Dans quelques jours débutera le mois sacré du Ramadhan. Force est de constater que son approche est loin de susciter « la fièvre des préparatifs » qui s’emparait naguère de tous : commerçants comme simples citoyens, au moins un mois avant son début. Cette année, tout semble ordinaire. Aucune frénésie dans la consommation n’est constatée.
Pour le moment, du moins. Ni les familles ont « dévalisé » les commerces, comme cela était quasiment la règle ces dernières années. Ni, par conséquent, les commerçants ont entrepris de reconstituer, au-delà de la norme habituelle, leurs stocks en produits alimentaires : ceux-ci s’écoulant à un rythme quasi habituel ; et à des prix tout aussi stables. Est-ce, là, la cause essentielle de la morosité que, selon nombre de grossistes y exerçant, connaît ces derniers temps le marché des produits alimentaires de Semmar, dans la wilaya d’Alger? Sans la nier, nombre de ces grossistes que nous avons rencontrés dans la matinée d’hier, lors de notre passage en ce lieu hautement commerçial mais dépourvu de l’essentiel des commodités nécessaires au bon exercice de l’activité qui s’y exerce : pour nous en tenir à ce seul aspect des choses, rues étroites, poussières et, pour la plupart, grandement défoncées, l’intègrent, toutefois, dans un réseau de facteurs plus large. Pour Adel – c’est ainsi qu’il s’est présenté à nous : tous ceux avec qui nous nous sommes entretenus ayant catégoriquement refusé de nous décliner leur identité alors que beaucoup d’autres ont carrément refusé de nous parler –, « la morosité constatée n’est pas nouvelle ». Elle remonte, selon lui, « à, au moins, cinq années ». Estimant « à 60% », la baisse des activités qu’elle a engendrée sur cette période, il l’explique par « trois causes essentielles imbriquées dans les autres» : la première est «l’augmentation du nombre de grossistes activant dans la filière à l’échelle nationale » ; selon Abdou, un autre grossiste dont la famille exerce à Semmar depuis son ouverture il y a 20 ans, « ce nombre est passé, dans la seule wilaya d’Alger, de 40, en 1998, année de ladite ouverture, à quelque 800 grossistes, aujourd’hui » ; la deuxième, « l’ouverture, ces dernières années, d’un grand nombre de supérettes et de grandes surfaces qui, en rendant pour les citoyens, partout et en permanence, la disponibilité des produits plus grande, a cassé l’ancienne habitude « des stockages d’avant-Ramadhan » ; et la troisième, « le fait que les grandes surfaces s’approvisionnent directement auprès des producteurs ». Pour nos interlocuteurs, « ce ralentissementsensible de leurs activités augure d’une stabilité quasi certaine des prix pour les jours à venir et, partant, durant toute la durée du mois de ramadhan ». Se voulant plus explicite, Abdou nous a déclarés, se basant, ce faisant, sur sa longue expérience, « qu’il ne s’attend plus à ce que les ventes redémarrent d’ici le début du mois sacré et, partant que les prix partent à la hausse ». Et de poursuivre, dans le même sens : « Il y a peu, les achats pour le Ramadhan commençaient, au moins, deux mois avant son début » ; une manière de dire ou, plutôt, de reconnaître que, cette année, les choses seront différentes. Une différence, au demeurant, parfaitement illustrée par la mévente que connaissent, au niveau du marché de gros des produits alimentaires, deux produits dont la consommation connaissait, à chaque Ramadhan, une augmentation des plus sensibles. Selon un grossiste, qui a tenu à garder l’anonymat, «les raisins et les pruneaux secs s’écoulent à un rythme largement en-deçà de ce qui prévalait les années d’avant ». Un constat, nous a-t-il dit,« d’autant plus incompréhensible pour lui et pour ses collègues que leurs prix, comparativement à ceux de l’année dernière, ont baissé » : le prix du kilo de raisins secs, importés d’Iran,«étant passé de 500 DA à 440 DA » et celui des pruneaux secs, produits localement, « de 480 DA à 450 DA ». La certitude d’une stabilité des prix durant le prochain Ramadhan est largement partagée par les mandataires activant au niveau du marché de gros des fruits et légumes des Eucalyptus, dans la wilaya d’Alger. Sauf que ces derniers, rejoignant en cela leurs « collègues » exerçant dans celui des produits alimentaires de Semmar, ont insisté pour nous dire que leurs propos ne concernent que les prix de gros. Une manière, on ne peut plus claire, de dire que s’il y a hausse, elle sera le fait de pratiques spéculatives des détaillants. C’est la position de Mohamed Medjebeur, un des 80 mandataires exerçant au marché de gros des Eucalyptus, qui a expliqué la stabilité attendue des prix des légumes durant le prochain Ramadhan par deux causes principales : « la coïncidence de celui-ci avec le début de la période de récolte d’un grand nombre de produits agricoles tels, entre autres, la courgette, les haricots, les poivrons, la tomate, le chou-fleur et la salade», surtout, des régions littorales du Centre du pays ; et « la bonne production, dans quasiment tous les légumes, enregistrée cette saison ». Deux faits qui, nous a-t-il dit, « pousseront à la baisse leurs prix ». Pour illustrer la disponibilité actuelle et attendue, durant le Ramadhan, des produits agricoles, Djamel Akkelil, un autre mandataire, nous a déclarés que « des cas de mévente sont déjà enregistrés pour certains produits ». C’est le cas, nous a-t-il dit, à titre d’exemple, « de la pomme de terre qui trouve difficilement preneur à 15 DA et de l’oignon vert qui a baissé à 8 DA le kilo ». Dans la lancée, nos interlocuteurs nous ont déclarés que, « dans le cas où les détaillants venaient à respecter le jeu, et exception faite des trois premiers jours du Ramadhan où les prix connaîtront une certaine hausse, les produits agricoles seront à la portée de toutes les bourses ». Ce qui ne sera pas, toutefois le cas, des fruits qui connaîtront, nous a déclarés, Mohamed Medjebeur, « une légère hausse ». Et ce, du fait, nous a-t-il expliqué, « d’un léger recul de la production, dû, en partie, au manque de main-d’œuvre agricole… ». Comme pour souligner le sérieux de leurs prévisions sur la baisse attendue des prix durant le prochain Ramadhan, nos interlocuteurs nous ont donnés rendez-vous pour le deuxième jour de ce mois…
Mourad Bendris