Le temps presse pour les pouvoirs publics pour rester dans le « moule » et se conformer au calendrier du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, à savoir la tenue d’un référendum sur la révision de la Constitution avant la fin de l’année en cours.
C’est du moins ce que l’on peut déduire de la déclaration du chargé de mission à la présidence de la République, Mohamed Laâgab, mercredi dernier, lors de son passage sur les ondes de la Chaîne 1 de la Radio nationale. « Nous souhaitons que les réponses sur la mouture de la Constitution cessent de nous parvenir d’ici le 20 juin en cours, pour permettre au Comité d’experts de formuler les propositions, et si possible, les soumettre au Parlement pour informer l’opinion publique de leur contenu après amendement et révision», a lancé l’ex-directeur de communication de Tebboune lors de l’élection présidentielle du 12 décembre. Ainsi, il reste moins d’une quinzaine de jours pour que toutes les propositions soient transmises. Sur le terrain, les débats annoncés en grande pompe sur la nouvelle Loi fondamentale du pays pour parvenir à une Constitution consensuelle et inclusive, sont plombés par la crise sanitaire née de la pandémie du coronavirus.
En effet, ni les associations, ni les syndicats, encore moins les partis politiques n’ont eu l’occasion de débattre du brouillon de la Constitution avec leurs bases respectives. Un véritable handicap pour une pratique démocratique proprement dite.
À cela s’ajoute l’absence d’un libre accès, via l’espace virtuel, au texte, à l’effet de l’enrichir. Un moyen qui ne semble pas être prévu. Les propositions formulées par les politiques n’ont également pas été rendues publiques par leurs auteurs. Reste à savoir maintenant que le déconfinement a été amorcé dans notre pays après près de trois mois de restriction sanitaire pour éviter la propagation du Covid-19, si le vrai débat sur la révision de la Constitution sera réellement lancé.
Les services en charge de la réussite de cet avant-projet, promettant une large diffusion et surtout un large débat incluant toutes les sensibilités politiques ou autres sont à pied d’œuvre, du moins sur papier. Il reste à traduire toute cette volonté sur le terrain. Aussi, les débats sur les plateaux TV, aussi diversifiés qu’ils soient, ne peuvent aucunement remplacer une implication directe du citoyen dans un cadre structurel réparti entre partis politiques, syndicats de différents horizons et autres sociétés civiles. Et la situation pandémique dans notre pays ne plaide pas, du moins pour l’heure, pour une réouverture immédiate des espaces publics, accueillant des rassemblements et autres réunions pour permettre de larges débats sur une question aussi fondamentale qu’une Constitution, socle de toute vraie démocratie à travers le monde. Certes, des exceptions ont été faites récemment pour certains partis politiques qui avaient tenu des congrès pour l’élection de leurs chefs. Une démarche qui avait d’ailleurs suscité moult interrogations sur cette politique de deux poids deux mesures.
Comment y remédier ?
Le dernier communiqué commun ayant sanctionné une réunion regroupant le comité d’experts, l’ARAV et le ministère de la Communication en est la parfaite illustration. Les professeurs Ahmed Laraba et Walid Laggoune, respectivement président et rapporteur général du Comité d’experts chargé de formuler des amendements sur a Constitution, ont tenu une séance de travail avec le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, le professeur Ammar Belhimer, et le président de l’Autorité de régulation de l’audiovisuel, Mohamed Louber ». La réunion a été propice à un échange de vues autour des voies et moyens requis pour un débat national inclusif, large et pluriel, ouvert à toutes les composantes de la société civile et du monde politique, autour du projet de révision de la Constitution, indiquent les rédacteurs du document. À l’issue de cette réunion, les participants ont appelé à un débat large et inclusif autour du projet de révision de la première loi du pays. Les propositions formulées pour l’enrichissement du texte ont porté essentiellement, à en croire M. Laâgab, sur des aspects de fond «surtout ceux liés à l’équilibre des pouvoirs et aux prérogatives du président de la République». Mais c’est le professeur Walid Laggoun, rapporteur du Comité des experts, invité, dimanche par la Chaîne 3, qui a rapporté plus d’éclaircissements sur cette question. « Je dois préciser que nous avons travaillé sur un schéma précis.
Par exemple, pour l’organisation des pouvoirs nous avons travaillé sur le régime semi-présidentiel, donc nous n’avons pas pris en compte les propositions portant sur un régime parlementaire », a-t-il expliqué, comme pour couper court aux promoteurs de cette forme de gouvernance. « Nous sommes une démocratie naissante et nous n’avons pas les conditions sociopolitiques pour la mise en œuvre d’un régime parlementaire. Les régimes parlementaires sont des régimes où les partis sont absolument puissants et encadrent la société», a justifié Laggoun l’option du Comité d’experts piloté par le professeur Mohamed Laraba. En d’autres termes, la nouvelle Constitution a été amendée, dès le début, dans l’esprit d’un régime semi-présidentiel.
L’hôte de la Chaîne 3 a assuré en outre que sur les questions des libertés « toutes les propositions sont les bienvenues».
Les experts du groupe Laraba proposent une mouture comprenant plus de 63% d’amendements avec 148 nouveaux articles. Autrement dit, une révision profonde et globale de la Constitution, notamment en matière de l’équilibre des pouvoirs.
Brahim Oubellil