Un documentaire sur la psychiatrie du Français Nicolas Philibert a décroché samedi l’Ours d’Or à la Berlinale, qui a décerné son prix d’interprétation à une fillette espagnole de seulement 8 ans, pour un film sur l’enfance. Deux décennies après l’immense succès de « Etre et avoir », le documentariste de 72 ans quitte les bancs de l’école pour cette plongée dans l’univers psychiatrique, premier film d’une trilogie à ce sujet. Sans voix-off, scrutant les visages des patients accueillis chaque jour sur une péniche amarrée sur la Seine à Paris, baptisée « L’Adamant », le film est « une tentative de renverser l’image que nous avons des personnes atteintes de folie », a expliqué Nicolas Philibert en recevant son prix. « Les clichés sont tenaces, le film essaie de les détricoter (mais) il y a beaucoup de chemin à faire », a-t-il dit. Sans voix-off, scrutant les visages des patients dans cette structure unique où une grande liberté leur est laissée, « Sur l’Adamant » montre la frontière qui finit par se brouiller entre soignants et malades. On peut y voir des patients participer à des ateliers thérapeutiques ou artistiques, mais aussi oublier leur statut de malade pour construire une vie commune, aidant par exemple au contrôle du budget. « Les personnes les plus folles ne sont pas celles que l’on croit », a ajouté le réalisateur de ce documentaire au long cours. Des documentaires sont régulièrement sélectionnés dans les grandes compétitions internationales de cinéma, mais assez rarement primés. L’an dernier, la Mostra de Venise a décerné son Lion d’Or à un film sur la crise des opiacés aux Etats-Unis, signé Laura Poitras (« Toute la beauté et le sang versé »). Ce prix « est une reconnaissance des films documentaires, mon type d’art », a déclaré Nicolas Philibert, espérant que cela pourra aider d’autres documentaristes à développer leurs projets. « Ce festival est là pour repousser les limites », a justifié l’actrice américaine Kristen Stewart, qui à 32 ans a été la plus jeune présidente du jury de l’histoire du festival. « Les paramètres invisibles forgés par l’industrie et l’académisme sur ce qu’est un film n’ont aucune chance avec celui-ci », a-t-elle ajouté.
Un autre Français, Philippe Garrel, 74 ans, a reçu l’Ours d’Argent du meilleur réalisateur pour « Le Grand Chariot », un film aux airs de testament artistique tourné avec ses enfants. Enfance et transidentité Le jury, qui comptait également les anciens titulaires de l’Ours d’Or Radu Jude et Carla Simon, ou l’actrice franco-iranienne Golshifteh Farahani, a aussi récompensé la performance d’une fillette de 8 ans, l’Espagnole Sofia Otera, pour son rôle dans « 20.000 espèces d’abeilles ». L’actrice en herbe a reçu, les larmes aux yeux comme une grande, le prix de la meilleure interprétation, qui est non-genré et remplace à Berlin celui du meilleur acteur ou de la meilleure actrice. Dans le film, signé de l’Espagnole Estíbaliz Urresola, elle joue un enfant de neuf ans, né garçon et qui se considère comme une fille. L’actrice autrichienne Thea Ehre a reçu le prix d’interprétation pour un personnage secondaire pour son rôle dans « Till The End of The Night », et le penseur Paul B. Preciado, figure incontournable sur ces questions, a été récompensé dans les sections parallèles pour son premier film (« Orlando, ma biographie politique »). Au-delà du compétition, cette 73e édition a permis à la Berlinale de renouer avec la normalité, après les restrictions liées au Covid, et a vu un certain nombre de stars revenir. On a notamment pu voir Sean Penn, venu présenter un documentaire sur ses pérégrinations dans l’Ukraine en guerre, le chanteur Bono et le légendaire réalisateur Steven Spielberg, qui a reçu un Ours d’or d’honneur.
Accueil Culture+ Berlinale : L’Ours d’Or à un documentaire français, une fillette prix d’interprétation