Ils sont aujourd’hui de plus en plus nombreux ces artistes amateurs, débutants ou professionnels, qui diffusent leurs propres œuvres sur Internet, en quête de visibilité et de succès virtuel, convaincus qu’ils peuvent s’aménager, par ce canal technologique moderne et très suivi, un accès direct aux publics. Qu’ils soient cinéastes, musiciens, plasticiens ou chanteurs, ils exploitent à fond la Toile pour en faire cette indispensable tribune de substitution face à l’indigence des moyens de communication culturelle. Il n’est pas rare, en effet, depuis quelque temps, qu’un groupe de musique algérien connaisse un réel succès sur les réseaux sociaux avant d’animer sa première scène, ou encore qu’un plasticien expose sur son mur Facebook avant d’accrocher ses œuvres dans les galeries. Si des groupes de musiques aujourd’hui connus, comme « Babylone », cumulent des millions de fans et de « Vues » sur Youtube, des centaines de musiciens amateurs inondent quant à eux la toile de reprises enregistrées avec de simples téléphones. Une véritable galerie d’art en ligne s’offre à l’internaute qui retrouve ainsi « El Mous Tach » qui détourne des figures de l’histoire et de l’art en Algérie pour en faire des icônes du « Pop art », Salim Zerrouki qui raconte avec beaucoup d’humour la vie des objets du quotidien, Nazim Laksi qui verse dans l’art numérique ou encore « L’homme jaune », qui expose aujourd’hui dans des foires européennes d’art contemporain. Derrière leurs écrans, tous se sont créés un univers à succès auprès des internautes, alors que d’autres artistes s’organisent sur Internet pour exposer dans la rue. La Toile a également contribué à la promotion de certains programmes comme « Djaweb Bassit » de Thala production, qui s’est transformé en programme télé par la suite, ou « Hkayat Fayta » de Mounes Khemmar en plus d’une multitude de jeunes vidéastes poadcasters devenus acteurs ou animateurs. Qu’ils soient amateurs ou professionnels, plusieurs photographes d’art, comme Nadjib Rahmani, Habib Benamara ou Said Ait Ali, partagent leurs œuvres et leurs passions avec les internautes. Le réseau a également permis l’émergence d’un grand nombre de groupes de photographes qui organisent souvent des expositions et des sorties photos dans toutes les régions du pays à l’instar des groupes « Sbit’art » ou « Sorties photo ». Jeune poète et slameur d’Oran au verbe facile, Mohamed Reda Ghiat publie depuis peu ses textes sur Internet et s’est constitué une communauté de quelques centaines de lecteurs, une manière de contourner la difficulté de publier et d’organiser des spectacles. Grâce à ses publications, ce poète a réussi à organiser des lectures poétiques dans des lieux publics de sa ville et créé un espace d’échanges virtuel avec d’autres artistes algériens et étrangers. Accès facile au public, mais risque de plagiat Cette tendance a poussé certains artistes à enregistrer des singles et tourner des clips, souvent de bonne facture, pour fournir un produit « prioritairement destiné aux internautes », estimant aujourd’hui que le succès sur le web peut être « bien plus important ». D’autres voient en cette pratique une manière de s’exprimer sans attendre des années durant un « intérêt des institutions et infrastructures » culturelles et de s’éviter la difficulté d’organiser des événements dont les coûts « dépassent de loin » leurs moyens. Le public devenant de plus en plus frileux, boudant depuis des années les salles de spectacles et plus récemment la télévision, Internet reste aux yeux de beaucoup d’artistes « un moyen direct de s’inviter chez ses fans ». Cette fluidité implique cependant beaucoup de plagiat des œuvres, particulièrement des textes et des photographies, difficiles à protéger, qui se retrouvent souvent « exploités frauduleusement » en illustration, déplorent des photographes. Si les œuvres peuvent plus facilement être plagiées sur Internet, plusieurs artistes débutants estiment -non sans dénoncer le plagiat- que cela représente un « mal nécessaire » pour s’offrir un « accès facile à un public très large » en Algérie comme à l’étranger, et continuer son parcours. Pour le texte comme pour la photographie et les compositions, le contenu publié n’est que très rarement protégé, mais la toile reste le moyen privilégié d’avoir un retour d’écoute sur ses œuvres et un des rares tremplins qui s’offrent à des artistes en herbe.