A 73 ans, L’hadja Fatma peut se targuer d’être un modèle de la femme combative , défiant le poids du temps et les vicissitudes de la vie, elle a pris le chemin du savoir et vaincu l’ignorance.
C’est d’une voix douce et à peine audible que Fatma, native de Blida, a raconté à l’APS son histoire d’amour avec la langue arabe. Une histoire qui remonte à près de 20 ans, lorsqu’elle se trouvait aux Lieux Saints de l’islam pour accomplir le hadj (pèlerinage). « J’ai ressenti une grande tristesse lorsqu’une hadja indonésienne m’a offert un exemplaire du Coran, en m’invitant à lire quelques versets », se souvient-elle, non sans se rappeler de la profondeur de son désarroi à cause de son incapacité à lire. De retour au pays, Khalti fatma se fit la promesse d’apprendre à lire et à écrire, en demandant à son petit-fils, qui venait d’entamer sa première année fondamentale, de lui apprendre tout ce qu’il apprenait en classe, car ignorant, alors, l’existence des classes d’alphabétisation. Poursuivant son récit captivant, elle raconte qu’un jour, en se rendant comme à son habitude à la mosquée El kaouthar du centre ville, elle a remarqué un tableau dans l’aile réservée aux femmes, croyant qu’il s’agissait d’une information destinée aux enfants scolarisés. Mais en demandant des explications, une mourchida lui apprit que l’information concernait l’ouverture de classes aux personnes âgées et analphabètes comme elle. « Je me suis inscrite sans hésitation aucune et j’ai commencé mon apprentissage de l’alphabet arabe », a-t-elle ajouté, déplorant son manque de temps, en raison de ses nombreuses responsabilités après le décès de son mari, alors qu’elle n’avait que 52 ans, la laissant seule avec neuf (9) enfants à charge, qui ne lui permirent pas de suivre assidûment ses cours. Elle a donc négligé ses cours, afin de pouvoir s’occuper de ses enfants, -aujourd’hui tous universitaires (deux médecins, deux ingénieurs, et une professeur- « jusqu’à ces dernières années, durant lesquelles elle a pu reprendre le chemin de l’école, en réussissant la gageure d’atteindre la 5eme année primaire ».Aujourd’hui, L’hadja se prépare à passer l’examen de fin de cycle primaire en juin prochain, avec pour ambition de pouvoir poursuivre son cursus moyen, par correspondance, pour passer au secondaire et décrocher, pourquoi pas, le baccalauréat. « Si seulement le temps pouvait s’arrêter, j’aurais pu obtenir des diplômes supérieurs », a-t-elle confié, comme pour exprimer un rêve suprême.
Fière de ce qu’elle a réalisé, des regrets pour les années d’ignorance
C’est avec une fierté non dissimulée que L’hadja Fatma peut affirmer, aujourd’hui, qu’elle « sait lire et écrire ». Mieux encore, cette septuagénaire a appris une dizaine de hizb du Saint Coran, dont la sourate El Baquara (la vache). Aussi, n’a-t-elle pas manqué d’exprimer sa gratitude à tous les responsables et enseignants de l’annexe de Blida de l’Office national d’alphabétisation et d’enseignement pour adultes (ONAEA) pour leur patience avec elle, a-t-elle souligné. Elle a exprimé son regret pour toutes les années de sa vie passées dans les arcanes de l’ignorance, « ne sachant même pas écrire mon nom, à cause de l’injustice du colonialisme français, qui excluait les autochtones de l’enseignement », a-t-elle déploré. Khalti Fatima a lancé un appel à toutes les personnes analphabètes, hommes et femmes, à ne pas hésiter à suivre le chemin du savoir, ne serait-ce qu’en apprenant à écrire leurs noms ou à lire quelques sourates du Coran.
Le savoir, une bénédiction
La chargée de l’information auprès de l’annexe de l’ONAEA, Siham Amara, a estimé que L’hadja Fatma est un « modèle vivant de courage et de volonté », en dépit de son âge. « Elle fait partie des apprenantes les plus disciplinées et assidues, des qualités qui lui ont permis de gagner le respect de tous les enseignants et de ses camardes de classe », a-t-elle observé. Signalant que l’inscription pour les cours d’alphabétisation est ouverte à tous les citoyens, de tout âge, Mme Amara a souligné la détermination de l’Etat à ouvrir des classes d’alphabétisation, dans toutes les régions du pays et lieux adaptés pour ce faire. Mosquées, établissements éducatifs, maisons de jeunes, centres culturels, écoles coraniques, centres de rééducation, centres de la Solidarité nationale et autres centres du service national, tant de lieux indiqués pour perpétuer le savoir à la veille de Youm El Ilm, jour célébrant chaque année une figure emblématique nationale de la science, Cheikh Abdelhamid Benbadis.