Le Courrier d’Algérie : L’Algérie se lance sérieusement, ces derniers temps, dans la lutte contre l’évasion fiscale alors que le phénomène existe depuis plusieurs années. Pourquoi être resté tout ce temps pour combattre ce problème qui a gangrené l’économie nationale?
Abdelhak Lamiri : Tant que les recettes fiscales étaient suffisantes grâce au marché des hydrocarbures, il n’y avait pas d’urgence. Mais maintenant, si on n’est pas efficace dans la collecte des impôts on va puiser dans le fonds de régulation, puis les réserves. Nous avons besoin donc d’être plus rigoureux dans la collecte de l’impôt.
Pourquoi ce n’est qu’en ce moment que les choses se dévoilent dans ce sens?
Tout ceci arrive en ce moment car les recettes du Trésor ne permettent pas à l’Algérie de fonctionner correctement. On est obligé de dépenser plus que l’État ne collecte d’impôts. Les réductions des dépenses sont minimes. Alors on est obligé de trouver des moyens de collecter mieux l’impôt et augmenter les recettes de l’État, sinon les réserves vont s’épuiser rapidement et on entrera dans une terrible crise économique.
Dernièrement ce sont les concessionnaires qui ont été pointés du doigt, alors que le phénomène touche d’autres secteurs. Quels sont ces secteurs qu’il faut nettoyer à votre avis ?
Il n’y a pas que les concessionnaires qui causent problème. Tout le monde sait que la marge qu’ils prennent en Algérie est trop insuffisante. L’essentiel de la marge reste à l’étranger, donc ils payent beaucoup moins d’impôt que les concessionnaires des autres pays. Mais il y a la sous-déclaration de plusieurs entreprises, le marché informel et le reste. Il y a beaucoup de réformes à mener pour que la situation devienne normale.
Est-ce qu’il faut, à votre avis, changer le système fiscal algérien?
Il faut travailler dans plusieurs directions. Le problème des impôts est fortement lié à notre vision économique. L’absence d’une stratégie économique se fait sentir à tous les niveaux. La promotion de l’importation et la croissance molle de l’économie hors hydrocarbures fait peser beaucoup de menaces sur l’économie nationale. Les premiers éléments que l’on a sur la loi de finances complémentaire laissent entrevoir plus de problèmes que de solutions.
Quelles solutions faut-il adopter pour faire face à cette situation ?
Que faut-il faire? Premièrement développer une vision et une stratégie économique cohérente en diversifiant l’économie nationale. La solution de l’impôt réside dans une stratégie d’absorption de l’économie informelle, une création de plus d’un million de nouvelles entreprises dans des domaines vitaux (agriculture, industrie, tourisme etc.) et la modernisation de notre système statistique. Ce n’est pas en voulant que l’on réussit. Il faut mobiliser l’ensemble des acteurs pour mener à bien ces réformes.
Entretien réalisé par I. B.