Dans une vidéo, le groupe islamique montre une quinzaine de jeunes filles recouvertes d’un hijab noir. Au total, 276 adolescentes avaient été enlevées.
Deux ans après leur enlèvement par les islamistes de Boko Haram, familles et sympathisants ont manifesté, jeudi, au Nigeria pour réclamer la libération des lycéennes de Chibok, tandis que le gouvernement «étudie » une preuve de vie de certaines d’entre elles envoyée par leurs ravisseurs. Marches et veillées de prières avaient lieu en différents lieux, à commencer par la petite ville de Chibok, devenue un symbole du conflit qui déchire le nord-est défavorisé du Nigeria depuis 2009.
Le 14 avril 2014, 276 adolescentes y avaient été enlevées dans un kidnapping sans précédent qui a provoqué une vague d’indignation au Nigeria et dans le monde.
Cinquante-sept lycéennes avaient réussi à s’échapper peu après leur enlèvement dans leur dortoir. Les manifestations ont rassemblé nombre de parents des jeunes filles, vêtus de noir. À Lagos, la grande métropole économique, et dans la capitale fédérale Abuja, des centaines de membres du mouvement de solidarité #BringBackOurGirls ont réclamé la libération des 219 filles qui n’ont toujours pas été retrouvées.
La vidéo « a donné un peu d’espoir »
Alors que le gouverneur de l’État de Borno, Kashim Shettima, a promis de faire « tout le possible pour que les filles soient retrouvées », le représentant des parents des captives Yakubu Nkeki a lu une lettre aux adolescentes, priant pour qu’elles restent « saines et sauves, ».
Les images des 15 captives obtenues mercredi, par CNN auraient été tournées le 25 décembre.
Ce sont les premiers éléments prouvant que certaines d’entre elles au moins sont en vie depuis une précédente vidéo des insurgés nigérians datant de mai 2014. Y apparaissaient une centaine de filles, toutes de noir vêtues et récitant le Coran.
Trois mères et une camarade des 219 adolescentes dont on est sans nouvelles ont confirmé que les quinze étaient bien des filles de Chibok qui, dans la vidéo, portant un voile islamique noir, s’identifient, affirment avoir été enlevées à Chibok et disent « aller bien ». La vidéo « a donné un peu d’espoir » à Ayuba Alamson Chibok, habitant de la ville, qui a déclaré à l’Agence France-Presse avoir reconnu dans cette vidéo deux de ses nièces enlevées, il y a deux ans. « Nous pouvons désormais penser que ces filles sont encore en vie et nous prions pour qu’elles soient bientôt libérées » a-t-il affirmé par téléphone depuis Chibok, ajoutant être « très heureux d’entendre leur voix ».
Pour Habiba Balogun, membre du mouvement #BringBackOurGirls à Lagos, cette vidéo « est la preuve que nous avons eu raison de poursuivre la mobilisation », alors que le rapt des jeunes filles était mis en doute par certains, qui prétendaient qu’il s’agissait d’une manoeuvre politique pour renverser le gouvernement précédent. Selon un haut responsable gouvernemental, avant de recevoir la vidéo montrée par CNN, le gouvernement avait déjà obtenu de Boko Haram, mi-janvier, cinq photos d’otages, vues par l’Agence France-Presse.
Esclaves sexuelles et bombes humaines
Mais, a ajouté ce responsable, le gouvernement veut éviter que la publication de cette vidéo ne débouche sur le genre de problème rencontré par l’administration précédente.
Les autorités avaient en effet annoncé prématurément des pourparlers avec des éléments de Boko Haram et même un cessez-le-feu. « Nos services de renseignements et de sécurité ont reçu une vidéo similaire en juillet de l’an dernier et quand ils ont suivi les pistes, ils se sont retrouvés dans un cul-de-sac », il a été impossible d’établir un contact, a-t-il expliqué. Le mouvement, qui a fait allégeance à l’organisation État islamique, est notoirement divisé en factions qui n’agissent pas toujours de façon coordonnée. Et ces vidéos pourraient venir de l’une de ces factions.
Par ailleurs, a encore indiqué cette source, le gouvernement a reçu en juillet une demande de rançon d’un million d’euros pour la libération de dix adolescentes. Le chef de Boko Haram, Abubakar Shekau, a de son côté déclaré dans le passé que les captives seraient relâchées en échange de la libération de combattants islamistes détenus au Nigeria.
Tout cela tend à confirmer que les lycéennes ont été séparées en différents groupes après leur enlèvement, une tactique qui complique toute possibilité de discussion ou tentative de libération. Les filles de Chibok sont les victimes les plus tristement célèbres de Boko Haram, qui utilise le kidnapping comme une arme, dans une insurrection qui a déjà fait quelque 20 000 morts depuis 2009.
Selon les ONG qui militent pour les droits de l’Homme, plusieurs milliers de femmes et de jeunes filles ont été enlevées depuis le début du conflit. Boko Haram en fait des esclaves sexuelles ou des bombes humaines, tandis que les garçons et les hommes sont enrôlés de force par les rebelles qui veulent instaurer un État islamique dans le nord-est du Nigeria.