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Afghanistan : Le calvaire des civils piégés par les combats

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À Kunduz comme souvent dans l’interminable conflit afghan, ce sont les civils qui paient le plus lourd tribut à la «saison des combats», entamée au printemps et qui s’annonce d’ores et déjà comme la plus meurtrière depuis la chute du régime taliban en 2001. Elle est particulièrement violente cette année dans cette province stratégique du Nord, qu’elle a vite précipitée dans une crise humanitaire aiguë, avec des milliers de familles prises au piège des combats déclenchés par la récente offensive des rebelles talibans. Avant le début de l’offensive des talibans en avril, Mauludin cultivait des légumes à Chardarah, un district situé à l’ouest de Kunduz, capitale de la province éponyme, avec sa femme et ses six enfants. La famille est partie lorsque son fils d’un an a été blessé dans les affrontements entre troupes gouvernementales et forces rebelles. Réfugiés à Kunduz, ils survivent aujourd’hui dans des tentes et abris de fortune. «Nous sommes sans toit, nous avons faim, soif et nous attendons de l’aide», explique à l’AFP ce fermier de 46 ans. «Nous avons quitté notre maison, notre bétail, nos champs avant la récolte», dit-il en tenant dans ses bras son jeune fils qui pleure, et dont il montre la blessure abdominale suturée, résultat d’une balle perdue. Autour de lui, dans ce camp de déplacés improvisé en ville, d’autres montrent des blessures infestées d’asticots. Abdul Qadir, 45 ans, qui vient du même district, dessine une ligne imaginaire sur le sol poussiéreux. «Les talibans étaient de ce côté, les milices gouvernementales de l’autre, et nous étions coincés au milieu», explique-t-il, résumant le sort de nombreux civils afghans. «Pour les civils, les conséquences du conflit vont bien au- delà de l’horreur des pertes de vies et des blessés», a souligné récemment dans un communiqué Georgette Gagnon, directrice des droits de l’Homme pour la mission des Nations unies en Afghanistan (Unama). Exodes forcés «Les violences liées au conflit détruisent aussi les familles à travers les exodes forcés, les pertes de revenus, les destructions de maison et autres biens», assure-t-elle. Dans leur offensive à Kunduz, les talibans se sont approchés plus près que jamais de la capitale provinciale. Médecins sans frontières (MSF), qui gère un hôpital au cœur de la ville, indique avoir reçu 225 blessés victimes du conflit depuis avril, soit plus du double par rapport à l’année précédente. Pour arriver à l’hôpital, nombre de patients, victimes de balles ou d’engins explosifs, doivent suivre un long parcours en évitant les nombreux barrages policiers, militaires et rebelles. D’autres, bloqués par les combats, n’y parviennent pas. Dans les salles aseptisées de l’établissement, les horreurs de la guerre s’affichent en destins tragiques: un jeune berger touché par une balle perdue au milieu de son troupeau, un adolescent de 14 ans à l’estomac perforé par un engin explosif qu’il a ramassé, un petit garçon de 3 ans blessé par une grenade qui a tué son père… Selon le Programme alimentaire mondial de l’ONU, plus de 3.700 familles de Kunduz déplacées par les récents affrontements ont un besoin urgent d’aide. A l’extérieur du centre de distribution du PAM, des femmes en burqa alignées contre le mur d’enceinte attendent sous un soleil de plomb des rations de farine, d’huile, de biscuits et de féculents. En cette première saison des combats menée sans la présence massive de leurs alliés de l’Otan, les forces afghanes, réparties sur plusieurs fronts, peinent à repousser les assauts de talibans locaux parfois renforcés par des jihadistes venus d’Asie centrale. Les observateurs locaux fustigent le manque de coordination dans le camp gouvernemental, un mélange hétéroclite de troupes régulières, milices locales et villageois transformés en policiers locaux. Certains voient dans ce désordre une conséquence du désaccord au sein du gouvernement de Kaboul sur la nomination du ministre de la Défense, qui a provoqué une vacance de pouvoir de plusieurs mois. D’autres critiquent également le style de gouvernance énergique du président Ashraf Ghani, qui a limogé sans management le gouverneur de Kunduz en septembre dernier au cours d’une liaison Skype retransmise devant une assemblée de dignitaires locaux. Le président espérait également désarmer les milices locales et améliorer la sécurité dans la province. Mais il n’a pu tenir sa promesse, faute d’avoir trouvé une alternative. «L’Afghanistan souffre d’une sérieuse crise de leadership», déplore devant l’AFP le chef adjoint du conseil provincial Amruddin Wali, en assurant que Kaboul, pourtant averti tôt de l’imminence de l’offensive talibane, n’a rien fait pour limiter les dégâts. Avant de lâcher, dépité: «N’y a-t-il donc personne au gouvernement qui s’inquiète des vies supprimées chaque jour ?»

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