Réalisateur culte de «Take Shelter» et «Mud», le cinéaste américain Jeff Nichols réinvente le thriller fantastique des années 80 avec «Midnight Special», en compétition lors de la 66e Berlinale.
Naissance du projet
Je voulais exploiter deux pistes : la science-fiction et la dimension émotionnelle que l’on traverse quand on devient parent. Mon fils a huit ans désormais mais je me souviens avoir éprouvé la sensation d’être tombé dans un gouffre sans fond quand, à l’âge d’un an, il a eu une crise allergique. J’ai eu peur qu’il meurt sous nos yeux. Nous sommes bien sûr allés aux urgence à l’hôpital et il a été sauvé. J’ai pris alors conscience que tout était possible, que nous n’avions pas le contrôle sur toute sa vie, alors que nous étions liés à ce petit être vivant, que nous avions un rapport particulier à lui. C’est cette peur de le perdre qui nous pousse parfois à agir, je pense.
Son producteur, Brian Kavanaugh-Jones, précise qu’il a eu la vision d’un enfant avec des lunettes au fond d’un mini-van il y a cinq-six ans. Il m’a dit : «ça s’appellera ‘Midnight Special’ (rires)».
Influences
J’ai grandi avec «ET» et «Rencontre du troisième type» de Steven Spielberg, les films de John Carpenter comme «Starman». J’aime la texture, le style de ces films. J’étais totalement fasciné étant gosse, et si impatient de découvrir d’apprendre ce qui allait se passer. Steven Spielberg sait créer le mystère, nous plonger dans un état d’attente. Et quand la révélation arrive, on éprouve un sentiment positif, comme si tous les pièces du puzzle s’ajustaient…
Une narration expérimentale
J’ai enlevé beaucoup de scènes et d’informations de mon script, au risque de détruire l’histoire (rires). C’était vraiment une expérience que je voulais mener. C’était calculé et volontaire de ne pas faire d’exposition. J’ai bien sûr écrit une bible pour chaque personnage, mais je me suis fixé des règles ; ainsi aucun personnage ne parle de choses que les autres ne savent pas, à quelques rares exceptions près. Dans un film classique, on reviendrait sur le personnage de Sam Shepard, on nous expliquerait ce que sont devenus les gens de la Secte, mais ce n’est pas ce que je voulais faire pour «Midnight Special».
Pour moi, c’était important qu’il y ait des passages de témoin d’un personnage à l’autre, je voulais aussi représenter l’importance pour un enfant d’avoir deux parents, le père est dans l’action, la mère dans l’émotion. Le travail sur l’image
Adam Stone, mon chef opérateur, a un sixième sens du cadrage et des mouvements de caméra. Nous avons appris à travailler ensemble, nous sommes en symbiose, c’est vraiment l’un de mes collaborateurs les plus proches. Sur le tournage, nous passons notre temps à discuter des plans.