Une tentative de coup d’état militaire a été avortée en Turquie, où des milliers de personnes ont répondu à l’appel du président Recep Tayyip Erdogan, qui les a invitées à descendre dans les rues pour faire échec au putsch conduit par un groupe d’officiers « félons » selon le Chef de l’état turc.
La tentative aurai fait au moins 265 morts et près de 1500 blessés dont de nombreux civils. Les forces de sécurité turques ont arrêté plus de 2000 militaires, dont cinq généraux et 29 colonels. Le chef d’état-major des armées turques, le général Hulusi Akar, a été libéré des militaires putschistes qui le retenaient sur une base aérienne située dans la banlieue d’Ankara samedi et conduit dans un lieu sûr, selon l’agence de presse Anadolu.
Derrière le coup d’Etat avorté le président Erdogan a pointé du doigt Fethullah Gülen, un imam exilé depuis des années aux états-Unis. Le mouvement de celui-ci a démenti et condamne l’intervention armée. Fethullah Gülen, ennemi juré du président turc Erdogan, a en effet condamné «dans les termes les plus forts» la tentative de coup d’état, depuis les Etats-Unis où il est éxilé. «J’ai souffert de plusieurs coups d’état militaires au cours des 50 dernières années et trouve donc particulièrement insultant d’être accusé d’avoir un quelconque lien avec cette tentative. Je réfute catégoriquement ces accusations», a-t-il indiqué dans un communiqué.Les forces fidèles au gouvernement turc ont repris progressivement le contrôle du quartier général de l’armée, et de petits groupes de putschistes qui résistaient ont été réduits. Le parlement turc complètement dévasté, les députés se sont réunis en séance extraordinaire pour condamner fermement la tentative de coup d’état. Les condamnations internationales ne se sont pas faites attendre et dans la nuit de l’insurrection militaire de nombreux pays dont les Etats-Unis se sont montrés solidaires du Président Erdogan.La situation dans ce pays, membre-clé de l’OTAN, était sous contrôle, mais Erdogan a demandé à la foule de ses fidèles et partisans de rester dans les rues à Ankara et Istanbul pour faire face à toute éventualité. «L’acte de trahison » commis par les putschistes justifie «le nettoyage» de l’armée, a-t-il déclaré. Il a promis que les insurgés – une cinquantaine d’officiers de la gendarmerie et de l’armée de l’air selon les chiffres officiels avancés – « paieraient cher leur trahison ». « L’Etat parallèle a sa part dans le soulèvement », a-t-il martel, en référence au prédicateur Fethullah Gülen, son ennemi juré, qui vit depuis 1999 en exil en Pennsylvanie aux Etats-Unis. La puissante confrérie Gülen a pourtant été amoindrie par la purge drastique exercée contre elle depuis 2013 par le gouvernement persuadé que les adeptes de Gülen veulent le renverser. Jadis meilleur allié de Recep Tayyip Erdogan, l’imam Gülen, dont le mouvement gère encore des centaines d’écoles à l’étranger est devenu sa bête noire.
Pour rappel la tentative de coup d’Etat a débuté vendredi soir avec l’arrivée d’hélicoptères et d’avions de chasse dans le ciel d’Ankara, tandis qu’à Istanbul, des militaires fermaient l’accès aux deux ponts qui enjambent le Bosphore. Coups de feu et explosions ont ensuite retenti. à l’aube, samedi une centaine de putschistes se sont rendus à la police, à Istanbul.Les putschistes qui justifiaient leur action par le rétablissement de l’ordre constitutionnel avaient affirmé que le pays serait dirigé par un « conseil de paix » qui garantira la sécurité de la population. Ils avaient annoncé l’instauration d’un couvre-feu national et de la loi martiale. L’échec de ce coup d’état dans un pays fragilisé ces derniers mois par la politique de plus en plus autoritaire du Président Erdogan et par les coups de boutoir du terrorisme, constitue indéniablement une sérieuse alerte pour celui qui a opéré un revirement spectaculaire de ses alliances avec un discours mesuré envers la Syrie de Al Assad et une ouverture marquée en direction de la Russie de Poutine. Force est de constater que si aucun prémisse ne laissait prévoir un coup de force et une tournure dramatique à Ankara, des analystes de la scène politique turque soulignent que les relations entre l’armée et le président Erdogan ont toujours été tendues, voire conflictuelles. Le»nettoyage» conduit en 2009 contre une centaine d’officiers supérieurs de l’armée par un chef d’Etat jaloux de ses pouvoirs et fort de ses soutiens extérieurs dont l’UE et les monarchies du golfe en particulier le Qatar a cependant provoqué une fracture qui s’est avérée profonde . Les militaires turcs qui se considèrent toujours les seuls héritiers de Mustapha Kemal Attaturk n’ont jamais pardonné à Erdogan d’avoir humilié leur institution et instauré un «régime autocratique» affilié aux Frères musulmans avec pour dessein d’instaurer le Califat .
Mokhtar Bendib