Pour le Président français, François Hollande, la « France est en guerre » et cela implique un remède de cheval à ceux, pour lui les djihadistes, qui lui ont déclaré cette guerre sale et pernicieuse. L’état d’exception et le tournant dans la politique française en Syrie, qui ne fait plus sans le proclamer bien sûr, du départ de Assad une condition sine qua non sont les deux mesures phares d’un long listing de mesures anti-terroristes dont la déchéance de la nationalité française pour les terroristes binationaux, le renforcement des moyens des services de renseignement et moyens militaires passant outre, les restrictions budgétaires pour réduire le déficit pour la première fois, Paris invoque aussi l’article 5 de l’OTAN , qui oblige les États membres à voler à son secours. Devant les parlementaires français exceptionnellement réunis en Congrès à Versailles, âpres les attentats de Paris, le président Hollande a demandé aussi une modification de la Constitution pour y inscrire l’état d’urgence. Il a également annoncé une batterie de mesures sécuritaires, notamment sur la déchéance de nationalité, ainsi que l’embauche de plusieurs milliers de fonctionnaires dans la police et la justice. Sur le plan extérieur, il a confirmé l’intensification des frappes françaises en Syrie et appelé à une « grande coalition » contre l’État islamique incluant la Russie ou il doit se rendre pour rencontrer Vladimir Poutine avant de se rendre à Washington.
Au plan interne Hollande, qui a revêtu son habit de chef de guerre a confirmé sur un ton martial qu’il avait demandé au gouvernement de présenter ce mercredi, en conseil des ministres français , un projet de loi autorisant la prolongation de l’état d’urgence, décrété dans la nuit de vendredi à samedi, à trois mois. Son contenu sera également adapté à« l’évolution des technologies», a annoncé François Hollande, sans plus de détails. En France l’état d’urgence est une mesure d’exception qui renforce les pouvoirs de l’exécutif à des fins de sécurité, sur tout ou partie du territoire – cette fois, il a été utilisé pour assigner des personnes à résidence et lancer de nombreuses perquisitions administratives chez des personnes fiches. La fameuse fiche de sécurité. Mais pour le chef de l’État français, cela ne suffit pas et l’on doit « aller au-delà de l’urgence. J’ai beaucoup réfléchi à cette question. Nous devons faire évoluer notre Constitution pour permettre aux pouvoirs publics d’agir contre le terrorisme de guerre», a-t-il affirmé. La Constitution contient deux dispositions : l’article 16 sur les pouvoirs exceptionnels accordés au Président et l’article 36 sur l’état de siège.
« Aucun de ces deux régimes n’est adapté à la situation que nous rencontrons », a expliqué François Hollande. Le premier, toujours jugé liberticide par la gauche, a été utilisé seulement en 1961 après le putsch des généraux en Algérie et il implique que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics soit interrompu ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Le second n’a jamais été utilisé sous la Ve République, il prévoit de transférer les pouvoirs de police de l’autorité civile à l’autorité militaire, de créer des juridictions militaires et d’étendre les pouvoirs de police.
«Nous sommes en guerre. Mais cette guerre d’un autre type face à un adversaire nouveau appelle un régime constitutionnel permettant de gérer l’état de crise », a avancé Hollande avant de renvoyer vers le comité Balladur de 2007 qui avait proposé une série de modifications de la Constitution française . Hollande a également annoncé une série de mesures que la droite va avoir bien du mal à renier, tant elles ressemblent à nombre de ses propositions.
Ainsi il veut, notamment « déchoir de sa nationalité un individu condamné pour un acte terroriste même s’il est né Français », à condition qu’il dispose d’une autre nationalité – une disposition déjà validée par le conseil d’État en janvier dernier, et « pouvoir interdire à un binational de revenir sur le territoire » français . Une mesure que le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve rejetait, il y a encore quelques mois. Hollande veut aussi expulser« plus rapidement » les étrangers présentant une menace grave. À l’instar du Premier ministre Manuel Valls, François Hollande a refusé de s’opposer à la proposition émise par Nicolas Sarkozy de placer en résidence surveillée toutes les personnes signalées par une «fiche S», soit 11 000 personnes sur le territoire. « Le gouvernement, dans un esprit d’unité nationale, va saisir pour avis le conseil d’État, cet avis sera rendu public et j’en tirerai toutes les conséquences », a indiqué le président de la République. François Hollande a également indiqué qu’il voulait « renforcer substantiellement les moyens » de la justice et de la police, en élargissant l’éventail des techniques de renseignement à la disposition des magistrats, en adaptant la procédure pénale aux faits de terrorisme, en alourdissant « significativement » les peines.
Il a confirmé une évolution de la loi sur la légitime défense des policiers, déjà annoncée par Bernard Cazeneuve.
Au plan diplomatique, le président français a annoncé un changement majeur de la position française sur le conflit syrien et va rencontrer les présidents russe et américain « pour unir nos forces », -a-t-il dit . Jusque-là, les positions française et russe semblaient irréconciliables tant la France faisait du départ de Bachar el-Assad une condition préalable à toute négociation sur une transition politique à Damas.
« Il faut un rassemblement de tous ceux qui peuvent réellement lutter contre cette armée terroriste dans le cadre d’une grande et unique coalition », a expliqué Hollande. Avant de préciser : « Nous cherchons résolument, inlassablement une solution politique dans laquelle Bachar el-Assad ne peut constituer l’issue, mais notre ennemi, notre ennemi en Syrie, c’est Daech. » En attendant, la France a déjà commencé à intensifier ses frappes en Syrie – 10 chasseurs français ont bombardé, dimanche et lundi, des sites appartenant à l’État islamique (EI) à Raqqa , la capitale syrienne de l’organisation terroriste . Le changement a 180 degrés de la diplomatie française à l’égard de la Syrie sonne le glas de l’action du MAE Laurent Fabiu , qui doit quitter le Quai d’Orsay. Un départ prévu de longue date au moment où un intense lobbying est en cours, auprès de Hollande pour lui imposer Elisabeth Guigou, présidente des AE à l’Assemblée nationale française et grande amie du Maroc où elle est née.
Mokhtar Bendib