Un choc! Karsten Warholm et Rai Benjamin ont offert sur 400 m haies l’une des plus belles courses de l’histoire des Jeux olympiques, le Norvégien s’imposant d’un rien sur l’Américain en détruisant le record du monde (45 sec 94).
Un duel, un vrai, l’essence même de l’athlétisme, entre deux personnalités opposées, pas les yeux dans les yeux mais côte à côte, un tour de piste et 10 barrières avec l’assurance qu’une erreur coûtera la victoire et la gloire. Le volcanique Karsten Warholm et le placide Rai Benjamin ont offert ce qui se fait de mieux sur la plus grande scène du monde. En 45 sec 94, le Norvégien a pulvérisé son propre record du monde (46 sec 70) établi le 2 juillet à Oslo, emmenant dans sa foulée l’Américain (46 sec 17) pour deux chronos insensés. Le stade olympique de Tokyo – malheureusement vide de spectateurs – en aura été l’écrin, comme il avait été celui d’un autre duel inoubliable, entre Carl Lewis et Mike Powell à la longueur, lors des Mondiaux d’athlétisme il y a 30 ans.
«Fou»
«Ça a été la plus grande course de l’histoire des Jeux olympiques. Je pense que même les 9 sec 5 de Bolt (9.58 réalisés en fait aux Mondiaux en 2009) ne peuvent rivaliser», a estimé Rai Benjamin. Dans la fournaise de l’été japonais (environ 33 degrés et 60% d’humidité), le Brésilien Alison dos Santos a même pris la 3e place en 46 sec 72, mieux que l’ancien record du monde de l’Américain Kevin Young (46.78), qui avait tenu de 1992 à cet été, et qui a désormais pris un sacré coup de vieux. «On me dit que je suis fou quand je dis qu’il peut faire descendre le record du monde sous les 46 secondes, mais regardez les chiffres de près», assurait le champion olympique 1992 au journal L’Equipe dans la matinée. Il a eu du nez, même s’il parlait de Benjamin et pas de Warholm. A genoux après sa victoire, épuisé, le maillot déchiré, Warholm a livré à son meilleur adversaire le duel qui n’avait pas eu lieu ni à Monaco en juillet (Benjamin avait annulé en dernière minute), ni lors de leur demi-finale commune dimanche, courue sans trop forcer.
«Renaissance»
Le double champion du monde, âgé de 25 ans, a fait respecter la logique en devenant champion olympique pour la première fois de sa carrière. «J’en ai rêvé comme un fou. Je pensais à ça jour et nuit, obtenir cette dernière médaille pour ma collection. Je n’ai pas touché une haie, j’ai même été capable de ré-accélérer à la fin. C’est tellement énorme, c’est historique», a-t-il apprécié. Il valide sa mainmise sur une discipline en pleine ébullition qu’il a relancée depuis quatre ans avec Benjamin: 13 des 20 meilleurs chronos de tous les temps ont été réussis par l’un ou l’autre depuis 2018 (neuf pour Warholm, quatre pour Benjamin). «C’est une nouvelle ère, la Renaissance du 400 m haies et je pense que l’on peut s’attendre à de nouvelles courses comme celle-là dans le futur», a ajouté le Norvégien. L’exploit de Tokyo a sûrement été aidé par l’apparition depuis quelques mois de nouvelles pointes sur les courtes distances, dans la foulée de ce qui est arrivé en demi-fond depuis deux ans et sur la route depuis cinq ans. 45 sec 94: le temps du vainqueur donne le tournis – il aurait permis d’être champion de France du 400 m plat cette année -, un temps que Warholm est allé chercher dans son style, en attaquant la course très fort avant de résister sur la fin au retour de Benjamin, parti à peine «moins vite». La course féminine pourrait offrir dès mercredi un autre duel épique, assorti d’un record du monde, entre les deux Américaines Sydney McLaughlin et Dalilah Muhammad.