La participation algérienne, la situation de l’athlétisme handisport et les prochaines échéances mondiales, nous vous livrons, ci-après et comme prévu, les faits saillants de l’échange avec les invités de notre Forum organisé mardi passé…
Pour commencer, Azzedine Brahmi, ancien athlète de haut niveau dans le 3000 mètres steeple, champion d’Afrique et vice-champion du monde, a d’emblée qualifiée la participation algérienne aux Jeux paralympiques 2024 à Paris de « positive ». Par rapport aux éditions précédentes avec, à la clé, une moisson de 11 médailles au compteur. En réponse aux critiques faisant dire un bilan « négatif », Brahmi, en bon et expérimenté athlète qu’il était, a souligné que « contrairement à ce que beaucoup pensent, le sport n’est pas une chose facile où il suffirait, simplement, de courir avec l’aide d’un entraîneur, pour arracher des médailles. » Pour l’ancien cadre du MJS, derrière cette « prouesse sportive » réalisée par Skander Djamil Athmani et ses pairs, le soutien du président de la République était décisif, sur le plan, non pas matériel, mais moral.
Abordant les perspectives, le médaillé de bronze aux Championnats du monde de Tokyo en 1991 se veut rassembleur. C’est-à-dire, transcender les vieilles querelles et faire des ressentiments une source de motivation pour faire avancer le sport et, partant, notre pays. « Aujourd’hui, l’Algérie a besoin de tous ses athlètes, anciens et nouveaux. Pour les anciens, certains se sont retirés et d’autres sont mis à l’écart. Je voudrais que les prochains responsables (le prochain ministre) se rapprochent d’eux, les rassembler, car nous sommes une famille… », a-t-il suggéré.
Skander Djamil Athmani : « Fier d’avoir honoré mon pays »
Lui emboitant le pas, l’athlète handisport Skander Djamil Athmani, le double sacré paralympique (100m/T13 et 400m/T13) aux Jeux 2024 à Paris qui a honoré dignement son pays et a fait vibrer le cœur des tous les Algériens, ne pense pas moins que le problème de financement ne se pose plus pour les athlètes d’élite. Celui qui a été reçu, en compagnie des huit autres médaillés aux Jeux de Paris, par le président Abdelmadjid Tebboune qui les a distingués, explique, lui aussi, que c’est grâce « au soutien moral, plus que financier et le coup de pouce » du Locataire d’El-Mouradia que les paralympiques ont obtenu ces résultats. Sur la dernière participation paralympique, Skander Djamil Athmani l’estime de « positive », tout comme celle de 2021 à Tokyo où 12 médailles étaient ramenées au pays. « On est sur une courbe ascendante. Les exploits sont à mettre au crédit du Président. Il était présent avec ses décisions et il nous a vraiment donnés de la force. » Et comment est-ce que vous avez vécu le moment avec lui ? En réponse, Skander Djamil Athmani a témoigné de la « spontanéité et de l’hospitalité » du Président qui « nous a reçus lors d’une cérémonie sans protocole. Nous n’avons pas senti cette barrière entre un Président et ses invités. Cela peut paraitre banal, mais c’est un geste qui nous a marqués. Il nous a dit que toute l’Algérie est derrière, j’espère que nous avons été à la hauteur. »
Mounia Kerkar : « La spontanéité du Président nous a marqué »
Pour sa part, Mounia Kerkar, l’entraîneuse des deux para-judokas médaillés à Paris, à savoir Abdelkader Bouamer (or) et Ishak Ouldkouider (bronze), a affirmé que le chef de l’Etat « était très spontané » Pour l’actuelle enseignante à l’ISTS (Institut des sciences et technologies du sport d’Alger), « je dirais sur notre rencontre avec le Président, que c’est comme un père qui était fier de ce que ses enfants ont réalisé. Nous avons senti ça chez-lui ! Il nous a dit bravo, vous avez honoré le pays » Pour ce qui est de la place de certaines disciplines dans certaines catégories précises, Mme Kerkar appelle à la généralisation des centres et instituts de formation pour toucher à toutes les disciplines, toutes catégories confondues. Il s’agit, là aussi, de faire valoir tout le potentiel handisport national.
Sur la situation des paralympiques, aujourd’hui, Skander a enchaîné en affirmant que « courant des trois à quatre dernières années, nous avons senti cette importance accordée aux sportifs, surtout les paralympiques qui étaient victimes de la ‘’hogra’’ » Il a précisé que « même le regard de la société a changé. Avant les gens pensaient que les sportifs qui ont un handicap sont forcément insérés dans des associations. Aujourd’hui, ils sont de vrais professionnels qui évoluent dans le très très haut niveau. Des moyens financiers importants sont mis à leur disposition et leur revenus publicitaires sont aussi importants. », a-t- témoigné.
« Se préparer pour Los Angeles dès maintenant »
« Le message paralympique est aujourd’hui plus fort que le message olympique », a affirmé Djamil Athmani pour qui « s’il est vrai que notre soutien aux associations doit rester, on doit ouvrir les yeux aux handicapés qui doivent savoir qu’ils peuvent aller loin dans une carrière professionnelle. Il ne faut pas les rabaisser et il ne faut pas non plus qu’ils se rabaissent eux-mêmes. Car ils peuvent à tout moment déclencher en eux ce déclic positif pour eux, leurs familles et pour le pays. J’ai réussi ‘’El Hamdou Li Allah’’, mais je voudrais encourager les autres à le devenir. Ma devise dans la vie ? Que l’on réussisse tous ! On se bat pour notre pays qu’il faut honorer, je suis fier de le représenter. Pas seulement pour les réussites personnelles dont je ne voudrais même pas faire part. » Notre invité aborde, d’autre part, les prochaines échéances avec beaucoup d’optimisme. Notamment les Jeux Paralympiques de Los Angeles en 2028 « qu’il faut préparer maintenant, focaliser sur l’avenir pour nous ouvrir les portes. D’ici là, j’espère que nous obtiendrons de bons résultats », souhaite-t-il.
Ahmed Mahour Bacha : « Il nous faut des kinés, masseurs… »
Intervenant à l’occasion, l’ancien décathlonien et lanceur du javelot, Ahmed Mahour Bacha, le plus célèbre des décathloniens algériens, en Afrique et sur la scène arabe, aujourd’hui entraineur et technicien émérite au service de nos athlètes – dont fait partie Skander Djamil Athmani- a évalué la participation algérienne. « Aussi bien pour les valides que pour les paralympiques, les résultats étaient meilleurs cette année. Après les chutes de 2000, 2004 et 2008, le sport se porte mieux. C’est déjà un bon début dont le mérite peut être attribuer au président de la République », a-t-il affirmé. Sans trop se reposer sur ces acquis, Mahour Bacha aborde Los Angeles, dont il faut savoir a-t-il avancé, que les Américains ont préparé une bonne équipe paralympique. « Ils accordent beaucoup d’importance à ce rendez-vous.
A Paris, par exemple, ils ont ramené avec eux des salles de sport, des bus etc. Même des machines à café ! Que dire alors chez eux ? Je pense que ce serait difficile pour l’Algérie de reproduire les résultats de Paris. C’est l’avis des autres pays, je pense que nous assisterons à des Jeux très relevés » En attendant, il propose, pour s’y préparer, l’engagement de spécialistes comme les kinés, les masseurs … « C’est très important, on peut leur réserver 30% des 1000 postes accordés par le Président aux sportifs », a-t-il suggéré, tout en plaidant, par ailleurs, pour une présence forte des Algériens dans les instances sportives régionales, continentales et mondiales. Un travail de lobbying qui fera office d’une vraie assise pour la diplomatie sportive algérienne, plus que nécessaire pour défendre nos athlètes dans les compétitions. D’autre part, Mahour Bacha a pointé du doigt des pratiques malsaines qui subsistent et s’entendent comme des bâtons mis dans les roues de nos athlètes, nos champions surtout. Pour preuve ? La Fédération algérienne d’athlétisme « n’a pas, depuis une année, daigné mettre un mot sur sa page Facebook, concernant les exploits olympiques et paralympiques », a-t-il dénoncé. Pour lui, ce n’est pas la volonté politique des hautes autorités qui manque, mais les problèmes se posent à la base, comme celui qui concerne la relance effective du sport scolaire.
« Reclassification des athlètes, bombe à l’horizon »
Enchainant à ce sujet, Skander Djamil Athmani a posé une autre problématique sur laquelle les autorités du sport devraient plancher. Notamment la reclassification des paralympiques, dont des échos, a-t-il fait savoir, augurent d’un bouleversement en 2026. Conséquence ? « Des paralympiques risquent d’être reclassés et, donc, exclus d’une compétition. »
Pour mieux préparer nos athlètes et se maintenir au top niveau sur la scène internationale, il faudrait y penser dès maintenant. Là aussi, et tout comme son entraîneur, Skander plaide pour une présence des cadres algériens dans les instances pour être au fait de tout ce qui se trame dans les coulisses et, en conséquence, peser sur le cours des événements sportifs à l’international.
Farid Guellil