Face à une administration sourde aux doléances écrites ou verbales, à travers les ondes de la radio locale, les écrits de presse ou les correspondances particulières, et impuissante à améliorer la situation, la majorité peu fortunée de la population noie sa grogne dans le blasphème, en maudissant les responsables locaux. A Bouguirat, l’été s’est installé, et les désagréments causés par les fréquentes coupures d’électricité ont repris de plus belle. Les abonnés de l’auguste Sonelgaz étaient déjà habitués à l’agacement vécu à longueur d’année. On maugrée, on maudit et on insulte en sourdine, et on finit par s’accommoder, en rompant le jeûne à la bougie ou à la torche, en se couchant plus tôt que d’habitude, en différant au lendemain une tâche même urgente, ou en se privant, avec une grande désolation, de son JT ou du match de football tant attendu. C’était l’automne, l’hiver ou le printemps. Malgré soi, on se devait de subir le désagrément. L’été, la canicule conjuguée au jeûne et à une vie étroitement dépendante de l’énergie électrique, se traduit par un véritable enfer. Aux ‘’habituelles’’ privations diverses, s’ajoutent l’empêchement étreignant du sommeil, le ‘’luxe’’ d’une désaltération à l’eau fraîche, le grand risque de la contamination et la putréfaction de ses produits congelés en prévision du ramadhan, et même la dissipation de l’envie de travailler dans les conditions rendues difficiles sans la climatisation. Chez le commerçant et l’artisan, le gâchis se chiffre en dinars lourds et en manques à gagner substantiels. Si au bureau de la poste ou en certains services administratifs, cela correspond à un répit forcé accordé au personnel, il n’en est pas de même en d’autres services ou commerce, comme c’était le cas à la maternité de la localité. Faute d’alternative de secours, des dizaines de nouveau-nés y ont été mis au monde à la lumière… des téléphones portables ! Incroyable peut-être pour certains, mais c’est la triste réalité. À qui se plaindre ? Las du véritable casse-tête, ils sont de plus en plus nombreux à s’équiper en groupes électrogènes. Quotidiennement, notamment lors des heures dites de pointe, les coupures et les chutes de tension s’alternent.‘’Pratiquement, toutes les communes qui partageaient jusque-là le calvaire, en ont été soulagées, mais pas celle de Bouguirat’’, croit savoir nombre d’habitants de la localité ‘’maudite’’. ‘’C’est normal ! Ni le chef de la daïra ni le maire ne souffre du problème. Et la poignée de ‘’personnalités’’ à la voix potentiellement entendue, s’est équipée en groupes électrogènes’’, rétorquent d’autres jeunes, furieux d’aller aux cafés pour suivre les matches et les péripéties de l’Euro. Pourtant, l’État n’a jamais lésiné en matière de financement. À la faveur d’une rente pétrolière particulièrement grasse, des investissements colossaux ont été consentis jusque-là. En matière d’équipements et de technologie, l’Algérie a pleinement la faculté de rivaliser avec nombre de pays dits développés. Malheureusement, la gestion, la maintenance et la prestation du service nous rappellent notre infaillible appartenance au Tiers-monde. Et c’est le commun des usagers qui subit, avec amertume, les désagréments et les caprices inopinés, si ce n’est fantaisistes. À force de les entendre évoquées, les raisons du calvaire sont connues de tous. Autrefois, c’était la saturation du réseau de distribution vétuste, sinon la pollution ou les intempéries. À ce prétexte de routine, la faute sera ‘’collée’’ aux agriculteurs dont les pompes immergées servant à l’irrigation, consommeraient énormément d’énergie électrique. Depuis quelque temps, la ‘’démocratisation’’ du recours au climatiseur, appareil électroménager ayant abandonné son statut d’équipement de luxe, qui est monté au créneau, pour expliquer l’incapacité de l’entreprise à satisfaire le besoin, certes énormément accru.
Eu égard aux installations dotées d’une technologie de pointe, on espérait que le projet allait se traduire par une amélioration tant en quantité qu’en qualité de la distribution de l’énergie électrique à l’échelle locale et régionale. Hélas ! La situation ne semble guère s’améliorer, et il ne semble pas qu’on vivrait demain ce luxe.
M. Ould Tata