Depuis jeudi dernier, début du mois sacré de Ramadhan, Annaba vit au rythme des soirées ramadanesques où l’animation nocturne, créée par les familles et autres jeûneurs, qui investissent la rue une fois le ventre rassasié, pour de longues heures de promenades, est à son comble. L’ambiance qui la caractérise chaque année en pareille occasion, notamment le long de sa merveilleuse corniche, qui, si elle est presque vide d’adultes le jour, le soir tout particulièrement après la rupture du jeûne, est envahie par des promeneurs de tous âges et sexes confondus. Toutes les plages sans exception sont bondées de familles, des jeunes et moins jeunes des deux sexes. Que ce soit sur le sable, en bordures de routes et autres places publiques jouxtant la grande bleue, tout un monde y vient qui pour goûter à la fraîcheur du bord de mer et qui pour déguster du thé à la menthe ou des sucreries orientales. Il y a ceux qui y viennent armés de victuailles dans la perspective de rester jusqu’au s’hour. La canicule, quoique encore clémente- ainsi que l’amélioration des conditions de sécurité des biens et des personnes y est pour beaucoup. Les belles plages d’Annaba rendues plus attirantes avec le boulevard, leur mythique voisin, attirent beaucoup de visiteurs. Un mélange pittoresque de commerces de casse-croûte, vendeurs de thé, fruits secs, sucreries orientales offrent aux clients potentiels ce dont ils ont besoin pour se désaltérer ou se restaurer. Si d’habitude, les familles ne sont pas très nombreuses durant la première semaine du mois du jeûne, cette année, le rush vers les plages et autres lieux de distraction, est relevé depuis le début de la première soirée. Jeûneurs ou non, leur nombre est devenu remarquable. Il y avait ceux qui préfèrent se rendre sur les hauteurs du cap de Garde ou de Seraïdi pour, tout en goûtant au plaisir de la brise maritime, admirer la ville scintillante et tentaculaire qui s’étend à leurs pieds. D’autres, veillent jusqu’à presque l’heure du s’hour au club hippique où des soirées de musique et de chansons pour tous les goûts et les âges leur sont offertes. La longue chaîne de voitures pare-choc contre pare-choc à l’origine d’embouteillages monstres donne à la corniche l’air d’être l’un des plus importants sites d’une ville à la vitalité prodigieuse dans ses transformations sociales comme dans la joie de vivre de sa population. Celle-ci semble avoir pris goût au divertissement la création artistique offerte chaque soir en bordure de mer par des troupes folkloriques et des groupes de musique d’ici et d’ailleurs. Un divertissement tant apprécié par les solitaires que par les familles. Le ressac des vagues et le vrombissement des moteurs des bus de transport des voyageurs donnent une ambiance bien particulière à la coquette qui semble bien joyeuse d’accueillir ses jeûneurs pour quelques heures de répit avant qu’une nouvelle journée de jeûne ne vienne les tirer de leur enchantement. Durant la journée, peu sont ceux qui décident d’une petite trempette histoire de se rafraîchir en attendant l’heure du f’tour. Durant la soirée, le seul inconvénient pour se rendre vers ces destinations reposantes du train train de la vie, sont les taxis qui imposent leur prix aux nombreuses bourses modestes qui font tout pour éviter leur loi. Ces derniers augmentent le tarif de la course à la tête du client. Permet également aux couples de se déplacer pour réitérer leur promesse d’union sous les rayons du phare de Ras El Hamra. Cependant, ce sont les plages Rezgui-Rachid (Ex-St-Cloud) et Rizzi Amor (Chapuis) qui restent les plages incontournables avec leurs larges trottoirs où vont et viennent chaque nuit des milliers de promeneurs des deux sexes. C’est aussi le point de chute des jeunes chômeurs. Les uns rêvent de tout laisser tomber et de tenter de prendre le large vers d’autres horizons, les autres montrent du doigt les villas cossues du voisinage. Sans hésiter, ils sont nombreux à exprimer spontanément la frustration des laissez pour compte et des espoirs déçus parce qu’il leur avait manqué une pièce dans le dossier rejeté dans leur quête d’un emploi qui mettrait fin à leur chômage. Ces jeunes insistent du regard sur le comportement d’autres garçons et filles de leur âge roulant carrosse fréquentant assidûment les terrasses huppées. Il y a ceux qui, malgré la chaleur, préfèrent passer leur soirée ramadanesques sur le mythique Cours de la Révolution quoique l’affluence des jeûneurs sur ce site n’atteindra sa vitesse de croisière qu’à partir de la deuxième quinzaine du mois de ramadhan, notamment après l’entame des soirées artistiques prévues pour pareilles occasion. L’on pourra alors savourer des glaces aux mille arômes. L’occasion aussi de prêter l’oreille aux échos en provenance du théâtre Azzedine-Medjoubi où se déroule diverses activités artistiques animées par des troupes venues de tous les coins d’Algérie avec dans leurs bagages des chansons et des notes de musique chaâbi, malouf, haouzi et kabyle. C’est dire que ces nuits ramadanesques regroupent tous les paradoxes et les passions dans une wilaya déchirée entre le pessimisme de ses jeunes, la prolifération des fléaux dont principalement le marché parallèle, florissant à souhait. Bien qu’elle ait perdu depuis longtemps son titre de coquette, Annaba n’en est pas restée moins belle avec ses mille et une couleurs même si sa jeunesse pense encore et encore à la quitter en quête d’un avenir meilleur sous d’autres cieux.
Khadidja B.