Ali Saïdi-Sief, athlète algérien de haut niveau, a été invité hier, au Forum du Courrier d’Algérie. Celui qui a porté haut les couleurs nationales dans le ciel des compétitions mondiales veut faire bénéficier l’élite nationale de son riche palmarès.
C’est en sacré vice-champion olympique aux Jeux de Sidney en 2000 et en en maître dans le continent africain dans sa spécialité le 5000 mètres, qu’Ali Saïdi-Sief s’est livré au jeu des questions-réponses avec les journalistes présents à l’occasion. Saïdi-Sief a raconté ses exploits mondiaux arrachés de haute lutte en se frottant – et les défiant- aux cadors de cette épreuve de fond sur laquelle les Kenyans et les Ethiopiens régnaient sans partage. Si le 1500 mètres est une « marque algérienne » déposée par les Noureddine Morceli, Hassiba Boulmerka, Nouria Benida-Merah et Taoufik Makhloufi (Notre confrère Fodil Ahfaidh qui a retracé de bout en bout le parcours riche de notre invité l’a si bien dit)- le 5000 mètres est un terrain de chasse pour notre champion.
« La pression est terrible »
Comme il fallait s’y attendre, Saïdi-Sief a abordé la participation algérienne aux JO 2024 à Paris. Un peu pour nous mettre dans la peau de nos athlètes et connaitre leur état d’esprit. Car, les Algériens attendent –voire exigent d’eux- beaucoup pour obtenir des médailles. Pour ce faire, Saïdi-Sief nous a fait revivre son expérience couronnée d’un grand exploit en finale du 5000 mètres à Sidney. « C’est difficile d’exprimer le vécu de l’athlète à la veille d’une épreuve. Pour comprendre, il faut… (le vivre, Ndlr). La pression est terrible, terrible… car, tu vas parier ta propre vie. Tu ne dors pas pendant trois jours à la veille et à l’avant-veille. Et même après, pendant une semaine voire quinze jours, en se remémorant la course », a-t-il confié. Et d’où vient la pression ? « Comme vous le savez, les Jeux olympiques c’est chaque quatre ans, il se peut même qu’il n’y en aurait pas. Ca n’attend pas, donc tu dois profiter de ta forme pour gagner. Parfois des athlètes sont plus forts que toi donc tu perds. Tu peux te faire blesser…Bref, tu vas te soucier de beaucoup de choses », a-t-il fait part de son vécu. Et il a mis l’accent sur un problème en particulier, celui d’être classé favori qui, comme paramètre, en rajoute une couche.
Cela dit, la gestion de la pression dépend d’un athlète à un autre. Aujourd’hui, par exemple, ils travaillent beaucoup l’aspect psychologique, comme c’est le cas des athlètes européens. Ceci par rapport aux Algériens puisqu’il est question de nos athlètes à Paris. Et pour arriver à se mettre dans un bon état d’esprit avant la course, il est utile de former les élites sportives à la base, depuis l’école où le sport scolaire est, par ailleurs, en cours de réhabilitation en Algérie. « Notre environnement ne nous a pas aidés. À l’époque, on nous disait : écoutez, le Président attend beaucoup de vous. Suite à quoi, le ministre vous appelle trois à quatre fois par jour. Mais, je les comprends, car les responsables veulent des résultats pour honorer le pays », a-t-il dit, comme pour expliquer la pression que subissent les élites sportives. Aguerri par cette expérience éprouvante, Saïdi-Sief recommande, aujourd’hui, à nos athlètes de ne pas subir la pression gratuite et de rester focus sur l’objectif tracé pour les JO.
« Aucun pays au monde n’a mis autant de moyens que l’Algérie »
Interrogé au sujet des moyens de l’Etat mis à disposition des athlètes de haut niveau dans le cadre des préparatifs aux compétitions mondiales, Saïdi-Sief est allé droit au but en mettant en évidence la différence entre hier et aujourd’hui. Son propos se vérifie dans les 280 milliards de centimes consacrés par l’Etat pour la préparation aux JO de Paris sur la période allant de 2021 à 2024. « Aucun pays au monde n’a autant accompagné son élite sportive comme le fait l’Algérie durant ces derniers temps. Pas même les États-Unis ou la France », a-t-il affirmé, relevant, néanmoins un manque de moyens au niveau des structures sportives de base. Dans ce cadre, il a précisé que ce montant concerne aussi les athlètes qui n’ont pas réussi les qualifications aux JO. Mais, toujours est-il que les moyens financiers ne suffisent pas à eux seuls pour gagner des médailles. Alors que diront les athlètes qui ont réussi des exploits mondiaux durant la pire décennie que l’Algérie a eu à traverser après l’indépendance ?
L’ancien athlète en connait un bout. C’est ainsi qu’il a témoigné avoir découvert, en s’entrainant dans la forêt de Bouchaoui –Alger- durant les années 90, d’abominables scènes de cadavres humains sur la route et lesquelles images l’ont marqué à vie. C’est dire l’environnement hostile et les conditions difficiles à l’époque. « Avec la volonté, tu peux compenser le manque de moyens », suggère Saïdi-Sief qui distingue toutefois certaines spécialités de l’athlétisme comme l’escrime ou la boxe qui exige plus de moyens et de rigueur. « Le Kenya et l’Ethiopie ont-ils les moyens par rapport à nous ? Qu’en est-il encore de Cuba ? », a-t-il illustré ses propos pour dire que le problème de moyens ne se pose plus de nos jours.
« Pour être favori il faut gagner des tournois »
Concernant les potentiels médaillés algériens à Paris, comme Djamel Sedjati et Slimane Moula (800 mètres), Kaylia Nemour (Gymnastique), Yasser Triki (Triple saut) ou encore Imane Khelif (Boxe), le fondiste algérien définit d’abord les concepts. « Pour être favori, par exemple en judo, il faut gagner les tournois de Bercy ou de Bakou », a-t-il expliqué tout en renvoyant de ses propos au demi-fondite Sedjati, comme exemple d’une très bonne préparation au JO couronnée par plusieurs exploits dans des meetings. Le natif de Tiaret porte ainsi les espoirs d’une médaille, pourquoi pas en or, sur le 800 mètres. Ce n’est pas le cas de la majorité des membres de la délégation algérienne qui se sont qualifiés au forceps. « Ils vont participer oui, mais ils ne sont pas forcément favoris. On ne peut pas aspirer à des médailles dans le judo. En boxe si, il y a Imane Khelif qui gagne ses galas en plus d’être classée 5e aux JO 2020 à Tokyo », a-t-il prévu. La boxeuse algérienne allait même arracher l’or aux championnats du monde 2023 à New Delhi si ce n’était le sale coup qu’on lui a joué en la privant d’une finale qui était à sa portée. « On ne peut pas obtenir une médaille en étant classé 30 ou 100. Les JO c’est très sérieux, tu vas te frotter aux meilleurs des meilleurs, aux champions olympiques et du monde, aux meilleurs performeurs … », a-t-il indiqué.
« Se qualifier aux JO est déjà un exploit »
A propos de la pression médiatique et sur les réseaux sociaux à l’égard de la participation algérienne, ainsi jugée bien en deçà des attentes, du fait qu’aucune médaille (jusqu’à hier) n’a été glanée, Saïdi-Sief appelle les athlètes algériens à rester concentrés sur leurs objectifs. Pour lui, tout ce qui se raconte sur la Toile n’est pas forcément vrai. Comme ces rumeurs qui avancent un nombre d’accompagnateurs et d’encadreurs qui serait plus important que le nombre de compétiteurs eux-mêmes. « Ce qui est faux », a démenti notre invité pour qui, il ne faut pas exiger d’un athlète plus qu’il ne peut donner.
« Le fait de disputer les JO c’est déjà un exploit », a-t-il affirmé tout en restant optimistes quant à la suite de la participation algérienne dans les courses de demi-fond et dont l’entrée en lice est programmée courant de la semaine prochaine. Relancé à propos de la pression susceptible de décourager nos athlètes, Saïdi-Sief n’estime pas moins que les participants aux JO de Paris doivent se tenir éloignés de tout ce qui se dit sur les réseaux sociaux. Il a même raconté avoir subi par le passé la pression médiatique dans l’Equipe. En consultant le média sportif français, il avait découvert une interview dans laquelle on a essayé de le déstabiliser à travers le champion éthiopien Haile Gebrselassie. Saïdi-Sief a dit avoir été fou-furieux en découvrant ça, mais il a fini par être calmé par son entraineur pour qu’il reste concentré sur sa course.
« Confiant en Imane Khelif »
D’autre part, il a invité ceux qui s’en prennent parfois même violemment à leurs concitoyens à Paris de « laisser tranquille nos athlètes » pour qu’ils puissent aller chercher de probables médailles. Par ailleurs, une campagne de dénigrement et étrangère aux Algériens a été menée contre la boxeuse Imane Khelif qui fait l’objet d’attaques hostiles pour la déstabiliser. Mais, « rien à craindre pour notre boxeuse qui est professionnelle et reste concentrée sur son objectif », répond Saïdi – Sief qui a fait savoir que le CIO l’a autorisée à disputer la compétition.
Interrogé au sujet de la gestion de l’athlétisme en particulier et du sport en général, Saïdi-Sief applaudit le fait que des anciennes figures de l’athlétisme tiennent aujourd’hui des postes ministériels. Le meilleur exemple en l’espèce reste Abderrahmane Hammad, l’actuel ministre de la Jeunesse et des Sports qui était champion en saut en hauteur. « C’est une bonne chose.
L’athlète a un vécu et il peut donc comprendre en tant que responsable les soucis des athlètes. Il sait ce qu’il faut et ce qu’il ne faut pas. La preuve, depuis qu’il est (Hammad, ndlr) ministre, bien sûr après le président de la République, beaucoup d’argent a été débloqué pour la préparation de nos élites sportives. »
Farid Guellil
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