Alors que les cadavres d’enfants s’entassent sous les décombres à Ghaza, le Conseil de sécurité de l’ONU débat, tergiverse, puis s’enlise. Encore une fois. La question de la protection des enfants palestiniens, victimes directes de crimes de guerre commis par l’armée israélienne, s’est retrouvée à l’agenda du Conseil, mais ce n’est, pour beaucoup, qu’un sujet de plus voué à l’oubli. Car tant que le droit de veto prévaut sur le droit humanitaire, tant que certains États s’érigent en protecteurs de l’impunité israélienne, aucun espoir tangible ne peut être nourri. L’Occident, à commencer par les États-Unis, accorde à Israël une couverture diplomatique constante, même face à l’évidence des crimes. En épargnant systématiquement l’État hébreu des conséquences de ses actions militaires contre les civils, et en particulier contre les enfants, les puissances détentrices du veto au Conseil de sécurité contribuent à entretenir cette spirale de mort. Et pourtant, les faits sont accablants. Le Bureau des droits de l’Homme des Nations unies, malgré sa marginalisation croissante dans la gestion humanitaire de la catastrophe à Ghaza, continue de tirer la sonnette d’alarme. Dans un communiqué sans détour, il accuse Israël d’avoir « transformé l’alimentation en arme de guerre », une tactique qui viole de manière flagrante le droit international humanitaire. Priver des civils de nourriture, ou pire, les viser alors qu’ils tentent désespérément d’y accéder, constitue un crime de guerre. Une vérité que les survivants à Ghaza connaissent dans leur chair. Depuis le début de l’offensive israélienne en octobre 2023, des milliers d’enfants ont été tués, blessés ou portés disparus. Les files d’attente pour un simple sac de farine ou une bouteille d’eau sont régulièrement prises pour cible. Les enfants, déjà privés d’abris et d’école, meurent de faim ou sous les bombes, dans une indifférence mondiale glaçante. Face à cette tragédie, le secrétaire général de l’ONU et plusieurs agences onusiennes multiplient les avertissements, mais leur voix semble ne porter que dans le désert diplomatique. La fragmentation politique, les agendas des grandes puissances, et la protection aveugle d’Israël réduisent chaque cri d’alerte à une déclaration de plus dans les archives de l’impuissance. Sur le front diplomatique, le Qatar poursuit ses efforts de médiation, notamment aux côtés de l’Égypte et des États-Unis. Mais, même ces initiatives sont aujourd’hui entravées par la nouvelle escalade régionale provoquée par l’agression israélienne contre l’Iran. Le ministre qatari des Affaires étrangères, Mohammed bin Abdulrahman Al-Thani, a pointé du doigt cette dérive dangereuse : « L’escalade contre l’Iran a gelé temporairement les efforts de cessez-le-feu à Ghaza ». En d’autres termes, pendant que le conflit s’étend, que de nouveaux fronts s’ouvrent et que la diplomatie s’enlise, la population de Ghaza, et plus particulièrement ses enfants, paie le prix d’un conflit qu’elle n’a ni provoqué, ni choisi. La communauté internationale continue, quant à elle, d’osciller entre dénonciations timides et silence complice. Les mécanismes du droit international sont paralysés par ceux-là mêmes qui prétendent le défendre. Le Conseil de sécurité, censé incarner l’autorité morale et politique du monde, apparaît plus que jamais comme le théâtre d’une hypocrisie globale où les enfants ne sont que des dommages collatéraux d’intérêts géostratégiques. En définitive, ce sont les détenteurs du veto – ceux qui pouvaient arrêter les massacres – qui portent une part écrasante de responsabilité dans cette tragédie. Chaque minute passée sans cessez-le-feu, sans accès humanitaire réel, sans sanction contre les crimes commis, est une minute de trop dans l’agonie d’un peuple pris au piège. Ce n’est pas seulement Israël qu’il faut juger. C’est aussi le silence, le calcul, l’abstention coupable de ceux qui ont le pouvoir d’agir et choisissent de ne rien faire.
M. S.