À tous ceux qui pensent, qui croient, qui supposent… que le Hirak était un mouvement plutôt spontané, né d’un ras-le-bol profond et d’un puissant désir de changement, le président de Mouvement de la société pour la paix, Abderrazak Makri, répond avec – du reste – une confiance légèrement vacillante : « Le 22 février, c’est aussi nous ! ».
C’est d’ailleurs dans cette perspective – du moins c’est supposé l’être – que ce parti a décidé de « fêter » le premier anniversaire du mouvement citoyen dans le cadre d’une rencontre régionale des structures du parti, organisée au Palais des expositions.
Et ce n’est pas à Makri, très bon orateur, que les arguments risquent de manquer. Devant une salle, plus ou moins pleine, à laquelle étaient conviés les cadres des wilayas du Centre ainsi que des députés du parti, Makri fera un historique de l’avant-22 février, pas toujours facile à vérifier. Et la conclusion qu’il fera est, avouons-le, un peu excessive : « Des hommes politiques (des décideurs, ndlr) disaient dans les coulisses que de ceux qui ont été derrière le Hirak, il y a Abderrazak Makri », dira-t-il avant de modérer avec un « et quelques politiciens ».
« On était parmi ceux qui ont appelé à sortir le 22 », a ajouté le président du MSP qui évoquera des « correspondances avec des cadres locaux les appelant à sortir ce jour-là ». Prenant à témoin des présents dans la salle, l’orateur a assuré qu’il a demandé – peut-être par modestie politique ! – à ces mêmes cadres de na pas « monopoliser le terrain », car, leur aurait-il ajouté, « c’est le mouvement du peuple » ! Mais au commencement c’était la prise de conscience. Et c’est là le cœur de l’argumentation de Makri.
« Le Hirak est la continuité des efforts de militants qui n’ont pas accepté le fait accompli », dira-t-il, assurant que son parti a toujours été un réservoir inépuisable de militantisme. « Le MSP n’a pas uniquement refusé le cinquième mandat, mais aussi le quatrième qui a entrainé le pays dans un processus de pourrissement total », dira Makri avant d’ajouter que son parti, à cause de ses positions, « a subi des pressions de la part du pouvoir central ». Makri parlera d’un vrai « martyre » que les militants du MSP auraient vécu dans le cadre des marches. « On a été tabassés par les forces de l’ordre. On a eu des blessés. On a subi une oppression terrible », dit-il en renvoyant à des vidéos qu’on pourrait trouver facilement sur le net.
« Merci M. le Président »
Après cette « appropriation » qui ne pouvait être complète, Makri est venu à faire l’évaluation du Hirak. Pour ce faire, il commencera par rappeler les principales revendications du mouvement qui ont été, selon lui, au nombre de cinq : « empêcher le cinquième mandat », « éradiquer la corruption », « retour à la souveraineté populaire », « mettre un terme à l’ingérence étrangère » et, enfin, « l’instauration d’un État civil ». L’orateur ne s’étalera pas longtemps sur la première, puisque elle a été satisfaite. Pour la deuxième, il jugera que le Hirak a eu le mérite de « redresser l’échelle des valeurs » et que la corruption ne puisse plus être pratiquée sans crainte. « Cependant, a-t-il ajouté, pour qu’on mette définitivement un terme à ce phénomène, il nous faut des institutions fortes ».
Concernant, le retour à la souveraineté populaire, Maki défendra l’idée selon laquelle « sans des élections législatives et locales transparentes, rien ne peut être fait ». Il a profité de l’occasion pour remercier le président de la République pour sa décision d’organiser des élections de cette nature avant la fin de l’année. Un peu plus loin, il se réjouira d’une vision du même Président qui veut qu’« un pays fort se construit avec une classe politique et une société civile fortes ». Et pour des élections transparentes, Makri fait ce qu’on peut appeler « une offre de service politique » : une surveillance experte. Et d’où cette assurance ? « On a été à chaque fois victime de fraude électorale. On sait comment ça se passe, et on peut éviter que ça se répète ». Concernant, les deux dernières revendications, le président du MSP – peut-être était-ce un oubli – ne soufflera pas mot.
« Laïcs, reconnaissez votre défaite ! »
À la suite d’un discours plus ou moins long (presque deux heures), Makri a jugé bon d’adresser un message aux laïcs « extrémistes » qui, selon lui, sont définitivement laminés. « Nous vous avons vaincus durant les années 70, durant les années 80 et durant les années 90. Aujourd’hui, c’est le peuple qui vous le signifie », dira Makri qui – curieusement – évoquera un « éveil » islamiste. Et de conclure : « Les questions de l’identité, de la langue, de l’Islam, ce ne sont plus celles du MSP, mais celles de tout le peuple », a-t-il assuré avant d’inviter ces mêmes laïcs à « reconnaître leur défaite ».
Hamid F.