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Colloque philosophique internationale à Béjaïa : À la recherche de nouvelles ressources autour de Raymond Lulle

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Les participants au colloque international « Dialogues méditerranéens » consacré au philosophe Catalan du Moyen-Age Raymond Lulle, artisan des « disputes » avec les ulémas de la région de Béjaïa en 1315 se sont accordés, mardi au terme de leurs travaux, pour poursuivre les recherches et les sources à même d’éclairer sur cette période encore recouverte de nombreuses zones d’ombre.
Cette période, ont-ils soutenu, est recouverte de nombreuses zones d’ombre qui suscitent encore des divergences de fond entre les historiens du Maghreb en général et leurs pairs européens, notamment ceux de la Catalogne (Espagne). « Il n’y a pas de sources sur ces rencontres et ces disputes, ni à Tunis, ni non plus à Bejaia », a tranché l’ancien directeur de l’Institut de journalisme d’Alger, Zahir Ihaddadene, tout en rappelant l’épisode durant lequel Raymond Lulle a été chassé alors par la population de Bejaia pour avoir soutenu sur la place publique la suprématie du christianisme sur l’Islam. « Il n’a dû son salut que parce que les intellectuels de la région ont volé à son secours. Ils l’ont caché dans une grotte puis exfiltré », a-t-il évoqué. Pour autant, Zahir Ihaddadene ne met pas en cause l’existence de ces disputes, mais reste « perplexe » sur le fait qu’aucun nom d’un savant de la région n’ait été cité dans ce livre qui, du reste, n’en est qu’une réécriture des notes consignées sur les lieux, l’original ayant été « égaré » en mer lors du naufrage du bateau de Lulle alors mouillant vers le port de Gêne en Italie. Dans ce contexte historique, Béjaïa, était un centre de rayonnement intellectuel de premier ordre. Elle a abrité une forme de dialogue interreligieux à travers des événements entrés depuis dans l’histoire islamo-chrétienne. « Ce dialogue avait un lieu prédestiné. Il s’agissait de Beit El Hikma (Maison de la sagesse) qui abritait les échanges intellectuels entre musulmans et non musulmans, résidant dans la ville ou y venant de l’étranger », a soutenu pour sa part l’universitaire Djamil Aissani, précisant que l’époque pullulait d’érudits dont ibn Arabi, ibn Sabin, Sidi-Boumediène et tant d’autres affublés du reste du titre de « princes de la science ». Lulle qui a tiré, à l’évidence, profit de ses voyages dans les pays musulmans a expatrié vers l’Europe un énorme savoir, notamment son orientation religieuse vers les principes du rationalisme, soutiendra pour sa part l’ancien ministre des Affaires religieuses, le professeur Said Chibane, mettant en exergue, dans ce contexte, le travail émérite d’Ibn Rochd, qui a fondé la théorie du rationnel. L’auteur des « Disputes » s’en est inspiré goulûment avant de retourner le principe en sa faveur et à la faveur du rayonnement chrétien. D’ailleurs son séjour de près de six mois à Bejaia, ont soutenu quelques intervenants, a été motivé essentiellement par des considérations d’apologie voire d’évangélisation. D’où la réaction de la population de Bejaia de le bouter dehors. Said Chibane, acquis à cette thèse, n’a pas manqué de rappeler que ce voyage à Bejaia puis à Tunis a été décidé, après que le philosophe eut échoué de convaincre le Pape Celestin d’envoyer une légion d’évêques guerriers pour occuper Grenade, encore en régime semi-autonome, conquérir le Maghreb et les terres saintes en Palestine. Déçu, il a pris son bâton de pèlerin pour semer la bonne parole, en choisissant la voie civilisée et la méthode pacifique.
Une vision, qui tranche franchement avec celle développée par le Pr Manuel Forcano, directeur général de l’Institut Raymond Lulle de Barcelone qui réfute le profil, tracé de l’auteur des Disputes. « Il n’était ni missionnaire, ni prêcheur, ni utopique mais un apôtre du dialogue.
Pas pour convertir mais pour convaincre dans une époque marquée pourtant par les violences et les croisades. Il a privilégié le débat et la démarche pacifique », a-t-il soutenu. Le débat a donné l’occasion aux chercheurs d’explorer de nouvelles pistes en rendant aux faits de l’histoire toute leur primauté.

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