Chaque 21 septembre, la planète est censée marquer une pause, réfléchir et rappeler l’importance de la paix. Cette année encore, l’ONU appelle à un cessez-le-feu mondial pour honorer la Journée internationale de la paix, instituée en 1981 pour consacrer une journée sans violence. Pourtant, à Ghaza, le contraste est insoutenable.
Tandis que le monde s’apprête à célébrer la paix, la bande assiégée subit l’une des offensives les plus brutales de son histoire. Jeudi 18 septembre en cours marquait une date symbolique : l’expiration du délai d’un an fixé par l’Assemblée générale des Nations unies pour que l’entité sioniste applique l’avis consultatif rendu par la Cour internationale de justice (CIJ) en juillet 2024. Cet avis, clair et sans ambiguïté, conclut que l’occupation israélienne des territoires palestiniens était illégale et devait cesser dans les plus brefs délais. Douze mois plus tard, non seulement l’occupation persiste, mais les violations se sont multipliées. Loin de se conformer à la légalité internationale, l’entité sioniste a intensifié sa guerre contre Ghaza et ses agressions en Cisjordanie occupée, défiant ouvertement le droit et les résolutions onusiennes. À l’heure où la paix aurait dû progresser, la région vit au contraire l’enfer de la guerre.
Ghaza, prison à ciel ouvert
Les chiffres sont vertigineux. Selon le ministère de la Santé palestinien, le bilan depuis le 7 octobre 2023 s’élève à 65 141 martyrs et 165 925 blessés, en majorité des femmes, des enfants et des personnes âgées. Rien que ces dernières 24 heures, 14 Palestiniens ont été tués dans des bombardements incessants. Les attaques n’épargnent ni les habitations ni les hôpitaux. Des chars, accompagnés de bulldozers, ont envahi des quartiers entiers de Ghaza, détruisant maisons et rues déjà ravagées. Des engins piégés ont été utilisés pour raser des immeubles, réduisant en poussière ce qui restait d’abris précaires pour des milliers de familles déplacées. Dans ce paysage apocalyptique, la famine s’installe. Les chiffres officiels font état de 435 morts liés à la malnutrition, dont 147 enfants. Le siège imposé depuis des mois empêche l’entrée de nourriture, d’eau potable et de médicaments. Les couloirs dits « humanitaires » sont décrits par les habitants comme des « couloirs de la mort », où se déplacer équivaut à prendre le risque d’être ciblé par les tirs.
Des hôpitaux débordés, une médecine de fortune
À l’hôpital Al-Chifa, le seul établissement encore en activité dans la ville, le docteur Mohammed Abou Salmiya décrit une scène de chaos permanent : « Nous ne distinguons plus le jour de la nuit. Les blessés affluent sans cesse, la majorité dans un état critique. Les salles sont saturées, et nous pratiquons des opérations dans les couloirs, parfois sans anesthésie complète. » Les témoignages des soignants rappellent que cette guerre ne tue pas seulement par les bombes, mais aussi par l’effondrement du système de santé, l’absence de médicaments et l’interdiction d’évacuer les blessés graves.
L’illusion de la diplomatie
Sur le plan politique, le Conseil de sécurité des Nations unies a encore échoué à imposer un cessez-le-feu. Jeudi, 14 pays sur 15 ont voté en faveur d’un projet de résolution réclamant l’arrêt immédiat des hostilités et l’acheminement de l’aide humanitaire. Mais, comme à plusieurs reprises déjà, les États-Unis ont dégainé leur veto, condamnant le texte et laissant l’entité sioniste poursuivre son offensive. Cette paralysie diplomatique est dénoncée par l’Autorité palestinienne comme une forme de « complicité internationale ». Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères palestinien a mis en garde contre la perte de crédibilité des Nations unies : « Le silence et l’inaction de la communauté internationale, face à la non-application de l’avis de la CIJ, équivalent à un feu vert donné à l’occupant pour poursuivre son génocide. »
La voix des résistances
Face à cette machine de guerre, la résistance palestinienne ne désarme pas. Les Brigades al-Qassam, branche militaire de la résistance islamique, ont averti que Ghaza ne sera jamais « une proie facile ». Elles menacent de transformer la ville en « cimetière des soldats ennemis », rappelant que des dizaines d’otages israéliens sont toujours détenus à Ghaza. Dans leurs communiqués, elles accusent directement Benjamin Netanyahou d’avoir condamné ses propres captifs à mort en ordonnant l’intensification des bombardements. La guerre psychologique, comme la guerre militaire, bat son plein, avec un enjeu central : prouver que malgré la destruction, Ghaza résiste.
Le symbole brisé de la Journée de la paix
La Journée internationale de la paix devait être l’occasion de promouvoir un cessez-le-feu universel, une suspension des hostilités. Mais l’entité sioniste fait de cette date un jour de deuil et de colère pour les Palestiniens. Au lieu d’appliquer l’avis de la CIJ et de tendre vers une solution pacifique, elle a choisi la voie du sang. Ce contraste entre l’idéal proclamé et la réalité vécue est frappant. À New York, les diplomates prononceront des discours en faveur de la paix. À Ghaza, les bombes écraseront les corps et les rêves. Le monde parlera de dialogue, tandis que les Palestiniens compteront leurs morts.
Un monde en perte de repères
La non-application de l’avis consultatif de la CIJ par l’entité sioniste révèle un problème plus profond : la fragilité du système international. L’ONU, conçue pour empêcher la répétition des tragédies du XXe siècle, se trouve aujourd’hui incapable de faire respecter ses propres décisions. Cette impuissance risque d’avoir des conséquences bien au-delà de la Palestine. Car si une puissance occupante peut défier impunément la CIJ et l’Assemblée générale, quel crédit reste-t-il au droit international ? À quoi bon parler de « Journée de la paix » si les mécanismes censés la garantir se réduisent à des rituels symboliques, dépourvus de force contraignante ?
L’émergence de voix critiques aux États-Unis
Pourtant, des fissures apparaissent dans le mur du silence occidental. Aux États-Unis, le sénateur Bernie Sanders a franchi un pas décisif en qualifiant explicitement la guerre contre Ghaza d’« épuration génocidaire ». Rejoignant les conclusions d’une commission onusienne, il a écrit : « L’intention est claire, et la conclusion inévitable : Israël commet un génocide à Ghaza. »
Ce type de déclaration, bien que minoritaire dans la sphère politique américaine, reflète un changement de ton progressif. Dans les universités, les syndicats et les mouvements citoyens, la dénonciation de la guerre gagne du terrain. Mais sur le plan institutionnel, le veto américain continue de protéger l’impunité israélienne.
Le miroir cruel pour la communauté internationale
La Journée internationale de la paix met en lumière une double trahison. D’une part, celle de l’entité sioniste qui ignore ouvertement la décision de la CIJ et piétine les aspirations des Palestiniens. D’autre part, celle de la communauté internationale, qui se réfugie derrière des déclarations creuses sans mécanismes contraignants. Dans ce contexte, le peuple palestinien vit la paix comme une chimère. Pour lui, le 21 septembre n’est pas une fête, mais un rappel de l’abandon du droit au profit de la loi du plus fort. Alors que le monde entier devrait dimanche rappeler l’importance de la paix, Ghaza offre l’image inverse : celle d’une population enfermée, bombardée, affamée, trahie par le droit international. La paix, au lieu d’être célébrée, y est chaque jour enterrée sous les décombres.
L’entité sioniste, en refusant de respecter le délai fixé par l’ONU, a choisi de s’enfoncer davantage dans la logique coloniale et génocidaire. Et tant que la communauté internationale restera paralysée, ce 21 septembre sera non pas la Journée de la paix, mais le symbole d’une paix trahie.
M. Seghilani