Parce que la femme algérienne occupe une très grande place dans l’Histoire officielle de la lutte de Libération nationale contre le système colonial français, la célébration de la journée internationale de la femme ne peut se faire sans marquer une halte pour rendre hommage à toutes celles ayant laissé leur vie pour que l’Algérie puisse retrouver son Indépendance, et de mettre la lumière sur la participation de la femme au combat libérateur.
Cette journée du 8 mars 2025 nous rappelle le massacre perpétré en une journée par le colonialisme français un certain 6 mars 1956 de plus de 300 femmes à la wilaya de Guelma. Ce jour-là, pas moins de 365 Algériens, principalement des femmes et des enfants, ont été sauvagement massacrés avant que leurs corps ne soient brûlés dans des cavités de stockage de blé et de provisions que l’on appelait (El-Matmour). Ce cimetière, situé à hauteur de la limite administrative séparant les wilayas de Guelma et de Souk Ahras, voit affluer le 6 mars de chaque année des centaines de citoyens de tous âges et de différentes conditions, accompagnant les autorités de la wilaya de Guelma, les étudiants, les écoliers et les scouts qui arpentent une vingtaine de km de sentiers sinueux de montagne pour commémorer ce massacre commis il y a 69 ans. Selon les témoignages de certains habitants de la région, cette commémoration est une occasion de rappeler le caractère inhumain du colonialisme français qui a fait du sang de citoyens désarmés son seul moyen de vengeance après les lourdes pertes infligées aux soldats français par les moudjahidine de l’Armée de libération nationale (ALN) au cours d’une bataille qui fit rage près du village de Besbassa. Les informations recueillies dans des documents conservés au musée du Moudjahid de Guelma indiquent que l’armée française avait effectué ce jour-là des raids aériens intensifs et bombardé les montagnes, les villages et les hameaux, avant d’arrêter arbitrairement des citoyens revenant du marché de Hammam N’bails. Arrêtés dans les douars de Krayer, de Djafara, de Tamla, d’El-Kalb et de Fedj Er-Ramoul, les paisibles citoyens tombés entre les mains des forces coloniales furent rassemblés à Besbassa puis froidement abattus avant que leurs corps ne soient aspergés d’essence et brûlés.
Louisa Attouche : le parcours d’une jeune fille qui choisit d’être infirmière
L’occasion de ce 8 mars est aussi pour faire connaître les profils de beaucoup de militantes ayant servi la Révolution, en dépit des conditions difficiles et de leur jeunes âges. C’est l’exemple de la jeune Louisa Attouche qui a choisi le métier d’infirmière, a l’instar de nombreuses autres jeunes filles de sa génération. Outre l’aide qu’elle apporta avec beaucoup de bienveillance à ses concitoyens, elle joua également un grand rôle dans les maquis de l’ALN. Originaire du village de Tibane, dans la daïra de Sidi-Aïch, dans la wilaya de Béjaïa, Fatima Louisa Attouche née le 20 février 1935 à Paris d’un père algérien et d’une mère française. Assidue et appliquée, elle décroche son diplôme d’infirmière en 1953, tout comme son amie, la chahida Malika Gaïd avec laquelle elle nouera une profonde amitié. En 1956, la jeune infirmière ainsi qu’une autre fille native du même village, en l’occurrence Drifa Attif seront contactées par des membres de l’ALN leur proposant de monter au maquis. Louisa et Drifa acceptent sans hésitation, convaincues qu’elles ont un rôle à jouer dans cette lutte armée de Libération contre l’occupant colonial. Quelques temps après, des soldats français avaient convoqué le père de Louisa pour lui faire subir un interrogatoire dans l’espoir d’en savoir un peu plus sur l’endroit où se trouvait la jeune fille ainsi que le reste des moudjahidine qui l’avaient contactée. Le père refuse de dire quoi que soit, préférant subir les longues séances de torture plutôt que de dénoncer sa fille et trahir la cause algérienne. Il sera alors assassiné ainsi que 74 autres villageois, tous noyés dans un puits. Bien qu’elle se sait étroitement surveillée et que le moindre fait ou geste peut la renvoyer à la case prison, la jeune femme accomplit son travail avec beaucoup d’abnégation, n’hésitant pas à enfourcher sa bicyclette pour sillonner les douars et les dechras environnants pour soigner ou aider ses concitoyens. Elle était d’ailleurs surnommée « Louisa l’fermila moullete l’bisclette». Lorsqu’on l’invitait à évoquer son parcours révolutionnaire, Louisa Attouche répondait que son engagement était un devoir envers son pays, un pays pour lequel sont morts en martyrs son père et son frère. Quant à sa mère, elle en a perdu la tête suite à la perte cruelle de son époux et de son enfant.
Zoulikha Ouadaï ou la « mère des résistants »
Lalla Zouleïkha Ouadaï, la femme la plus recherchée par l’armée coloniale à Cherchell, surnommée « la mère des résistants ». Fille d’un père cultivé, grand propriétaire terrien et conseiller municipal, Zoulikha Ouadai a vécu à Cherchell, où elle est instruite dans une école indigène. Elle donne naissance à cinq enfants. L’un d’eux sera exécuté en janvier 1957, par les services de renseignements français, deux mois après l’exécution de son père et mari de Zoulikha El Hadj Si Larbi. Des éléments déclencheurs de son engagement pour l’Indépendance de l’Algérie. Rapidement nommée responsable du Front de libération nationale dans la région de Cherchell, elle participe à des opérations de renseignements pour le FLN et de rapprochement entre le FLN et la population. Elle financera le FLN avec l’argent de son mari. Quand le réseau FLN de la région de Cherchell est démantelé, en 1957, Zoulikha Ouadai intègre le maquis. L’armée française lui tend une embuscade dans l’oued Haïzer où elle est arrêtée le 15 octobre 1957 et exposée attachée à un véhicule blindé. Elle s’adresse à la foule : «Mes frères, soyez témoins de la faiblesse de l’armée coloniale qui lance ses soldats armés jusqu’aux dents contre une femme. Ne vous rendez pas. Continuez votre combat jusqu’au jour où flottera notre drapeau national, sur tous les frontons de nos villes et villages. Montez au maquis ! Libérez le pays ! ». Le capitaine tente de la faire taire : elle lui crache au visage. Elle est torturée pendant dix jours et résiste avec bravoure ne livrant pas le nom de ses compagnons d’armes.
Fatima Bedar, une enfant de 15 ans noyée dans la Seine
Fatima Bedar n’avait que 15 ans lorsqu’elle avait été noyée et tuée dans la Seine en octobre 1961. Son seul tort était de se trouver dans les cortèges de ses compatriotes sortis manifester contre un couvre-feu imposé aux Algériens par la préfecture, qui croyait ainsi pouvoir brider leur élan nationaliste. Fatima était dans les cortèges et a dû payer de sa vie sa « bravade ». Ni son jeune âge, ni son cartable de collégienne, ni ses tresses enfantines n’ont réussi à gagner la sympathie de ses bourreaux ou susciter leur pitié. D’un geste mécanique et haineux, des policiers en faction l’ont jetée à l’eau sans ménagement, mettant fin à une vie innocente et pleine de promesse. Fatima, était précoce en effet, selon Djoudi, son frère cadet, qu’elle a materné jusqu’à l’âge de six ans et qui garde encore un souvenir impérissable de sa sœur, gorgée de vie, joyeuse et surtout très attentionnée à son égard. Ce n’est que le 31 octobre, que son corps a été retiré, coincé dans une turbine de l’écluse de la seine, dans un état de dégradation avancé. Son père n’a pu la reconnaitre que grâce à ses tresses très distinctives, faites à la façon kabyle. Evidemment la police dans de sa logique de déni a conclu à un suicide. Ce n’est qu’en 2003 que ce drame à refait surface, grâce notamment aux investigations d’un journaliste de (L’Humanité), Didier Daeninckx et les témoignes de l’historien Jean Luc Enaudi, que la vérité a fini par éclater dans toute son horreur. Son corps a été rapatrié en Algérie, à Tichy précisément en octobre 2006, où, depuis, il repose au carré des martyrs.
Ania N.