La fillette de 10 ans ne savait sans doute pas «ce qui était fixé à son corps». Les violences s’intensifient dans le Nord-Est contrôlé par Boko Haram. Au moins 19 personnes ont péri, samedi, lorsqu’une bombe fixée sur une fillette d’une dizaine d’années a explosé dans un marché bondé de Maiduguri, grande ville du nord-est du Nigeria, un attentat dont le groupe islamiste Boko Haram, qui ravage la région, semble être à l’origine. Peu de temps après, une autre explosion a secoué Potiskum, la capitale économique de l’État de Yobe, à une centaine de kilomètres à l’ouest. Un policier a été tué alors qu’il contrôlait un véhicule devant un poste de police. Le kamikaze qui conduisait la voiture piégée a également trouvé la mort.
Les attaques se multiplient
Ces attentats interviennent une semaine après une attaque meurtrière de Boko Haram sur le village de pêcheurs de Baga dans l’État de Borno (Nord), peut-être la plus sanglante de celles menées depuis six ans par le groupe islamiste. Au moins 20 personnes sont mortes à Maiduguri samedi, y compris la fillette porteuse de la bombe artisanale, et 18 ont été blessées, a déclaré à la presse Gideon Jubrin, le porte-parole de la police de l’État de Borno, dont Maiduguri est la capitale. Vers 12 h 40 (11 h 40 GMT), une puissante explosion a secoué le «Monday Market», à une heure de grande affluence de vendeurs et de clients. Fin 2014, ce même marché avait déjà essuyé deux attaques meurtrières commises par des femmes portant des explosifs. Fin novembre, on avait recensé 45 morts, puis 10 le 1er décembre.Il n’y a pour l’instant aucune revendication. Mais depuis six ans et le début de son combat pour imposer un État islamique rigoriste au Nigeria, le groupe rebelle Boko Haram a multiplié le recours à des femmes et des fillettes pour mener des attentats. Selon Ashiru Mustapha, membre d’un groupe local d’autodéfense, la bombe a explosé alors que l’enfant faisait l’objet d’une fouille à l’entrée du marché. Il doute qu’il s’agisse d’un acte délibéré de la fillette. «La fillette avait une dizaine d’années et je doute fort qu’elle savait véritablement ce qui était fixé à son corps,» a-t-il dit à l’AFP. «En fait, elle était contrôlée à l’entrée du marché et le détecteur de métaux venait de signaler qu’elle portait quelque chose sur elle. Malheureusement, la charge a explosé avant qu’elle n’ait pu être isolée», a poursuivi Ashiru Mustapha. Un périmètre de sécurité a été mis en place autour du marché alors que des personnels de santé examinaient les décombres et récupéraient les restes humains. Selon un membre de la Croix-Rouge qui a préféré rester anonyme, «de nombreuses victimes présentaient des blessures graves pouvant entraîner la mort».
«Aucun respect pour la vie humaine»
«L’explosion a coupé le corps de la kamikaze en deux, projetant une partie de l’autre côté de la rue», a témoigné Abubakar Bakura, qui a assisté à la scène. «Parmi les morts figurent deux membres des groupes d’autodéfense qui fouillaient la fillette. Je suis quasiment sûr que la bombe a été déclenchée à distance», a-t-il poursuivi.
À Washington, le Département d’État a «condamné la récente escalade des attaques contre des civils». Boko Haram «ne montre aucun respect pour la vie humaine», et les États-unis «abhorrent de telles violences, qui font payer un lourd tribut aux habitants du Nigeria et à toute la région, dont le Cameroun», a précisé la porte-parole de la diplomatie américaine, Jennifer Psaki. Elle a exhorté «le Nigeria et ses voisins à prendre toutes les mesures nécessaires pour répondre à la menace de Boko Haram» et encouragé Abuja à organiser comme prévu «des élections pacifiques et crédibles reflétant la volonté du peuple nigérian». Le Nigeria a prévu la tenue d’élections générales à partir du 14 février.
Boko Haram a perpétré sa première «attaque suicide» menée par une femme en juin 2014 dans l’État de Gombe (Nord). En juillet, une fillette de 10 ans avait été découverte dans l’État de Katsina portant un gilet bourré d’explosifs, laissant penser que Boko Haram forçait les enfants à se faire exploser. Le recrutement forcé des jeunes et des enfants par Boko Haram est une pratique aujourd’hui avérée. En juillet dernier, trois «recruteuses» présumées ont été arrêtées. Par ailleurs, samedi 3 janvier, dans une importante attaque, la ville stratégique de Baga et 16 campements à proximité du Lac Tchad ont été réduits en cendres, provoquant la fuite de plus de 20 000 habitants. Boko Haram étend son emprise et semble contrôler les trois frontières de l’État de Borno avec le Niger, le Tchad et le Cameroun, ainsi que des dizaines de villes et de villages dans l’État de Borno et les États voisins de Yobe et Adamawa.