Accusé de laisser le champ libre à la désinformation sur la Covid-19 dans ses podcasts, le géant suédois du streaming audio Spotify a annoncé des mesures dimanche pour tenter de répondre à la controverse croissante menée par la légende du folk-rock Neil Young.
Le P-DG et fondateur du numéro un mondial, Daniel Ek, a annoncé dans la soirée des mesures, dont l’introduction de liens dans tous ses podcasts évoquant la Covid, qui guideront ses utilisateurs vers des informations factuelles et scientifiquement sourcées. Une mesure effective « dans les prochains jours », a-t-il promis. « Sur la base des retours que nous avons depuis ces dernières semaines, il est devenu clair pour moi que nous avions une obligation de faire plus pour fournir de l’équilibre et donner accès à une information largement acceptée des communautés médicales et scientifiques », a déclaré le milliardaire suédois dans un communiqué. Spotify a également rendu publiques dimanche ses règles d’utilisation et affirme « tester des façons » de davantage signaler aux créateurs de podcasts « ce qui est acceptable », sans évoquer directement sanction ou exclusion. Suffisant pour calmer le jeu? C’est Neil Young qui avait initié le mouvement contre le groupe, en lui demandant de cesser d’héberger le controversé mais très écouté animateur américain Joe Rogan, numéro un des écoutes de podcasts sur Spotify l’an passé. Ce dernier, dont le contrat signé l’année dernière est estimé à 100 millions de dollars, est accusé d’avoir découragé la vaccination chez les jeunes et d’avoir poussé à l’utilisation d’un traitement non autorisé, l’ivermectine, contre le coronavirus. Plus de 200 professionnels de santé américains avaient récemment tiré la sonnette d’alarme après qu’il eut reçu dans son émission un médecin très apprécié des anti-vaccins, Robert Malone. « Ils ont une opinion différente du discours majoritaire » que je voulais entendre, a expliqué Joe Rogan en affirmant être surtout « à la recherche de la vérité » et vouloir « avoir des conversations intéressantes avec des personnes qui ont des opinions différentes ». Il a également salué la décision de Spotify d’ajouter des informations relatives au Covid dans tous les podcasts. Faute d’obtenir gain de cause, Neil Young avait mis sa menace à exécution cette semaine. Spotify s’était d’abord contenté d’exprimer ses « regrets » à propos du départ de la star américano-canadienne, applaudi par le patron de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Censure ?
« Spotify est devenu un lieu de désinformation potentiellement mortelle sur le Covid. Des mensonges vendus contre de l’argent », avait accusé Neil Young. La polémique a continué à prendre de l’ampleur vendredi, quand la chanteuse culte à millions d’abonnés, la Canadienne Joni Mitchell, avait aussi annoncé son retrait. En parallèle, sur les réseaux sociaux, naissait un mouvement de désabonnement à Spotify. Le prince britannique Harry et son épouse Meghan Markle – qui ont signé avec la plateforme un accord estimé à 25 millions de dollars – ont fait savoir dimanche qu’ils avaient exprimé « leurs inquiétudes » à Spotify sur la question. Depuis son émergence spectaculaire du rang de start-up stockholmoise à celui de leader mondial coté à New York, le fleuron suédois a déjà été régulièrement critiqué par les artistes sur les montants qu’il leur verse, même si son rôle dans le redressement de l’industrie musicale est salué. En se développant à coups de centaines de millions de dollars dans les podcasts ces dernières années, l’entreprise voit aussi ses responsabilités d’hébergeur de contenus s’étendre au-delà de la musique. Le nouveau créneau à succès met les plateformes de streaming face à de nouvelles responsabilités sur la désinformation, à l’instar des réseaux sociaux comme Facebook. L’an dernier, Daniel Ek avait jugé sur un podcast d’Axios (Re:Cap) que la plateforme n’avait pas de responsabilité éditoriale pour le contenu: « Nous avons aussi des rappeurs (…) Et nous ne leur dictons pas ce qu’ils doivent mettre dans leurs chansons ». Les experts interrogés par l’AFP reconnaissent que le contrôle des contenus n’est pas simple, tant sur la liberté éditoriale que sur les millions d’heures de propos disponibles. Neil Young, victime enfant d’une attaque de poliomyélite dont il a gardé des séquelles toute sa vie, s’est défendu de toute volonté de censure sur le Covid-19. « Je l’ai fait parce qu’au fond de mon coeur, je n’avais aucun autre choix », a-t-il écrit.