Au-delà des défis internes auxquels s’attaquent l’entreprise nationale, celle-ci fait face désormais à une autre problématique. Il s’agit de l’arbitrage international, un thème qui a fait l’objet, hier, d’une journée d’étude organisée à Alger, par le CRJJ et l’ESM, deux institutions relevant du ministère de la Justice. Les acteurs issus du domaine juridique, ayant pris part à cette rencontre, ont été unanimes à situer l’enjeu, au demeurant un maillon faible pour l’économie. Tout se joue, selon eux, sur le contrat bilatéral ou multilatéral signé entre les partenaires de l’entreprise. Ainsi, l’arbitrage international qui se définit comme une voie de recours juridique se présentant aux partenaires privés entre eux, ou bien entre ces derniers et l’État, pour dénouer les litiges sur la base desquels sont confrontées les deux parties, a souvent rendu une sentence arbitrale défavorable à l’Algérie. Ceci se vérifie à travers l’affaire de l’opérateur de téléphonie mobile Djezzy, dont le litige, pour rappel, avait opposé, en 2013, l’État algérien à l’homme d’affaire l’égyptien Naguib Sawiris, fondateur d’Orascom, maison-mère de cette société. Même si l’Algérie a fini par racheter à 51% des actions de Djezzy, le montant d’achat est jugé démesuré (2,6 milliards de dollars). À préciser que les deux partenaires ont désigné le CIRDI (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements), basé aux États-Unis. C’est ce à quoi fait-on référence dans cette journée d’étude, à travers laquelle les différents spécialistes ont mis l’accent sur l’importance pour l’Algérie de veiller scrupuleusement sur les contrats sur lesquels s’engage-t-elle avec ses partenaires, précisément les résidents étrangers. Abordant ce concept à travers le thème «L’Arbitrage d’investissement», Farid Benbelkacem, membre du Centre de conciliation, de médiation et d’arbitrage d’Alger, auprès de la Chambre de commerce et d’industrie (CACI), a prévenu que l’enjeu principal est «la nationalité de l’entreprise», a-t-il indiqué. D’où, justement, la nécessité de faire preuve de beaucoup d’imagination et d’ingéniosité en quelque sorte, lors de l’ouverture du capital des entreprises nationales aux investisseurs tiers, à même de sauvegarder «la souveraineté de l’État», a laissé entendre le spécialiste. Le même orateur, quant à lui, a cité l’exemple du contentieux juridique né entre la société italienne Eni-Saipem et la compagnie pétrolière nationale Sonatrach. Et à lui d’attirer l’attention des pouvoirs publics que «l’arbitrage peut porter atteinte à l’État», comme pour montrer le chemin aux autorités, à même d’éviter les pièges et les non-dits. Pour lui, le fait que le CIRDI soit une institution qui dépend de la Banque mondiale (BM) est une raison de plus pour éviter en quelque sorte de recourir à l’arbitrage. Parmi les affaires traitées par le CIRDI, certaines des sentences arbitrales rendues sont qualifiées de «dérives», dès lors a indiqué un autre professeur universitaire que les États n’en disposent d’aucun droit auprès de l’arbitrage international, hormis «le devoir de protéger l’investissement national», comme le confère la notion du droit de propriété. Qu’en est-il donc des recommandations des spécialistes à même d’éviter ce genre de situations préjudiciables à l’économie nationale, et par-dessus tout à la souveraineté de l’État ? Il s’agira de l’avis d’un bon nombre des experts, d’opérer à l’amont. Précisément, il faudra faire en sorte de veiller à une bonne élaboration de contrats de partenariat. En effet, sur le plan interne, les pouvoirs publics misent gros sur l’entreprise, comme acteur-clé sur lequel repose l’essor de l’économie nationale, de par ce qu’impose le contexte inhérent à la crise financière en cours. En revanche, il n’en est pas de même pour ce qui est du défi externe, où l’entreprise est appelée à évoluer présentement dans une concurrence rude, caractérisée souvent par une course contre la montre, dans l’objectif visé, cela dit en passant, la richesse et la rentabilité. Même si cette question dépend en partie du cours mondial, il n’en demeure pas moins que l’entreprise dispose d’une marge de manœuvre, si peu qu’elle sache négocier ses contrats établis avec les partenaires. C’est ce que préconisent les spécialistes qui se sont penchés de manière scrupuleuse sur un concept qui échappe jusque-là à la maîtrise des entreprises, ou tout au moins, un domaine méconnu, disons-le, dans la mesure où le pays tente à peine de se soustraire de l’économie dirigée. C’est du moins le constat relevé par les intervenants durant cette rencontre, à travers différents sous-thèmes abordés, à même d’explorer le concept sous ses multiples angles. Ceci, d’autant plus que le statut de l’entreprise, notamment publique, a connu une mutation à la valeur de nouveaux textes de loi promulgués. À l’exemple de la LF-2016 et le Code de l’investissement. Une raison pour laquelle, celle-ci doit s’inscrire dans le giron des conventions internationales parmi celles signées par l’Algérie. Un état de fait, auquel cas, ne puisse être ignoré par le pays, ont fait savoir les intervenants à cette journée d’étude, où figurent des professeurs en droit, des magistrats et autres responsables issus du secteur judiciaire et universitaire.
Farid Guellil