Accueil MONDE Au Kurdistan d’Irak : Le parcours du combattant des cheffes d’entreprise

Au Kurdistan d’Irak : Le parcours du combattant des cheffes d’entreprise

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Affamés, les clients se pressent devant le food-truck de Zilan Serwud. Avant de connaître le succès, cette Kurde irakienne a dû obtenir un feu vert sans lequel ses burgers n’auraient jamais existé: pas celui de son banquier, mais celui des hommes de sa famille.

Au Kurdistan, comme ailleurs en Irak, le taux d’emploi des femmes est l’un des plus bas au monde. Seules 15 % de celles en âge de travailler ont un emploi, selon les autorités, et pour les trois quarts dans le secteur public. Comme les hommes, elles doivent se débrouiller avec un secteur privé quasi inexistant, un système bancaire balbutiant, une économie régulièrement grevée par les violences… Mais en plus, elles doivent faire face aux préjugés sociaux et aux pressions familiales. à 22 ans, Zilan Serwud a dû en passer par là. Si son père et son frère ont rapidement accepté son idée de créer un food-truck –son frère l’aide même régulièrement en cuisine–, d’autres ont froncé les sourcils.

«Honteux»
Mais l’élégante jeune femme, qui a ouvert «Zee Burger» le mois dernier à Erbil, la capitale de la région autonome kurde, a appris à faire fi des commentaires désobligeants. «Des gens ont dit: Elle a un père et un frère, pourquoi veut-elle son propre restaurant ?», raconte-t-elle à l’AFP devant son food-truck jaune vif et violet. «Mais quand tu as une idée ou que tu veux te lancer, il ne faut pas se laisser arrêter par les on-dit». Pour Diman Fatah, qui dirige une pépinière à Erbil, «ce qui détruit les femmes dans la société (kurde irakienne), c’est notre conception de ce qui est honteux». Cette Kurde de 59 ans tente de susciter des vocations dans le club de botanique qu’elle a fondé, composé de 450 membres dont 25 femmes. Elle espère que d’autres ouvriront leur jardinerie malgré les préjugés sur les femmes allant seules au travail, vues comme trop libérales voire immorales. «Les femmes ont peur d’innover et de se lancer à cause de ce que les gens pourraient dire d’elles», assure-t-elle à l’AFP sous l’une de ses serres, au milieu d’arbustes et de plantes qu’elle coupe, bouture ou arrose soigneusement.

«Ouvrir la voie»
Sur les pages internet d’entreprises tenues par des femmes, une flopée de commentaires ont de quoi décourager certaines: «stupide», «les hommes travaillent à l’extérieur et les femmes doivent s’occuper de leur maison»…
Mais Diman Fatah ne baisse pas les bras. Dans son club, elle appelle les femmes à «avoir confiance et à se battre pour leurs droits». Et, pour elle, cela passe aussi par le business. «Quand une femme crée son entreprise, elle ne s’assure pas seulement un revenu, elle fait avancer la cause de l’égalité et ouvre la voie pour que d’autres femmes rejoignent le marché et gagnent leur liberté», plaide-t-elle, passionnée. Selon un rapport de l’ONU de 2013, 66 % des jeunes Irakiens soutiennent le travail des femmes, contre 42 % des plus âgés. Pour Avan Jaff, une militante qui publie sur internet des témoignages de cheffes d’entreprise, si davantage d’Irakiens soutiennent le travail des femmes, c’est parce qu’ils ont été forcés de l’accepter face à des «femmes qui ne renoncent pas à leur passion». «La société n’est pas devenue tout d’un coup libérale: certains sont bien devenus plus tolérants, mais les autres ont compris que les femmes s’accrochaient», assure-t-elle à l’AFP. «Les familles décident» Dans la loi irakienne, les femmes n’ont toujours pas le droit de travailler dans des domaines réclamant un effort physique harassant ou dans certains imposant des astreintes nocturnes. Quant à celles qui prennent un congé maternité, la loi kurde ne leur garantit pas un poste à leur retour. Pour celles qui créent une entreprise, «c’est leur famille qui décide comment dépenser leurs bénéfices et où elles doivent investir, pas elles-mêmes», raconte Mme Jaff. A Rania, à 100 km à l’est d’Erbil, Shawnem Hussein est l’heureuse propriétaire d’un immense club de fitness. Entre deux entraînements de musculation ou cours de zumba, elle entend régulièrement des femmes parler de leurs rêves d’entrepreneuriat. L’une de ses 150 adhérentes se confie volontiers sur son expérience mais préfère rester anonyme. Inspirée par le succès de Mme Hussein et de son «Sky Fitness», elle a voulu ouvrir son restaurant. Mais son mari n’était pas franchement du même avis. «Il m’a dit: Le jour où tu ouvres ton restaurant sera le dernier où tu rentreras chez nous».

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