La Corée du Nord a lancé samedi trois nouveaux missiles balistiques, au terme d’une année 2022 marquée par un nombre record de tirs de ce type et une spectaculaire montée des tensions avec Séoul et Washington.
L’état-major interarmées sud-coréen a indiqué avoir détecté « trois missiles balistiques à courte portée lancés par la Corée du Nord dans la mer de l’Est », le nom coréen de la mer du Japon, vers 08H00 locales samedi (23H00 GMT vendredi). Lancés depuis le comté de Chunghwa, au sud de Pyongyang, les projectiles ont parcouru environ 350 km avant de tomber dans la mer. Ces nouveaux tirs clôturent une année 2022 record, au cours de laquelle la Corée du Nord a lancé un nombre sans précédent de missiles et multiplié les gestes d’hostilité à l’égard de ses voisins. Elle a notamment testé, en mars, un missile balistique intercontinental (ICBM) pour la première fois depuis cinq ans. Un autre ICBM nord-coréen est tombé au large du Japon en novembre. Les lancements de samedi interviennent cinq jours après une rare incursion de cinq drones nord-coréens dans l’espace aérien du Sud, dont l’un a atteint le nord de la capitale Séoul. Malgré le déploiement d’avions de chasse et d’hélicoptères d’attaque pendant cinq heures, l’armée sud-coréenne a échoué à intercepter ces drones, ce qui a suscité de nombreuses critiques. Cette incursion aérienne, la première du genre en cinq ans, a été qualifiée d' »intolérable » par le président sud-coréen Yoon Suk-yeol, qui a promis de faire comprendre à la Corée du Nord que « les provocations auront toujours de dures conséquences » pour elle. Jeudi, l’armée du Sud a effectué des exercices dans le but de renforcer sa défense anti-drone, selon l’état-major. Certains analystes ont vu dans les tirs de samedi une riposte à l’annonce, vendredi par le ministère de la Défense de Corée du Sud, d’un essai réussi de lanceur spatial dans le cadre des efforts de Séoul pour renforcer ses capacités de reconnaissance et de surveillance par satellite. « Le but des lancements de missiles par la Corée du Nord d’aujourd’hui est de répondre au lanceur spatial à propergol solide de Séoul. Pyongyang semble considérer cela comme une compétition », a déclaré à l’AFP Yang Moo-jin, professeur à l’Université des études nord-coréennes à Séoul.
Réunion du Parti
Les nouveaux lancements de missiles ont eu lieu pendant la grande réunion annuelle du Parti des travailleurs au pouvoir en Corée du Nord, au cours de laquelle le dirigeant Kim Jong Un et d’autres hauts dignitaires présentent leurs objectifs pour 2023 dans des domaines essentiels tels que la diplomatie, la sécurité et l’économie. Les décisions prises lors de cette réunion devraient être rendues publiques par le régime peu après sa clôture. Au cours des années précédentes, Kim Jong Un avait l’habitude de prononcer un discours le 1er janvier, mais il a récemment troqué cette tradition contre des annonces lors du plénum du Parti. Les trois tirs de samedi pourraient être « un cadeau de Kim Jong Un au peuple, marquant la fin d’une année record en termes de lancements de missiles, et un salut au plénum du Parti des travailleurs de Corée », a estimé à l’AFP Ahn Chan-il, un chercheur spécialisé dans la Corée du Nord. Selon lui, « Kim essaye d’envoyer un message selon lequel le peuple peut se sentir en sécurité, car leur pays est clairement une puissance militaire, même s’il souffre du point de vue économique ». Kim Jong Un avait affirmé fin novembre vouloir doter son pays de « la plus puissante force stratégique du monde ». Deux mois plus tôt, la Corée du Nord avait adopté une nouvelle doctrine rendant « irréversible » son statut de puissance nucléaire, et l’autorisant à mener une frappe atomique préventive en cas de menace existentielle contre son régime. Séoul et Washington prêtent à Pyongyang l’intention de mener prochainement un nouvel essai nucléaire, qui serait le septième de son histoire et le premier depuis 2017. Les dirigeants nord-coréens affirment qu’une dissuasion nucléaire crédible est essentielle à la survie de leur pays, qui se dit constamment menacé d’agression par les États-Unis. De leurs côtés, les États-Unis, la Corée du Sud et le Japon ont renforcé leur coopération militaire et leurs manœuvres conjointes face aux menaces nord-coréennes, surtout depuis l’annonce de la nouvelle doctrine de Pyongyang. Mais ce renforcement a irrité encore davantage la Corée du Nord qui, par la voix de sa ministre des Affaires étrangères Choe Son Hui, a promis mi-novembre des représailles « féroces » s’il se poursuivait.