L’Italienne Carla Fracci, l’une des plus grandes ballerines du XXe siècle qui s’est illustrée aux côtés de légendes comme Rudolf Noureev et Mikhaïl Barychnikov, est décédée jeudi à l’âge de 84 ans chez elle, à Milan où elle avait débuté sa carrière à la Scala. C’est d’ailleurs la prestigieuse institution milanaise qui a annoncé «avec émotion la nouvelle de sa disparition», ajoutant: «le Théâtre, la ville et la danse perdent une figure historique, légendaire, qui a laissé une marque très forte dans notre identité et a apporté une contribution fondamentale au prestige de la culture italienne dans le monde». Fracci, qui a interprété plus de 200 personnages au cours de sa carrière, s’était illustrée dans les rôles romantiques, notamment celui de «Giselle», dans le ballet éponyme. Plusieurs compagnies internationales lui ont rendu hommage comme l’American Ballet Theatre (ABT) qui a évoqué «le souvenir indélébile qu’a laissé son art sur les scènes du monde entier» ou encore l’English national Ballet qui l’a qualifiée «d’inspiration et de légende pour notre art». La star russe du Mariinsky de Saint-Pétersbourg, la ballerine Diana Vishneva, a salué celle qui a «inspiré des millions et touché leur cœur» avec sa danse. La nouvelle de son décès a suscité une pluie d’hommages aussi dans son pays. «La plus grande. Divine et éternelle (…)
L’Italie de la culture reconnaissante à jamais, immense #CarlaFracci», a ainsi réagi sur Twitter le ministre de la Culture Dario Franceschini, tandis que le Premier ministre Mario Draghi a salué «un exemple de passion» et «une grande Italienne». «Avec Maria Taglioni (1804-1884), Carla Fracci a été la personnalité plus importante de l’histoire de la danse à la Scala», a souligné de son côté son directeur, le Français Dominique Meyer, rappelant qu’en janvier elle y était venue pour une ultime masterclass afin de préparer les élèves à la reprise de «Giselle», resté comme l’un des sommets de ses interprétations.
Le directeur du corps de ballet Manuel Legris, français également, a salué en elle «une source d’inspiration pour toutes les générations de danseuses».
Mal payée
Connue dans la péninsule italienne simplement comme «La Fracci», cette élégante femme brune toujours vêtue de blanc avait été nommée étoile au sein de la célèbre institution milanaise en 1958. C’est en 1946, à l’âge de neuf ans, que la fillette issue d’un milieu modeste est admise à l’école de ballet de la Scala, où elle étudie la danse notamment sous la houlette d’Esmée Bulnes et Vera Volkova, ce qui lui permet de bénéficier d’une double tradition classique, milanaise et pétersbourgeoise. A la fin de sa formation en 1954, elle est engagée dans la troupe de la Scala. C’est à partir de là qu’elle croise entre autres Luchino Visconti, Maria Callas, Leonard Bernstein… Sa rencontre avec le chorégraphe sud-africain John Cranko lui ouvre les portes d’une carrière internationale. Mais ce personnage haut en couleurs décide en 1963 de quitter la Scala où elle se considère sous-employée et mal payée.
Succès populaire
Avec l’aide de son mari, le metteur en scène Beppe Menegatti, elle devient donc indépendante.
Appréciée de chorégraphes comme John Cranko ou Roland Petit, elle se distingue par ses interprétations très personnelles pour restituer l’émotion des personnages féminins qu’elle incarne sur les planches. Elle participe aussi à des créations originales, par exemple sur des œuvres de Mario Pistoni en 1966, ou de Roland Petit en 1996, ou à des reconstitutions de danse d’Isadora Duncan par Millicent Hodson, en 1990.
Dans les années 1970, ses interventions au Festival de Vérone (Nord) rencontrent un succès populaire. Elle prend d’ailleurs la direction des Ballets des Arènes de Vérone de 1995 à 1997, puis du Ballet de l’Opéra de Rome en 2002. En 2004, elle avait été nommée Ambassadrice de bonne volonté de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
«Avec son élégance et son engagement artistique, Carla Fracci a honoré notre pays», a estimé le président de la République italienne Sergio Mattarella.