Très attendu par la population du Sud ayant rejeté le projet d’exploitation du gaz de schiste, le discours du chef de l’État, prononcé, hier à Alger, semble prendre à revers les contestataires. Aussitôt pris connaissance des déclarations d’Abdelaziz Bouteflika, qui s’est exprimé pour la première fois au sujet de cette question sensible, les citoyens de In Salah, ont investi la rue dans la nuit d’hier. Plusieurs centaines de manifestants ont organisé une marche de protestation, qui s’est ébranlée de la «Place de la mobilisation» en direction du du centre-ville.
Cette énième action de rue se veut une réaction «aux déclarations du chef de l’État que nous avons suivies avec beaucoup d’attention, mais qui n’ont finalement pas été en mesure de nous satisfaire, s’agissant de l’arrêt pur et simple de l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste dans le sud du pays», a l’affirmé un représentant des manifestants nous ayant joints par téléphone.
Outre les marcheurs qui ont mis en avant leurs slogans habituels, des automobilistes ont rejoint la manifestation en lançant des coups de klaxons qui ont retenti dans toute la ville. L’onde de choc a provoqué la colère de la population de cette région saharienne. À Tamanrasset, des protestataires que nous ayant contactés ont exprimé leurs regrets face à cette situation qui va compromettre l’avenir des générations futures. En effet, le président de la République a assuré, lors du Conseil des ministres restreint, tenu avant-hier, que «l’exploitation du gaz de schiste n’est pas encore à l’ordre du jour», et d’ajouter à la même occasion que les tests d’exploration qui s’effectuent au niveau des forages de la région de In Salah, «seront achevés». Se voulant encore plus rassurant, le locataire d’El-Mouradia a indiqué dans son allocution, en réponse notamment aux populations du Sud, que «l’exploitation proprement dite du gaz non conventionnel n’est pas prévue pour demain et que celle-ci n’est pas inscrite sur l’agenda du gouvernement». Au sujet des inquiétudes de la population qui craint des retombées néfastes sur leur santé et l’environnement, Bouteflika a noté dans son discours qu’il y a des «incompréhensions». Ces dernières, semble-t-il, ont trait au manque de vulgarisation de l’information pouvant apporter des explications plus claires au sujet des inquiétudes de la population. Ceci pour dire que les citoyens du Sud devront être informés davantage sur l’utilisation des méthodes non conventionnelles, sujettes notamment à controverse dans cette région du pays. Sur ce point précis, le chef de l’État a demandé aux membres du gouvernement de poursuivre les explications à l’endroit de la population locale et de l’opinion publique en général, tout en réaffirmant, encore une fois, que l’exploitation du gaz non conventionnel ne se fera pas de sitôt et qu’elle est inscrite à moyen et long termes. À la lumière de ce qu’à déclaré le chef de l’État, qui n’a fait que confirmer les propos colportés par nombre de membres du gouvernement, il est peu évident de croire à une solution partagée.
Ceci en sachant que les protestataires du Sud campent sur leur position, et ne veulent pas lâcher d’un iota. Même les différents experts et autres scientifiques au fait du domaine de l’exploration du gaz de schiste devront être impliqués, a indiqué le chef de l’État. En ce sens, le gouvernement est appelé à initier «un débat transparent», pour permettre à chacun de comprendre les données relatives aux hydrocarbures non conventionnels, a précisé Bouteflika. Cette initiative pourrait également être confrontée à l’opposition de plusieurs acteurs, connaisseurs du domaine des hydrocarbures, parmi lesquels,nombreux sont ceux qui sont formels quant aux conséquences sanitaires et environnementales induites par une probable exploitation du gaz non conventionnel. Car si le chef de l’État insiste sur l’impératif de respecter l’environnement, c’est qu’il reconnaît la légitimité des revendications de la population du Sud. En attendant, la population semble prête à en découdre avec l’État, d’autant que la mobilisation contre le gaz de schiste bat son plein au sud du pays.
Farid Guellil