dans la prison dira Annie Steiner « nous avions continué la lutte de l’extérieur, nous avions transposé notre combat dans la prison ». « La première exécution que j’ai entendue, parce qu’on ne voyait pas, mais on entendait, c’est celle de Fernand Iveton, avec Mohamed Ouennouri et Mohamed Lakhnèche. Ils étaient trois. Les deux étaient des jeunes et Iveton avait 30 ans ». « Nous faisions une grève de la faim, après l’exécution d’un militant. Dans les autres prisons, nous avions entrepris plusieurs actions et fait également des grèves de la faim, pour être respectées, pour améliorer les conditions au parloir et dans la prison en général ». « Nous avions également fait du cachot(… ) ». Algérienne, d’origine européenne, la vaillante militante, qui avant 1962, n’ayant non seulement pas accepté le système colonial français en Algérie, mais a choisi de s’engager et d’être parmi ceux et celles ayant signé, par leur lutte et combat, le début de la fin de la colonisation en Algérie, celle qui a contribué à l’édification de son pays après l’Indépendance, est restée fidèle aux principes et aux valeurs pour lesquels elle s’est battue. Elle qui savait dépasser le poids des traces du temps, sur elle, notamment ses dernières années, pour être présente aux rencontres et conférences débat, sur les luttes des peuples en lutte pour leur liberté et indépendance, la Modjahida, Annie Steiner n’a pas lésiné à manifester son soutien et solidarité, aux peuples palestinien et sahraoui, dans leur combat libérateur, contre respectivement l’occupation israélienne, en Palestine et marocaine au Sahara occidental. Sa vie elle l’a mené sur la base des valeurs et des principes l’ayant animé dès son jeune âge. Annie Steiner, a été la militante engagée, non seulement dans le combat libérateur de son peuple, mais aussi des autres opprimés à travers le monde. Elle est partie en silence mais elle demeurera présente, à travers la mémoire et l’histoire du combat libérateur du peuple algérien, dont elle a été une de ses acteurs, une djamilate parmi tant d’autres. Présente à son enterrement, la moudjahida Louisette Ighilahriz émue dira que « c’est ma sœur, la douleur de l’arrachement à ses filles que les forces de police coloniale ont fait subir à la défunte, en sus des supplices infligés en prison, sans que cela n’entame sa détermination à aller au bout de l’idéal auquel elle a cru ». De son côté, la militante Fadéla Sahraoui racontant qu’elle a connu la disparue en 1955, sur les bancs de l’université, elle relève, que « c’est grâce à Annie Steiner qu’elle s’est initiée au militantisme pour la cause féminine et pour l’Indépendance du pays », concluant qu’Annie Steiner lui « a ouvert les yeux sur la réalité de ma condition de femme et je lui dois mon éducation politique et militante », évoquant son enrôlement au sein de l’Union générale des Étudiants musulmans algériens (UGEMA) puis de la Fédération FLN de France.
Karima Bennour