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Accord sur le nucléaire : le grand retour de l’Iran sur la scène internationale

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Après douze ans de crise, la résolution du conflit sur le nucléaire iranien signe le début d’une réhabilitation de la République islamique dans le monde. Il aura fallu deux ans de négociations acharnées, deux accords intermédiaires, une dizaine de prolongations et d’innombrables menaces de quitter les pourparlers, mais ils y sont arrivés. Au bout de dix-sept jours de pourparlers sans fin, les négociateurs de l’Iran et des grandes puissances (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) ont finalement réussi à arracher un compromis inespéré sur l’épineux dossier du nucléaire iranien. Et ont mis fin à une crise qui empoisonne les relations internationales depuis plus d’une décennie, et la révélation en 2002 de l’existence en Iran du site nucléaire secret de Natanz. Si la République islamique a toujours démenti qu’elle recherchait la bombe atomique et que l’Occident ne l’a jamais crue, elle conserve aujourd’hui la capacité de poursuivre un programme nucléaire civil limité sous la stricte supervision de l’Agence internationale de l’énergie atomique.
Mais, bien au-delà de la question du nucléaire, l’Iran signe par cet accord son retour sur le devant de la scène internationale. Isolé du reste du monde depuis la Révolution islamique de 1979, et durement sanctionné par le Conseil de sécurité de l’ONU sous la présidence de l’ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad (2005-2013) après que ce dernier eut relancé le programme iranien d’enrichissement d’uranium, l’Iran entame aujourd’hui à Vienne la normalisation de ses relations avec la communauté internationale. Et officialise son inexorable rapprochement avec le « Grand Satan » américain.

Négociations secrètes
Ce « réchauffement diplomatique » inédit a été rendu possible par la concomitance de l’arrivée au pouvoir à Washington d’un président démocrate – Barack Obama – soucieux de « tendre la main » à la République islamique et de rompre avec l’hostilité de l’administration Bush et de celle à la présidence iranienne d’un religieux « modéré » – Hassan Rohani – déterminé à faire lever les sanctions internationales contre son pays et à tourner la page des diatribes enflammées de son prédécesseur ultraconservateur, Mahmoud Ahmadinejad.
Dès mars 2013, avant même l’élection à la présidence de Hassan Rohani, Barack Obama avait ainsi donné son aval à des négociations secrètes entre les « deux meilleurs ennemis » de la planète pour résoudre enfin la crise du nucléaire. Six mois plus tard, l’Iran et les grandes puissances reprenaient réellement les négociations sous l’égide du secrétaire d’État américain John Kerry et du ministre iranien des Affaires étrangères, le « modéré » Mohammad Javad Zarif.

L’obstacle du Congrès américain
Même si un compromis a été trouvé à Vienne entre l’Iran et les grandes puissances, le texte doit encore franchir un obstacle de taille : le Congrès américain. Vent debout contre une entente avec l’Iran, les sénateurs républicains et certains élus démocrates ont dès aujourd’hui soixante jours pour l’examiner, et tenter de le torpiller. Si deux tiers ou plus des élus américains s’opposent à l’accord, alors Barack Obama devra opposer son veto, que chaque chambre du Congrès ne pourra surmonter qu’à une majorité des deux tiers. Définitivement adopté, l’accord entraînerait la levée progressive des sanctions contre Téhéran liées au programme nucléaire iranien (par opposition aux sanctions américaines liées au « soutien au terrorisme », NDLR). La fin de ces mesures qui asphyxiaient l’économie iranienne va notamment permettre à la République islamique de réintégrer les systèmes bancaires internationaux, reprendre ses ventes de pétrole à l’étranger et obtenir le dégel de ses avoirs bloqués en Occident.

Manne financière considérable
Cette manne financière considérable, évaluée à plusieurs centaines de milliards d’euros, permettrait à ce pays de 77 millions d’âmes, doté de nombreux atouts – les secondes réserves mondiales en gaz, les quatrièmes en pétrole, une position géostratégique exceptionnelle, ainsi qu’une jeunesse éduquée et ouverte sur l’Occident –, de rattraper rapidement son retard sur ses voisins régionaux.
La perspective inquiète au plus haut point les puissances rivales de l’Iran dans la région, en tête desquelles figurent Israël et l’Arabie saoudite. Au contraire, les deux alliés traditionnels des États-Unis estiment que la République islamique utilisera ces liquidités pour accroître son financement au Hezbollah libanais, au Hamas ou au Jihad islamique palestiniens (trois organisations classées terroristes par les États-Unis et l’Union européenne, NDLR) ou encore au régime syrien de Bachar el-Assad, tous ennemis déclarés de l’État hébreu et de la pétromonarchie wahhabite.

Union contre l’État islamique
L’idée d’une vraie réconciliation Iran-États-Unis reste pourtant exclue pour l’heure, tant l’antagonisme est profond entre les deux pays, trente-cinq ans après la crise de la prise d’otages de l’ambassade américaine à Téhéran. Ainsi, la mainmise des conservateurs sur la majorité des pouvoirs en Iran (le guide suprême, la justice, le Parlement, les Gardiens de la Révolution) par opposition au gouvernement « modéré » de Hassan Rohani entrave pour le moment toute perspective d’alliance irano-américaine, qui retirerait aux « durs » de Téhéran toute raison d’être, eux qui ont fondé leur Révolution islamique sur la « résistance » à l’impérialisme américain. En témoigne la dernière sortie du guide suprême, l’ayatollah Khamenei, qui a déclaré samedi à Téhéran devant des étudiants qu’il faudrait, même en cas d’accord, poursuivre la lutte contre les États-Unis, « exemple parfait d’arrogance ». Mais le train du rapprochement entre Washington et Téhéran semble bel et bien en marche. Et il pourrait corriger une bien curieuse anomalie.
Bien qu’il ne fasse pas partie de la coalition internationale contre l’organisation État islamique (EI), l’Iran demeure sur le terrain le premier pays étranger combattant les djihadistes en Irak. Si Washington et Paris, qui bombardent l’EI depuis les airs, démentent toute « collaboration» avec les Iraniens, la plupart des observateurs soulignent qu’une guerre contre les soldats du « califat » sera vaine sans l’aide effective de Téhéran. Le président iranien le sait pertinemment et s’est fendu mardi matin d’un tweet révélateur: « Maintenant que cette crise, qui n’était pas nécessaire, est résolue, de nouveaux horizons émergent pour se concentrer sur les défis communs », autrement dit la lutte contre l’organisation État islamique.

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