Connu sous le nom de Zabana, Ahmed Zahana a été guillotiné, le 18 juin 1956, par les autorités coloniales françaises, dont son tribunal militaire l’a condamné à la peine de mort, pour son combat libérateur de l’Algérie. Dans la lettre qu’il a rédigée à sa mère, de la prison Serkaji, «ex-Barberousse), le martyr Ahmed Zabana écrit : «Ne me pleurez pas, et soyez fiers de moi», alors qu’il n’était pas informé du jour “J” de son exécution, mais il a senti les choses venir. Zabana a marché vers la guillotine, fièrement, refusant que ses mains soient enchaînées, car étant homme libre, en ayant consacré sa vie à lutter pour l’indépendance de sa patrie. Notons que les responsables du système colonial français en Algérie, dont le ministre de la Justice, devenu, des années plus tard, président de la France, François Mitterrand en l’occurrence, ont dépêché, en Algérie, pour assassiner les combattants algériens, la guillotine qui a décapité, en 1793, Marie Antoinette.
«La mère d’un brave ne peut être que brave» . Tels ont été les propos du procureur du tribunal militaire, en réaction aux deux gifles que la mère du martyr Zabana a données à l’agent français qui lui interdisait d’assister au procès de son valeureux fils, Ahmed Zabana. C’est un des témoignages rapportés par l’avocate Fatma-Zohra Belbrahem, qu’elle tient de l’avocat du combattant Zabana, Maître Zertal, à l’occasion de la commémoration de la mémoire d’Ahmed Zabana, hier, au Forum d’El-Moudjahid. L’avocate a été affirmative, «ni Yacef Saâdi, ni un gardien n’ont fait sortir la lettre du martyr Zabana», a-t-elle déclaré, indiquant que «le chahid Ahmed Zabana l’avait remise à son avocat (Zertal, ndlr) en lui demandant de la remettre à sa mère», a précisé Belbrahem. Ce qui fût, a-t-elle poursuivi, et après la lecture de la lettre de Zabana, par maître Zertal, à la demande de la brave femme algérienne, la maman d’Ahmed Zabana, celle-ci lança des youyous, exprimant, ainsi, sa fierté et celle de son fils qui venait de tomber au champ d’honneur, celle, aussi, de l’ensemble des combattants et martyrs de la Révolution algérienne, qui, faut-il le rappeler, battait son plein en cette année de 1956. «Mes chers parents, ma chère mère, je vous écris sans savoir si cette lettre sera la dernière, et Dieu seul le sait», écrit Zabana et de poursuivre, «si je subis un malheur, quel qu’il soit, ne désespéraient pas de la Miséricorde de Dieu», avant d’ajouter, «car la mort pour la cause de Dieu est une vie qui n’a pas de fin, et pour la Patrie n’est qu’un devoir», a écrit le martyr Zabana. Qui, poursuivant, indique dans sa missive à sa mère, «vous avez accompli votre devoir puisque vous avez sacrifier l’être le plus cher pour vous. Ne me pleurez pas, et soyez fiers de moi», lit-on dans la lettre signée par H’mida, laquelle «doit être enseignée dans notre système éducatif», ont insisté les présents, nombreux venus assister à l’hommage rendu à la mémoire du martyr Zabana. Une lettre qui au fil du temps a eu un impact considérable sur la scène internationale, mettant à mal, même après sa mort, le système colonial français. Diffusée aux organismes internationaux, dont les Nations unies, suite à la lettre du martyr Abane Ramdane, sur le contenu de la missive du chahid H’mida Zabana. «Dans une lettre à ses parents, Zabana se dit heureux de mourir pour Dieu et la Patrie», écrit Abane qui poursuit en indiquant que «l’impérialisme français, en violation des lois internationales régissant les conflits, a commis un nouveau crime en assassinant les frères Zabana et Ferradj». Ces derniers «prisonniers de guerre», précise-t-il, «s’ajoutant aux centaines» poursuit Abane, «de crimes quotidiens qu’ils commettent en rase campagne et dans les villes et villages, les gouvernants français ont essayé de montrer par l’exécution des frères précités», souligne Ramdane, «une opération psychologique destinée à remonter le moral défaillant de leurs troupes, de leurs colons et, il faut le dire, de la minorité européenne». Et par la même occasion, indique, dans son message à l’ONU, Abane Ramdane, «ils ont voulu réduire celui de notre peuple», lit-on encore.
Si, au moment de commettre leur crime odieux, en guillotinant Zabana, la machine s’est coincée à deux reprises avant que le troisième coup du lâcher de la lame ne sonne l’acte final de l’assassinat du martyr Ahmed Zabana, l’avocate est affirmative, il s’agissait bel et bien d’«une exaction judiciaire», car dans le verdict de la condamnation par les autorités coloniales françaises «ne figurait nulle part la peine de mort jusqu’à ce que mort s’ensuit», a-t-elle précisé. Dans son dernier livre paru en 2012, l’ex-ministre des Affaires étrangères, Roland Dumas, qui a connu de très près François Mitterrand, ministre de la Justice, en cette période, a évoqué l’exécution de Zabana, en qualifiant ses conditions «d’horribles» dans sa page 68, de son livre «Coups et Blessures».
Mitterrand qui a refusé, au départ, en tant que premier responsable de la Justice coloniale, la demande de grâce de Zabana, son acharnement s’est manifesté lors de l’exécution du chahid, refusant de surseoir à la décision de la décapitation, après avoir été informé dans les temps des deux coups ratés de la lame de la guillotine. Ne dit-on pas que les hommes braves meurent une seule fois, et ce qui fut le cas pour le martyr Ahmed Zahana. Que l’Histoire retiendra qu’il est mort libre et dignement pour que «Tahya El-Djazaïr», comme le clameaient, haut et fort, les combattants et combattantes, détenus à Serkaji, écho qui parvenait, en traversant ses murs, aux Algériens de la Casbah, qui reprenaient en chœur, “Tahya El-Djazaïr».
Karima Bennour