La commune d’Alger-centre s’apprête à mettre sur pied la Fondation « Art et Mémoire» dont la principale mission sera la préservation de la mémoire collective d’Alger et de l’Algérie, en lien avec l’histoire de la lutte de libération du peuple algérien pour son indépendance.
C’est l’annonce faite, hier, par le premier magistrat de cette commune, Battache, lors d’une conférence sur le génocide du 8 mai 1945, tenue au Centre historial, Larbi Ben M’hidi, en présence de moudjahidine, de chercheurs- universitaires en histoire, de juristes, de citoyens et de responsables locaux.
Ayant été unanimes à souligner que les pratiques barbares des autorités coloniales françaises à l’encontre des Algériens « ont commencé bien avant» la date du 8 mai pour « perdurer, jusqu’à juin et même début juillet», les intervenants, notamment les juristes et avocats, dont Mme Benbrahem qui a affirmé, qu’il ne s’agit pas là d’évènements ou de massacres, mais de génocide» a-t-elle précisé. Selon l’intervenante, les responsables politiques et militaires du système colonial français érigé en état, se sont livrés « à des tueries collectives, exécutions sommaires et l’extermination de milliers d’algériens et d’algériennes» en l’espace de quelques semaines, usant des pratiques et moyens similaires à ceux utilisés par les nazis. Des jours sombres vécus par les Algériens, enfants, femmes et hommes, à travers des régions du pays, Sétif, Kherrata et Guelma pour ne citer que ces villes, au moment ou les alliés fêtaient leur victoire sur le fascisme hitlérien. Peut-on à la fois être des présents à la fête, de ce 8 mai 1945, date de la victoire contre le nazisme et s’abattre sur tout un peuple, dans l’autre côté de la rive sud de la Méditerranée ? Le système colonial français a dévoilé au grand jour, la laideur de son visage, le fascisme français et les Pétain se sont livrés aux massacres des civils algériens, qui réclamaient en ces jours de mai, dans des marches et manifestations pacifiques «la liberté et l’indépendance pour l’Algérie» en scandant « Tahya El-Djazaïr (vive l’Algérie : Ndlr)». Pour étayer ses propos, affirmant qu’il s’agit de génocides, l’avocate dira que deux ans après, les autorités coloniales ont procédé, en 1948, « au transfert en France des registres de l’état civil des Algériens», en vue de dissimuler toute trace des crimes commis, en mai 45, contre des milliers d’algériens, affirmant qu’ils sont «près de 80.000». Pour l’historien Zghidi, les massacres avaient débuté bien avant ce mardi 8 mai 45, pour s’étaler jusqu’à juin et voire même juillet. De Sétif, à Kherrata et Guelma, enfants, femmes et hommes, jeunes et vieux ont été tués «froidement» par les responsables politiques et militaires de la France coloniale, des massacres dont ont fait échos, des journaux de la presse du Royaume-Uni et des Etats-Unis, et dont 45 000 Algériens sont morts atrocement par des moyens barbares, dans les pires conditions d’une répression brutale et sanglante qui a duré, faut-il le rappeler, plusieurs jours et dans différentes régions du pays. L’aviation militaire française a été mobilisée pour bombarder outre les zones qui se sont révoltée pacifiquement, mais pour achever aussi les blessés jetés du haut des falaises, des exécutions sommaires des prisonniers et même le système éducatif colonial a été de la partie. Des collégiens et des lycéens algériens ayant pris part aux manifestations pacifiques, certains ont été privés de leur bourse alors que d’autres ont été exclus des écoles. Les frères Mostfaï, Kateb Yacine, Abdelhamid Benzine et d’autres ont été déchus de leurs bourses pour avoir été au cœur des manifestations, alors que Khaled Khodja Boualem, Keddad Bakhouche, Djemmame Abderrezak, Farrani Ouamar, Cherfaoui Mohamed, Abdeslem Belaïd, ont été frappés d’exclusion. Des hommes et des femmes qui moins de dix ans après ces manifestations populaires ont emprunté la voie de la lutte armée, pour la liberté et l’indépendance de l’Algérie. Les évènements de mai 45 ont été le prélude de l’épopée libératrice de Novembre 54.
Karima Bennour