La présidente brésilienne Dilma Rousseff entame mercredi, une course contre la montre désespérée après l’éclatement de sa coalition pour tenter de préserver au moins un tiers des votes des députés qui lui permettraient d’échapper à une humiliante destitution. Plus que jamais fragilisée au lendemain du divorce de son principal allié, le parti centriste PMDB du vice-président Michel Temer, la dirigeante de gauche doit convaincre 172 députés sur 513 – plus du tiers – de voter mi-avril contre son impeachment. Sinon, elle sera mise en accusation devant le Sénat, qui aura le dernier mot et pourrait prononcer sa destitution définitive dès le mois de mai selon l’opposition. La présidence a bien sûr accusé le coup de l’abandon en rase campagne du PMDB.
Mais à tout prendre, « cette décision arrive à un bon moment parce qu’elle donne du temps à la présidente Dilma pour recomposer son gouvernement », a tenté de positiver mardi soir son chef de cabinet Jaques Wagner. « Le programme du gouvernement est maintenant de conquérir des votes au Congrès des députés et la meilleure façon de le faire est d’élargir notre base d’alliés », a-t-il ajouté, estimant qu’un remaniement ministériel pourrait avoir lieu vendredi. En clair, le camp présidentiel va chercher à stopper l’hémorragie au sein des partis hésitants du « grand centre » mou de sa coalition en leur proposant les ministères laissés vacants par le PMDB et les 600 postes qu’il contrôlait au sein de la machine gouvernementale. L’opposition de droite mise au contraire sur un effet domino inverse en sa faveur. Tout comme le vice-président Michel Temer, qui ne cache plus ses ambitions de précipiter la chute de Mme Rousseff pour lui succéder jusqu’aux prochaines élections prévues en 2018.
Opération séduction
« La situation politique du gouvernement est très compliquée car il doit convaincre les députés un par un de voter contre l’impeachment, et la sortie du PMDB de la coalition peut pousser d’autres partis à suivre le même chemin », souligne Williams Gonçalves, professeur de sciences politiques à l’Université d’État de Rio de Janeiro. Les pro et anti-impeachment « sont tous la calculette à la main en train de compter les votes, de les négocier contre des postes et des ministères », explique à l’AFP Michael Mohallem, professeur de droit à la Fondation Getulio Vargas, à Rio de Janeiro. « Le gouvernement, aujourd’hui, a encore les votes suffisants pour se sauver, mais il est à la limite: entre 170 et 190, 200 si l’on est optimiste », évalue cet analyste.
Or, « la situation est très instable » et le vent politique souffle contre la présidente, embourbée dans une crise politique historique, sur fond d’énorme scandale de corruption et de récession économique, à quatre mois des Jeux olympiques de Rio de Janeiro. Dilma Rousseff n’est pas visée directement par l’enquête sur le scandale de corruption Petrobras qui éclabousse son parti mais tout autant le PMDB. L’opposition l’accuse d’avoir maquillé les comptes de l’État pour dissimuler l’ampleur des déficits publics en 2014, année de sa réélection, puis en 2015. Elle se serait ainsi rendue coupable d’un « crime de responsabilité » administrative, prévu par la Constitution. La présidente répond que tous ses prédécesseurs ont fait de même et dénonce une procédure « sans fondement légal », masquant une « tentative de coup d’Etat » institutionnel.
Dilma reste à Brasilia
Signe de la gravité de la situation, Mme Rousseff a annulé un voyage aux États-Unis. Elle devait participer, jeudi et vendredi, à un sommet sur la sécurité nucléaire à Washington, pendant lequel son vice-président Temer l’aurait remplacée… Mais elle a préféré rester à Brasilia où elle lancera mercredi une nouvelle phase de son programme de logements sociaux « Ma maison, ma vie », en faveur des plus démunis.
La présidente a vu en 2015 s’effondrer sa cote de popularité à un niveau historiquement bas de 10%. Selon un récent sondage, 68% des Brésiliens veulent son départ.
Le Parti des travailleurs (PT) au pouvoir depuis 13 ans et sa mouvance syndicale ont appelé la gauche à manifester massivement, jeudi, « en défense de la démocratie » et de Dilma Rousseff, espérant faire pression sur les députés.