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Chlef : vivre sur les hauteurs d’Oued Goussine

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Oued Goussine, cette commune côtière de la wilaya de Chlef , qui dépend de la daïra de Béni-Haoua, située à 75 km au nord-est de la ville de Chlef par Ténès, appelée jadis Taourira et qui signifie colline en berbère et traversée par la route littorale ou corniche de la Dahra est connue par ses splendides plages, notamment Boucheghal et Doumia, dominées par des montagnes très boisées. Sa population locale est berbérophone comme celle de Béni-Haoua et Bréra. Cependant Oued Goussine se targue d’être une destination privilégiée des vacanciers qui envahissent son littoral. Par contre ce qui l’est moins, beaucoup moins, ce sont les douars qui la surplombent et la mer avec une vue imprenable comme on dit dans les spots publicitaires pour les grandes stations balnéaires. …Nous avons rendu visite à ces douars et nous nous sommes enquis de leurs problèmes durant tout un après-midi. Pour ce qui est de l’infrastructure, les habitants ont tenu à transmettre avec insistance leurs doléances aux autorités compétentes. Ils parlaient tous à la fois, puis El Hadj Aïssa, en chef de tribu bien écouté, a remis de l’ordre dans la discussion. Ce septuagénaire a un ascendant certain sur ses concitoyens de par sa pondération et sa sagesse à résoudre les problèmes localement, mais cette fois-ci il a dû se ranger du côté des siens. Il nous parle d’abord de l’état lamentable des routes. Surtout de la pénétrante qui va d’Oued Goussine à Zeboudja : «Cette route est très dégradée sur les hauteurs et surtout au niveau des douars d’El Khezna, Sidi M’hamed, El Brakna et Bendjezaine. Maintenant, dans certains virages, des pans entiers de la route se sont affaissés. Le reste ne tiendra pas jusqu’à l’hiver. Dans ces conditions, nous seront complètement isolés et ne pourrons même pas accéder au cimetière, alors parler d’évacuer un malade relèverait de la gageure. Actuellement, nous sommes obligés de transporter nos malades des hameaux jusqu’à la route à dos d’âne, mais si demain, la route est coupée c’est comme si vous coupiez le bras d’un corps. Nous sommes l’un des bras de ce corps, ce grand corps qu’est l’Algérie. Nous voulons que nos enfants restent ici, si les conditions de vie s’améliorent. Ils n’iront pas grossir les rangs des hittistes en ville.» Ahmed Benmimouna prend la parole pour nous parler de l’électrification des zones rurales. «Je remercie l’Etat pour l’aide qu’il m’a apportée pour la construction de mon logement, mais je ne peux l’habiter.
Regardez, il est fini et blanchi, mais sans électricité. Ils m’ont dit qu’il fallait un poteau qui coûte des millions dont je suis loin d’en disposer. J’ai érigé un pylône en béton armé pour supporter le câble de l’électricité en vue du raccordement. Rien à faire, refusé. Ils disent qu’il faut un poteau métallique fourni par leur entrepreneur.» M. Benmimouna n’est pas le seul dans ce cas : «Il y a une vingtaine de maisons dans le noir par manque de raccordement», explique-t-il. Quant à l’eau potable, la seule évocation du sujet déclenche une tempête de paroles. Tous parlaient à la fois : Ramdhani, Sadouk, Rebbahi, Maamar, Moussa, Aberkane, etc. «Nous buvons une eau sale et boueuse, qui est impropre à la consommation à cause du réservoir qui a été construit sans prévoir un système de vidange pour le nettoyage. Les contrôleurs de la qualité de l’eau ne sont jamais venus visiter ce bassin. Beaucoup de gens partent loin pour chercher de l’eau à dos d’âne.»
Les habitants demandent à ce que les pouvoirs publics pensent à construire un réservoir par douar. Ces petits réservoirs seront alimentés à partir du grand réservoir existant déjà. «Il faut de toute urgence trouver une solution technique pour vidanger cette eau afin d’éviter une catastrophe humaine et un désastre écologique. Nous tirons la sonnette d’alarme. Il y a un réel danger pour la santé publique», insistent-ils. C’est fait, la transition est toute trouvée, nos interlocuteurs se mettent tous à parler de la santé. Nous les avons écoutés, mais nous préférons laisser parler les mieux informés. Berkane Yacine est un jeune aide-soignant de vingt trois ans, nouvellement installé, qui nous fait visiter la salle de soins où nous avons constaté de visu ce dont il nous parle devant ses concitoyens puisqu’il réside dans l’un des douars. «Je suis tout seul ici, j’aurai aimé avoir avec moi un infirmier expérimenté pour faire face aux problèmes des patients. Programmer la visite d’un médecin deux à trois fois par semaine serait idéal. Pour les équipements médicaux servant dans l’intervention des premiers soins, nous n’avons pas à nous plaindre. Pour le reste voyez par vous-même», nous lance-t-il. Une grande citerne en galvanisé de capacité de 1500 litres environ est posée sur son berceau dans le couloir, à l’intérieur de la salle des soins.
La salle d’eau n’a pas d’installation pour l’eau courante, pas de tuyaux. Il fallait mettre la citerne sur la dalle. La salle des soins gagnerait à être équipée d’une porte métallique et des barreaux aux fenêtres. Les malades, en plus de leur état de faiblesse physique, sont indisposés par les odeurs nauséabondes qui se dégagent des égouts à ciel ouvert qui passent entre la salle des soins et l’école primaire. «Les écoliers pataugent quotidiennement dans les eaux usées», affirme l’aide-soignant. Tous les habitants que nous avons rencontrés reconnaissent les efforts de l’Etat, notamment l’aide au logement rural.
Cette politique, qu’on le veuille ou non, a changé le visage de nos campagnes. Fini les gourbis, fini les habitations précaires et insalubres. Au contraire, de belles petites villas propres et parfois cossues jalonnent nos montagnes. Bon courage les gars, même si, comme vous le dites, le transport revient parfois plus cher que les matériaux. Nous avons mesuré sur place, sur les hauteurs d’Oued Goussine, devant les monts majestueux de Bissa, la valeur des hommes et leur patience, mais surtout leur amour pour la patrie. «Quand vous fixez le sommet des monts Bissa, vous entendez au loin le bruit des grandes batailles qu’ont livrées nos valeureux chouhada près de huit ans durant», fait remarquer El Hadj Aïssa, précisant que les habitants de ces hameaux veulent sentir la chaleur du soleil de l’indépendance. Messieurs les responsables n’éteignez pas cette flamme, ne les décevez pas, conclut le brave montagnard.
Bencherki Otsmane

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