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Abdelhamid Boudaoud, président du CNEA, au Courrier d’Algérie : «les capacités des nouveaux architectes sont limitées»

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Le Courrier d’Algérie : Le Collège national des experts architectes (CNEA) s’intéresse de plus en plus aux futurs architectes, remettant en cause la qualité de la formation de ces derniers. Pourquoi cet intérêt ?
Abdelhamid Boudaoud : Certes, il est difficile aujourd’hui en tant qu’architecte algérien de parler d’architecture en général et de celle de nos villes en particulier, car étant confronté aux «critiques» d’une société qui semble ne plus croire aux capacités de l’architecte algérien. Nul ne peut nier qu’il existe actuellement un malaise face à la qualité du cadre bâti et à l’esthétique de nos villes. Nous nous sommes posé plusieurs questions dans ce sens. Qui est le responsable de cette situation ? Est-ce que ce sont les architectes, les maîtres d’ouvrage, où c’est toute la stratégie nationale qui ne permet pas l’émergence de la qualité de l’urbanisme dans notre pays ?
C’est devant cet état de fait que nous avons essayé d’analyser les choses afin de trouver les réponses à cette problématique. D’abord le CNEA s’est penché sur la formation des architectes et a conclu que le stage de 18 mois que l’architecte doit passer après l’obtention de son diplôme est inutile. C’est pour nous une perte de temps.
J’explique mieux. Les études d’architecture en Algérie se font en cinq ans, puis un stage professionnel d’une durée de 18 mois est exigé pour accéder à la prestation de serment et à l’inscription au Tableau national des architectes. Ce stage est certes effectué, mais sa forme et son contenu sont loin des exigences de qualité et de formation continue qui doivent suivre les études.
Le futur architecte reçoit uniquement une attestation de stage signée par l’employeur dont nous ne savons même pas si cet architecte est bien qualifié pour continuer dans son activité car aucune évaluation n’est mentionnée dans l’attestation et aucune évaluation n’est faite par l’Ordre national des architectes ce dernier étant censé faire le contrôle. Donc pour nous les agréments sont délivrés sans vérification des qualifications professionnelles.
Et vu les capacités limitées des nouveaux architectes, ils sont rares ceux qui arrivent au bout de leur stage à capitaliser les connaissances nécessaires pour cette activité.

Que proposez-vous, alors ?
Nous proposons la suppression de ce stage et son remplacement par un examen d’habilitation écrit et oral, pour que le nouvel architecte figure dans le tableau national des architectes. L’accord UIA stipule que les études doivent être au minimum de 5 ans, suivies de deux années de stages sanctionné par un examen, un stage pratique intégré aux études, et pas seulement les stages professionnels post – diplômes, la durée du stage est cependant de 2 ans. Les périodes de stage et d’étude chevauchent avec examen d’habilitation. Une fois les études achevées, un examen est requis pour commencer à exercer, donc à la place de 18 mois qui est une mascarade pour nous. Je donne l’exemple des pays comme l’Afrique du Sud, l’Autriche, l’Italie, le Canada, les USA, et la Russie où à la fin des études, l’architecte doit passer un examen d’habilitation. L’inscription au tableau c’est une garantie d’une évaluation rigoureuse et permanente de la qualité architecturale produite et il est indispensable de recourir à un examen d’habilitation à l’obtention du diplôme contrairement à la méthode actuelle en Algérie qui fixe un stage de 18 mois. Cette approche pénalise les compétences occasionnant les facteurs de la qualité avec des retards dans l’inscription au Tableau national. Il serait anormal de bloquer des compétences reconnues en forçant tous les diplômes à un sursis de 18 mois.

Vous remettez en cause la qualité de la formation. Pouvez-vous expliquer ?
Nous avons une école supérieure polytechnique d’architecture et d’urbanisme, trois instituts d’architecture, seize départements d’architecture, autant d’instituts qui forment les futures architectes mais les compétences se font attendre.
Tandis que par exemple dans les pays plus avancés, comme l’Italie qui possède seulement 13 instituts, le royaume uni 16, la France 20, les USA 12, et le Brésil 8,la qualité des architectes est meilleure. La qualité dépend des 7 merveilles : le management, les moyens financiers, les méthodes, le milieu de travail, la main d’œuvre, les matériaux, le matériel. À titre indicatif, depuis 1962 à ce jour aucun nom d’architecte algérien n’a émergé, comme c’est le cas dans tous les pays du monde ou les architectes sont régulièrement honorés à travers des distinctions que leurs délivrent les autorités où chaque œuvre architecturale est personnalisée par son auteur dont elle porte le nom.
Dans le même ordre nous pouvons facilement vérifier que les principaux maîtres d’ouvrage (OPGI, ENPI, AADL, APC, ministère etc.….) ne sont en possession d’aucun fichier ni une quelconque classification des architectes. C’est vraiment désolant d’en arriver à cette situation. Contrairement aux pays voisins, le Maroc et la Tunisie, le Conseil national de l’ordre des architectes algériens (CNOA) ne figure pas sur le tableau de l’Union internationale des architectes(UIA).
Aussi, nous trouvons très insuffisant le nombre d’architectes qui exercent en Algérie. Véritable profession à risque, l’architecte est en permanence sur le fil du rasoir. La largesse de ses missions et de ses obligations l’expose à voir engager sa responsabilité ou plutôt l’une de ses responsabilités.
En effet, le choix de la responsabilité est très largement ouvert pour les personnes victimes des erreurs de l’architecte responsabilité contractuelle, responsabilité délictuelle et quasi délictuelle, responsabilité pénale, responsabilité déontologique, sans oublier la garantie décennale ( art 554) et biennale due après la réception de l’ouvrage. La chambre civile de la cour de cassation a expliquée dans sa décision du 09 octobre 1962 que la responsabilité sera contractuelle si le dommage est né pendant l’exécution des travaux mais délictuelle ou quasi délictuelle si le dommage se produit en dehors de tout contrat ou du contrat s’il existe. Le ratio architectes/1000 hab dans le monde est de 0.26‰, ce qui représente 3 757 habitants par architecte.
Le plus grand nombre d’architectes se trouve en Italie avec 147 000, et l’Allemagne 109 461 architectes, tandis que l’Egypte possède 15 154 architectes et l’Algérie entre 7000 et 8000 architectes, le ratio étant de 0,019/1000 habitants.

Quel est le rôle du Conseil national de l’Ordre des architectes (CNOA) dans ce sens ?
L’Ordre des architectes doit se battre pour changer cette situation, en introduisant une nouvelle réglementation propre aux concours d’architecture. La porte doit être ouverte aux jeunes architectes algériens pour l’émergence de bureaux créatifs et innovants. La distinction entre les architectes doit se faire sur la base de la qualité des projets et non sur leurs coûts. Le conseil doit réagir également sur d’autres problèmes qui entravent l’activité de l’architecte, comme la dernière annonce du ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme concernant l’industrialisation du bâtiment, donc c’est le rôle de l’architecte qui est menacé de disparaitre. Il faut dire que depuis l’installation des nouveaux membres de ce conseil, il y a un peu plus d’un an, aucune réunion n’a été tenue ni aucune assemblée générale n’a été organisée pour débattre de la situation des architectes en Algérie. Contrairement au syndicat qui défend les travailleurs ou les professionnels, l’Ordre défend la profession. Ce rôle fondamental permet de pousser les architectes à l’exercice juste de leurs devoirs professionnels et de là, à la production de qualité en combattant la «médiocrité».
Entretien réalisé par I. B.

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