Dans cette première partie de l’entretien que nous a accordé l’ex-président du “Majless Echoura” du Mouvement de la société pour la paix (MSP), Abderrahmane Saïdi, parle de la question animant le débat au sein de son parti, sur le «retrait» du MSP de la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD).
La question devra être tranchée par “Majless Echoura”, lors de sa session, en juillet, selon le membre du bureau politique du parti. Plus loin, dans ses réponses, citant, la Mosquée, l’École, les Zaouïa, et les services de sécurité, pour ce dirigeant ce sont, là, des institutions qui «doivent être à l’abri de l’action et des tiraillements politiques» dans notre pays.
Pouvez-vous nous dire les raisons à l’origine de votre position exprimée, relative au retrait du MSP de la CNLTD ?
Ma proposition émane d’un débat au sein du MSP, et ce débat est toujours en cours, notamment sur des questions liées à la poursuite, ou pas, de la présence de notre Mouvement au sein de la Coordination (CNLTD). Des interrogations s’imposent dans ce débat, quant à savoir s’il y a eu réellement des acquis, ou pas, depuis deux ans d’existence de cette Coordination, outre celui que des partis de l’opposition ont pu se regrouper, discuter dans ce cadre et dégager une plateforme commune. Ce débat au sein du MSP s’interroge sur quoi a abouti concrètement l’action de la CNLTD, depuis deux ans de son lancement, sur la scène politique nationale. Et sur ce point, je peux dire que la CNLTD est dans une impasse. À ce titre, je pense qu’il y a lieu de réfléchir, si notre formation doit se retirer de ce cadre, ou bien le renouveler, ou aller vers l’adoption d’une autre stratégie. La Coordination est dans une situation de blocage, et c’est un fait, dont on ne peut faire abstraction, comme il est souligné dans le débat en cours au sein de ma formation politique. D’autant plus qu’après deux ans de travail de la CNLTD, outre que des donnes nouvelles sont survenues sur la scène politique, le calendrier du scrutin législatif est à l’ordre du jour, c’est l’année prochaine.
Donc, la question n’est pas encore tranchée, à votre niveau ?
Je vous signale que l’interrogation, quant au retrait du MSP de la CNLTD, animant le débat au sein de ma formation politique, est celle de nombreux cadres, je ne suis pas le seul à l’exprimer, c’est tout un courant qui porte cette question, et le président du parti ne peut répondre, c’est au conseil national qui lui revient de répondre et de trancher.
Vous êtes un des membres du Bureau politique (BP) du MSP, le conseil national «Majless Echoura» compte-t-il se pencher sur la question, et quand ?
Il y a beaucoup de militants et de cadres qui se posent cette question; moi, je ne fais que l’exprimer, je ne peux affirmer qu’elle est portée par la majorité, ou pas, au sein du parti, mais elle doit être tranchée et ce n’est pas au président du MSP, Mokri, à le faire, c’est au “Majless Echoura” de répondre à cette question, qui anime le débat au sein de notre formation et d’autres aussi. Et, comme vous le savez, notre “Majless” se réunit chaque semestre, en juin, ça sera le mois du Ramadhan, il faut attendre jusqu’à juillet, date qui verra la tenue de la réunion de ses membres, pour trancher cette question et d’autres points aussi, qui seront inscrits à son ordre du jour. Donc, il faut attendre l’été, en juillet, pour voir le MSP trancher et à continuer, ou pas, à être au sein de la CNLTD.
Vous vous êtes présenté pour diriger le MSP, lors de son dernier congrès, lequel a tranché en faveur de Mokri, comptez-vous postuler à ce poste au prochain congrès ?
Certes, je représente un courant au sein du MSP, mais la question n’est pas là, ce n’est pas parce que j’ai une vision politique, et je pose des questions, que mon ambition est d’être à la tête du parti. Je suis un de ses cadres, j’ai occupé plusieurs postes et je suis un de ses dirigeants, donc, la question n’est pas celle que je me présenterai, ou pas, comme candidat au poste de la présidence du MSP; d’ailleurs, c’est aux congressistes de la (la question, ndlr) trancher. Aujourd’hui, le MSP est appelé à répondre aux questions qui se posent à son niveau, notamment celle relative à rester ou pas au sein de la CNLTD. Et les deux années passées, depuis Mazafran I à ce jour, largement suffisantes pour tirer les enseignements et les leçons de cette expérience, et aussi les conclusions qui s’imposent pour que le MSP tranche et adopte une position. La portée, le rôle et l’action de notre parti doivent se poser d’une manière significative sur la scène politique nationale, et sa position sur cette scène doit être confortable.
Que veut dire, pour vous, la position confortable du MSP ?
Notre formation politique doit être une force de propositions, le MSP doit être au devant de la scène politique du pays, alors que, depuis deux ans, il se trouve cerné dans une position, en étant au sein de la CNLTD? Notre libre choix est limité, du fait d’être contraints de se concerter, de coordonner, et de s’y conformer aux lignes tracées par les membres de cette Coordination. Situation qui a amené, au fil de ces deux années de notre participation au sein de la CNLTD, le MSP à faire des Aconcessions, et elles sont nombreuses.
Vous parlez de concessions du MSP, au sein de la CNLTD, lesquelles ?
À titre d’exemple, je citerai les alternatives, à ce niveau, notre Mouvement a fait beaucoup de concessions. Au niveau du “Majless Echoura”, il a été demandé à la direction du parti de ne pas se baser exclusivement sur une seule voie, s’agissant du rôle et de l’action du MSP, sur la scène politique, notamment, mais d’aller vers d’autres issues. Il ne faut pas exclure d’éventuelles autres alternatives d’échange ou d’action politique avec la direction des autres acteurs et partenaires politiques comptant sur la scène, même s’il s’agit d’acteurs politiques représentés au sein du gouvernement. Il faut débattre et échanger, il ne faut pas rester dans une position confinée, voire cernée. Nous sommes un parti de dialogue et de concertation et, par conséquent, il faut diversifier nos échanges avec les autres acteurs politiques et même les partenaires sociaux. C’est suite à la demande de “Majless Echoura” que la direction a pris en compte, traduit par la rencontre entre le président du MSP et le directeur de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia. Les réactions d’acteurs politiques se sont déchaînées sur le MSP, ce qui nous a amené à s’interroger: où en est la décision indépendante et souveraine de tout parti politique, y compris le nôtre. Nous ne sommes pas appelés à se fondre dans une coordination, ni tenus d’en arriver là. Le MSP a contribué et a apporté beaucoup à la CNLTD.
Le MSP s’est-il senti confiné dans la CNLTD, pour des raisons de fonctionnement, notamment propres à la CNLTD, ou s’agit-il d’éléments marquant aussi l’ensemble de la scène politique nationale ?
Le rythme de la vie politique connaît un rythme long. On assiste à des initiatives politiques identiques, le problème de la recherche du rapprochement demeure. Aussi, la scène politique se distingue par des propos d’insultes et d’injures, le niveau est tombé à son plus bas degré. Il y a une réelle dégradation dans le discours d’acteurs politiques. Concernant la CNLTD, après Mazafran I, laquelle Conférence constitue un acquis dans le travail et l’action de l’opposition, dans la mesure où chacun des partis la composant avait sa propre vision, approche et positions, ce qui ne l’a pas empêché de dégager une plateforme commune. Deux ans après, son rythme a diminué, son plafond de revendications a atteint ses limites, en plus des entraves qui bloquent son travail et son action.
Quelles entraves ?
Il y a des partis composant la CNLTD qui continuent à se chercher, et même s’ils siègent à la Coordination de l’opposition, leurs objectifs sont ailleurs. Je citerai l’exemple d’un parti qui, tout en étant au sein de la CNLTD, ses visées sont orientées sur la prochaine Présidentielle, même si je ne suis pas contre et l’ambition est légitime, mais que les objectifs de la CNLTD soient clairs, notamment pour l’amélioration de la Plateforme et son enrichissement, ce qui n’est pas le cas. Et Mazafran II le confirme, dans la mesure où cette Conférence n’a pas été un succès, comme ce fut le cas pour Mazfran I, notamment si l’on se réfère à l’absence d’acteurs et de personnalités à la Conférence.
D’après vous, il faut revoir les donnes ayant été à l’origine de la création de la CNLTD, à la participation du MSP à cette Coordination ?
– Il y a eu évolution dans le pays, et des changements sont survenus, depuis, sur la scène et la vie politique nationale. Mazafaran I, je vous rappelle, qu’elle s’est tenue, sous le règne de la précédente Constitution du pays, et, là, nous avons, après son amendement, une nouvelle Loi fondamentale, à cela s’ajoute, aussi, la situation économique du pays, avec le recul des recettes du pays, suite à la chute du prix du pétrole, en plus des défis grandissant, relatifs à la sécurité de notre pays, et les situations d’instabilité, non moindres chez nos voisins, à nos frontières, ainsi que les problèmes géopolitiques et de géostratégie, le monde est en ébullition. Des acteurs ont réussi à intégrer ces donnes et la CNLTD est appelée, et je pense qu’elle n’a pas le choix, à intégrer ces éléments pour qu’elle puisse s’adapter ou chercher une autre voie.
D’après vous, pourquoi les partis politiques n’arrivent-ils pas à être à la hauteur des défis auxquels est confronté le pays, sur les scènes nationale et régionale ?
Je pense que la raison principale c’est le manque de confiance entre les acteurs politiques et le système (Enidham, ndlr), tout ce qui provient de celui-ci est reçu avec méfiance, y compris même quand les responsables parlent et alertent sur les risques pesant sur le pays par les situations d’instabilité prévalant en pays voisins, la Tunisie et la Libye. Ces alertes sont, pour des acteurs politiques, que prétextes ou de la surenchère des responsables, et là y a problème de confiance. Alors que la réalité est bien là, sous nos yeux, nos voisins sont pris dans le tourbillon d’instabilité et d’insécurité, il y a aussi des forces occultes qui cherchent à déstabiliser le pays, on ne peut faire abstraction de tout ce que je viens de dire. Et je tiens à préciser aussi que tout ce qui provient de l’opposition est reçu avec méfiance par les responsables du système, l’absence de confiance et de part et d’autre. Aussi, il y a l’égoïsme politique et l’intérêt du parti politique qui priment, souvent, sur ceux du pays et de ses priorités lesquelles doivent être au-dessus de tous.
Et qu’en est-il des partis de la majorité ?
Ah, à leur niveau, c’est encore pire, ses partis se débattent sur ce qui est appelé à être le leadership. Ainsi, ils ne cessent de nous rappeler qu’ils portent le programme du président de la République, il ne s’agit pas de dire qui est avec ce programme et qui ne l’est pas, ils sont censés répondre à la question: comment appliquer ce programme, et le réussir. Ils ont été nommés à des postes pour l’exécuter, alors qu’ils ne cessent de clamer: «J’exécute le programme du président». Ont-ils des doutes à ce propos ? je m’interroge.
La Zaouïa est au devant de la scène politico-médiatique, alors que sa mission et son rôle premier c’est l’éducation islamique, l’assistance aux personnes démunies et offre un espace de piété et recueillement, quelle lecture faites-vous ?
Le rôle, la place et les missions de la Zaouïa, dans la société algérienne, sont connus de tout Algérien, et, partant, il n’y a jamais eu un débat à son sujet. Zaouïa est là, elle est enracinée dans notre société, et représente l’esprit, le lien de l’Algérien avec les valeurs de sa religion, ses traditions et ses fêtes religieuses. Et le problème n’est pas dans ce que fait ou accompli la Zaouïa, mais réside dans la question de notre conception de la Zaouïa ? Le jour où celle-ci, d’ailleurs je l’ai souvent dit, son rôle ne vise plus les missions susmentionnées, qu’elle s’est assignée, et ne visent pas ces buts, je lui rappelle ce qui a été son rôle à l’origine. Je m’explique, si elle répond à des sollicitudes de nature politique, se positionnant avec tel et non pas tel, ou tel parti et non pas l’autre, elle se place au cœur des tiraillements politiques, et sort de sa voie et de son rôle initial, qui lui sont propres.
La Zaouïa doit être au-dessus de tous, car elle appartient à tous, au regard de la nature de son rôle et de ses missions. La Zaouïa n’a pas à avoir une vision ou une ligne politique, elle n’a pas à adopter des positions politiques, elle doit être loin et à l’abri des tiraillements de la vie politique dans le pays, et ouverte à tout le monde.
Et je reviens, pour souligner aussi que la Zaouïa, l’École, la Mosquée et les Institutions des services de sécurité, doivent être et demeurer en dehors de l’action et les tiraillements politiques. Et pour revenir à la Zaouïa, celle-ci étant une référence dans la société algérienne, il y a lieu de recentrer son rôle, il ne faut pas oublier que des acteurs politiques en campagne électorale ont eu à s’appuyer sur des Zaouïa. Ceci dit, ses membres ont le droit d’avoir des positions, mais sans pour autant drainer les Zaouïa dans le jeu politique.
Entretien réalisé par Karima Bennour
(à suivre)