Arrêté en Sardaigne, l’eurodéputé indépendantiste et ex-président catalan Carles Puigdemont devait passer vendredi devant la justice italienne qui devra déterminer si elle l’extrade ou non en Espagne, où il est toujours poursuivi pour son rôle dans une tentative de sécession en 2017. L’audience devant la Cour d’appel de Sassari (nord de la Sardaigne, Italie) « devrait se tenir vers 14h00, 15h00 » vendredi et Carles « Puigdemont sera présent », a déclaré son avocat italien, Agostinangelo Marras. A la question de savoir si l’ancien président catalan, qui a passé la nuit en détention, était optimiste sur l’issue de la procédure, il a répondu « évidemment » et dit espérer une décision dans la foulée de l’audience. Réagissant à cette arrestation, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a insisté sur le fait que M. Puigdemont, qui a fui en Belgique en 2017 pour échapper aux poursuites en Espagne, devait « comparaître et se soumettre à la justice » espagnole. Agé de 58 ans, M. Puigdemont a été arrêté jeudi soir à son arrivée à l’aéroport d’Alghero, ville sarde de culture catalane où il devait participer à un festival culturel et s’entretenir avec des élus de l’île italienne. Vendredi matin, son profil Twitter affichait un portrait de lui sur lequel est inscrit « Ne jamais se rendre ». Son arrestation a provoqué la colère des indépendantistes catalans, dont plusieurs centaines ont manifesté vendredi devant le consulat d’Italie à Barcelone (nord-est de l’Espagne) avec des pancartes clamant « Liberté ». Après avoir dénoncé jeudi soir une « persécution », le nouveau président régional de la Catalogne, Pere Aragones, séparatiste de tendance plus modérée que M. Puigdemont, a convoqué vendredi une réunion « d’urgence » de son gouvernement, à l’issue de laquelle il a exigé « la libération immédiate de Carles Puigdemont », dont la détention « n’aide pas à résoudre le conflit ». « L’amnistie est la seule voie. L’autodétermination la seule solution », avait-il écrit plus tôt sur Twitter. Une poignée de soutiens de M. Puigdemont étaient aussi réunis devant la cour d’appel de Sassari, l’un d’eux agitant le drapeau des indépendantistes catalans.
Accusé de « sédition »
Carles Puigdemont est toujours réclamé par la justice espagnole, qui l’accuse de « sédition » et de « détournements de fonds publics ».
En mars 2018, il avait été arrêté une première fois à la demande de l’Espagne, en Allemagne cette fois. Mais il avait été libéré quelques jours plus tard, après l’abandon par la justice allemande de l’accusation de « rébellion » qui pesait alors à son encontre en Espagne et a été requalifiée depuis en « sédition ». Eurodéputé depuis 2019, l’indépendantiste a bénéficié un temps d’une immunité parlementaire, mais le Parlement européen l’a levée le 9 mars à une large majorité. Une mesure confirmée le 30 juillet par le Tribunal de l’Union européenne.
Mais la décision du Parlement européen a fait l’objet d’un recours dont le jugement définitif sur le fond de la part de la justice de l’UE doit être prononcé « à une date ultérieure ». L’avocat de M. Puigdemont, Gonzalo Boye, considère que la décision du Parlement est « suspendue » et que son client doit encore bénéficier de son immunité.
Vers une nouvelle crise?
La détention de M. Puigdemont, qui intervient dans un moment de relative détente, fait planer le risque d’une nouvelle crise entre Madrid et les indépendantistes. Le gouvernement Sanchez a gracié en juin les neuf dirigeants indépendantistes qui avaient été arrêtés en 2017 et condamnés à la prison en 2019, à l’issue d’un procès historique dont M. Puigdemont était le grand absent. Le gouvernement espagnol a repris le 15 septembre ses négociations avec le gouvernement séparatiste régional, destinées à trouver une issue à la crise séparatiste en Catalogne. Vendredi, M. Sanchez, qui s’exprimait depuis l’île de La Palma, où un volcan est en éruption, a « revendiqué » l’importance du « dialogue aujourd’hui plus que jamais ». La tentative de sécession de la Catalogne, en octobre 2017, a été l’une des pires crises vécues par l’Espagne depuis la fin de la dictature franquiste en 1975. Malgré l’interdiction de la justice, le gouvernement régional présidé par M. Puigdemont avait organisé un référendum d’autodétermination émaillé de violences policières et suivi, quelques semaines plus tard, d’une déclaration d’indépendance mort-née. Le gouvernement espagnol, alors dirigé par les conservateurs, avait réagi en mettant la région sous tutelle et en arrêtant les principaux dirigeants du mouvement indépendantiste qui n’avaient pas fui à l’étranger.