Le film biographique et historique «Fadhma N’Soumer» (1830-1863) réalisé par Belkacem Hadjadj et projeté, vendredi à Tizi Ouzou, dans le cadre de la commémoration des évènements du 17 octobre 1961, a été accueilli avec beaucoup d’émotion par les cinéphiles de la wilaya. Ce long métrage d’une durée de 01h56mn, consacré à l’icône féminine de la résistance populaire en Kabylie contre l’armée coloniale française, durant les premières décennies du colonialisme, projeté à la maison de la culture Mouloud-Mammeri, dans une salle archi-comble, en présence du réalisateur et d’une équipe de comédiens, a été reçu par les applaudissements et les youyous du public. L’actrice franco-libanaise Laëtitiea Eïdo, qui a appris le Kabyle pour les besoins du film, a campé avec brio le rôle de l’héroïne grâce à son charisme et une bonne et claire diction, ce qui n’enlève en rien à la qualité de ce biopic (biographical picture) à travers lequel le réalisateur a tenté de restituer des faits historiques avérés, en faisant appel à des universitaires (historiens, anthropologuesà) sur un personnage où les écrits historiques se sont avérés rares et les légendes sont légion. Pour le scénario de «Fadhma N’Soumer», coécrit avec le Canadien Marcel Beaulieu, Belkacem Hadjadj a voulu restituer toute l’atrocité et la cruauté d’un colonialisme sauvage et sanguinaire qui n’épargnait ni femmes ni enfants, des scènes poignantes, émouvantes, parfois très violentes retraçant les exactions de l’armée coloniale française durant la période allant de 1847 et 1857, année de la capture de la fière Fadhma N’Soumer. La fiction est habillée par la musique du compositeur algérien Safy Boutella, et parée de chants portés par la voix chaude d’Ali Amrane, écrit et composé par lui-même et qui a campé le rôle d’»Anzar», une voix off qui chante l’épopée des résistants. Le choix des costumes et du décor, la beauté et la profondeur des dialogues, signés par le poète Mohamed Benhamadouche (BenMohamed), replonge le public dans la Kabylie du 19ème siècle. Le destin exceptionnel de Fadhma N’Soumeur qui commence par un mariage accepté à contrecœur pour faire taire les mauvaises langues, se croise avec celui du résistant et chef de guerre Cherif Boubaghla (joué par le franco-marocain Assad Bouab). Deux personnes entre qui est né un amour impossible, Fadhma étant mariée à un homme qu’elle a quitté, pour retourner dans son village natal, mais qui refuse de la libérer des liens du mariage. Si Belkacem Hadjadj a choisi de ne pas montrer Fadhma N’Soumer faire la guerre, c’est parce que, dira-t-il, «il n’y a aucune source qui rapporte qu’elle avait pris les armes. Son rôle résidait dans la mobilisation et l’unification des tribus kabyles contre le colonisateurs, par la force de son discours et sa force de persuasion». Un rôle qui s’exprime, pleinement lorsqu’elle parvient à rallier un ami de la France à sa cause et à le retourner contre l’ennemi, au moment où la mobilisation des tribus kabyles, contraintes à la famine à cause d’un blocus imposé par l’armée coloniale française, commençait à fléchir.