L’illustre écrivain et romancier n’a rien perdu de ses critiques acerbes à l’égard des stipendiés algériens à l’étranger qu’il qualifie de laudateurs du colonialisme tombés dans les grâces du lobby sioniste.
Ecrivain, romancier et auteur prolifique dont l’œuvre est riche de quelque 35 titres produits entre 1965 et 2017, le moudjahid Rachid Boudjedra est, sans conteste, l’un des plus grands noms de la littérature algérienne contemporaine. Bien plus qu’un écrivain, Boudjedra est un intellectuel visionnaire qui s’est illustré par une œuvre monumentale. Contrairement à beaucoup parmi ses pairs qui ont épousé des thèses à rebours des intérêts, des principes et des valeurs de l’Algérie et de son histoire, Boudjedra est un homme de conviction et un communiste assumé dont la plume, engagée et avant-gardiste, n’obéit point aux forces, impérialistes hier et néosocialistes aujourd’hui. Mais, le natif de Aïn Beïda s’est éclipsé de la scène littéraire et médiatique depuis la sortie de son dernier livre « Les Contrebandiers de l’histoire » en 2017. Notamment, pour rappeler le contexte de cette époque pas si lointaine, lorsque ce pamphlet a provoqué une vive polémique parce qu’il s’est attaqué aux plumitifs et aux scribouillards algériens dont la plume a été mise au service du colonialisme et des révisionnistes de l’histoire de la colonisation. Cet ouvrage était prémonitoire. Il alerte le peuple et les institutions sur un danger qui menace la mémoire de la Révolution algérienne. Il a ainsi mis en lumière les méthodes employées par les supporters de l’Algérie française qui s’appuient sur des plumes dociles dans le but de falsifier l’histoire de la colonisation. Autrement dit, il a démasqué les chantres des « bienfaits » de la colonisation française en Algérie. Boudjedra a cité nommément, comme par hasard, les noms de Kamel Daoud et Boualem Sansal. Le premier, le journaliste, pour s’être constamment investi, dans les colonnes du Quotidien d’Oran, à rabaisser ses concitoyens en allant jusqu’à les qualifier de « sales » pour justifier de « redonner la terre Algérie aux colons ». Le deuxième, l’écrivain actuellement en prison en Algérie, pour s’être inscrit dans le même courant de pensée, notamment glorificateur de la colonisation. Encore grave pour un Sansal qui remet en question la souveraineté territoriale algérienne. En contrepartie ? Gagner les faveurs de leurs maîtres pour accéder à la gloire et au luxe que peut offrir, par exemple, un ralliement de la cause de l’ennemi.
Une œuvre visionnaire
Sauf que l’auteur, selon son propre témoignage, n’était pas suffisamment écouté, il y a sept ans, parmi ses confrères écrivains, sur les enjeux derrière les manœuvres de ceux qui regrettent l’époque coloniale. Sinon, les intellectuels auraient, peut-être, vu venir l’actuelle campagne politico-médiatique dirigée contre l’Algérie à partir de l’Hexagone, l’une des plus féroces depuis l’indépendance. Auquel cas, le front intellectuel aurait été plus armé pour riposter. Aujourd’hui, force est de constater que temps a donné raison à l’auteur ayant donné à son livre, « Les Contrebandiers de l’histoire », une deuxième vie en le rééditant, sous une nouvelle version, chez la maison d’édition, d’impression et de traduction, Dar El Hikma. Dans ce contexte, Boudjedra a été reçu, lundi, au palais d’El-Mouradia, par le président Abdelmadjid Tebboune, auquel il a remis une copie de la dernière version de son livre. Une juste reconnaissance de la République. L’auteur méritait amplement d’être reconsidéré dans son statut d’intellectuel, un nationaliste qui ne plie pas le genou et qui œuvre pour la défense de son pays face aux velléités malsaines des adeptes d’un colonialisme révolu. Il n’a jamais cherché la gloire, ni courir derrière les prix comme l’ont fait les Daoud et Sansal. Deux personnages portés, par des milieux politiques et médiatiques noirement hostiles à l’Algérie, au pinacle de la littérature française, pour bons et loyaux services rendus à leurs maîtres.
« Idéologues et opportunistes »
Dans la foulée, Boudjedra s’est exprimé, lundi soir, lors d’un entretien sur la chaîne A3 de la Télévision nationale en qualifiant Daoud et Sansal d’ « idéologues » et d’ « opportunistes », et lesquels ne constituent qu’un « phénomène passager voué à disparaitre ». Autrement dit, deux écrivains souffrant du ‘’complexe du colonisateur’’, ainsi que l’a défini l’écrivain et anticolonialiste algérien Frantz Fanon ou encore l’érudit et philosophe musulman Ibn khaldoun. Pour Boudjedra, Daoud et Sansal « perçoivent le colonisateur comme leur maître ». Il pousse loin en présentent les deux écrivains comme atteints de « troubles psychologiques, un état d’aliénation et une rupture totale avec la pensée et l’esprit algériens ainsi qu’avec l’Algérie en tant que pays ». Pour le cas de Daoud, « c’est un écrivain ordinaire qui, dans ses chroniques journalistiques, insultait les Algériens, glorifiait le colonialisme et allait jusqu’à dénigrer la Révolution algérienne », charge Boudjedra. Sansal est, pour sa part, « un bouffon et un malade mental, avançant des allégations infondées et véhiculant une thèse dangereuse », a martelé l’invité de l’A3, démasquant « ses liens étroits avec l’extrême droite française ». Interrogé sur le sort de Daoud et de Sansal, Boudjedra a montré une bien triste fin. « Ils ne sont qu’un phénomène passage voué à disparaître et, dans quelques années, la société française les aura mis aux marges de l’histoire », a-t-il répondu.
Plus loin dans son analyse, Boudjedra affirmé que ceux qui chantent le colonialisme sont dans les grâces des milieux sionistes. Ils « jouissent du soutien et de l’appui de lobbies sionistes en Europe », a affirmé l’écrivain ajoutant que « le colonialisme ne change pas » et que « le colonisateur tente de maintenir des relations rétrogrades avec les milieux des anciennes colonies ». Enfin, Boudjedra soutient l’idée selon laquelle tous les intellectuels algériens, nationalistes et attachés aux principes et aux valeurs algériennes, doivent diriger leur plume contre les « contrebandiers de l’histoire ». C’est-à-dire, livrer à ces stipendiés une « guerre de plume » et une « offensive culturelle » pour réfuter leurs allégations sur l’Algérie.
Farid Guellil