Le nouveau Premier ministre libanais désigné, Najib Mikati, a entamé mardi des concertations avec les principaux blocs parlementaires en vue de former un gouvernement longtemps attendu dans un pays qui s’enfonce dans une crise sans fin.
Avec une fortune estimée à 2,7 milliards de dollars selon le magazine Forbes, M. Mikati, un homme d’affaires de 65 ans, est perçu par beaucoup dans son pays comme l’un des symboles d’un pouvoir accusé de corruption et de népotisme et est soupçonné d’enrichissement illicite. Le Liban, en plein naufrage économique, est géré depuis près d’un an par le gouvernement intérimaire de Hassan Diab, qui se charge uniquement des affaires courantes, après avoir démissionné dans la foulée de l’explosion gigantesque au port de Beyrouth en août dernier. Le vide institutionnel entrave tout éventuel plan de sauvetage financier pour le Liban, qui a fait défaut sur sa dette en mars 2020 et a depuis sombré dans ce que la Banque mondiale qualifie d’une des crises les plus graves au monde depuis le milieu du XIXe siècle. Mardi, M. Mikati a rencontré les principaux partis politiques, notamment le puissant mouvement chiite Hezbollah et son allié le Courant patriotique libre (CPL) du président chrétien Michel Aoun. Après leur rencontre, le député du Hezbollah, Mohammad Raâd, a déclaré que son parti était prêt à «coopérer sérieusement» avec le nouveau Premier ministre désigné. De son côté, le CPL «ne participera au prochain cabinet, ce qui signifie que nous ne participerons pas au processus de formation (du cabinet)», a déclaré son chef et gendre du président, Gebran Bassil.
Scepticisme
Nommé déjà deux fois Premier ministre par le passé, Najib Mikati a été désigné lundi, quelques jours après la récusation de Saâd Hariri. Mais la désignation de cet homme le plus fortuné du Liban et originaire de la ville de Tripoli, l’une des plus pauvres du pays, a suscité le scepticisme général. En 2019, il a fait l’objet de l’ouverture d’une enquête pour «enrichissement illicite». «Comment pourrai-je faire confiance à un voleur qui m’a volé et volé l’avenir de mes enfants?», a lancé lundi Mohamad Dib, un habitant de Beyrouth âgé de 57 ans, après la désignation de M. Mikati. «Tant que cette caste est toujours au pouvoir, rien ne changera», a-t-il ajouté. Il s’agit depuis fin août 2020 du troisième Premier ministre désigné pour former un gouvernement de «mission» réclamé à l’international, notamment par la France, qui a proposé l’an dernier un plan de réforme économique et de lutte anticorruption en contrepartie du déblocage d’une aide financière cruciale. Lundi, Najib Mikati avait affirmé que la mise en œuvre de l»initiative française» constituerait l’une des principales «priorités» du prochain cabinet. Les réunions mardi avec les blocs parlementaires constituent une démarche traditionnelle après la désignation d’un nouveau Premier ministre, mais les vraies tractations entre les partis au pouvoir n’ont toujours pas commencé. S’il réussit là où ses deux prédécesseurs ont échoué, M. Mikati devra conduire le pays vers les élections législatives prévues l’an prochain.
Électricité
Dans une de ses premières déclarations, M. Mikati a abordé les pénuries de courant ayant plongé le pays dans l’obscurité et paralysé davantage une économie aux abois. L’Électricité du Liban, symbole de la défaillance des services publics, ne peut aujourd’hui fournir qu’une poignée d’heures de courant par jour et peine à s’approvisionner en carburant, faute d’argent. Sa réforme fait partie des demandes pressantes de la communauté internationale dans le cadre d’un vaste programme d’aide. Mais la classe dirigeante n’a jusqu’ici mis en oeuvre aucune des réformes réclamées. Et l’État n’a toujours pas engagé de sérieuses négociations avec le Fonds monétaire international (FMI).