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Abderahim Azzi, un magicien qui a plus d’un tour dans son sac

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Regarder un prestidigitateur opérer en salle est proprement magique. Quel est l’enfant qui peut observer sans surprise et sans ravissement, à la fois, un lapin sortir d’un chapeau, un pigeon d’un foulard et un foulard d’une chandelle ? Art de faire apparaitre et de faire disparaitre les objets, la prestidigitation est un sujet d’étonnement et de questionnement sans fin pour les enfants, mais également pour les adultes.

Nous nous demandons, comment telle chose a pu arriver. Et face au mystère, nous nous contentons de sourire et d’applaudir vivement.
C’est pourtant bien simple. Il suffit de quitter  un instant du regard l’homme qui fait de la magie et tout s’arrête. Mais le voulons-nous ? Que venons-nous chercher sinon du divertissement? Et le magicien, le prestidigitateur ou l’illusionniste nous en promettent monts et merveilles en l’occurrence. En d’autres termes, le magicien, le prestidigitateur ont besoin de notre concourt pour réaliser leurs tours de passe-passe. Nous subissons délibérément leur volonté. En un mot ils nous envoûtent, ils nous hypnotisent. Art, certes que la prestidigitation, mais que serait l’art sans une certaine prédisposition qui fait quelque fois dire qu’on nait artiste ou poète, alors que cette prédisposition, ce goût prématuré que l’on a pour certains arts ou certaines sciences, nous pousse à déployer plus d’énergie et de patience pour leur maitrise ?

Acquérir de nouvelles connaissances
À l’instar de beaucoup de ses collègues, Abderahim Azzi, avec qui nous faisons connaissance, cet après midi, à la maison de la culture de Bouira, quelques minutes avant la présentation du spectacle qu’il s’apprête à donner, est né avec cette disposition pour la prestidigitation. À neuf ans, il sait épater ses camarades de classe en leur présentant quelques numéros. Né à Tazmalt, dans la wilaya de Béjaïa, il a, très jeune, compris très vite que ce qu’il savait faire déjà était peu, et qu’il fallait acquérir de vraies connaissances dans le domaine. Il ne pouvait se contenter de tours d’escamotage des objets par les  mains. Ce qui était bon pour susciter l’admiration de ses camarades ne pouvait satisfaire un public varié et exigeant en matière de spectacles. Aussi, sans négliger ses études (il est aujourd’hui ingénieur en bâtiments), il va suivre un stage en 1969 dans un cirque italien. Il va rester dans cette école pendant trois ans. Il a été admis sur un test qui a permis de juger de ses réelles capacités. Il en sort avec un diplôme qui fait, qu’il peut présenter des spectacles partout,  dans les 48 wilayas. On l’a vu en Tunisie et au Maroc, mais également en Italie et en France. Seulement son art s’est développé. On trouve de la prestidigitation dans son répertoire, mais également de l’hypnose et de la télépathie. Les nombreux numéros qu’il exécute cet après midi devant une foule de spectateurs, composée d’enfants naturellement, mais d’adultes aussi, témoigne de la richesse de cette science occulte acquise au cours de ce long stage en Italie dans la grande école du cirque. L’homme, cet après midi, est en redingote, conformément à la tradition en vigueur. Un prestidigitateur ou un magicien sans cet habit en queue de pie ne fait jamais sérieux. Il porte des favoris poivre et sel et, pendant qu’il se prépare, la salle se remplit peu à peu des spectateurs, et des baffes dans tous les angles diffusent de la musique. Et soudain, le silence se fait comme par enchantement. L’homme est debout en face du public, une baguette à la main, comme pour diriger un orchestre philharmonique.

Un moment proprement magique
Et la magie entre en scène.  La main droite de l’homme à la redingote noire fait un geste qui semble s’adresser au bâton porté par la main gauche et aussitôt un drapeau sort, un drapeau aux couleurs nationales, puis divers parapluies, rouges, bleus, noires, jaunes ou à rayures… toute une panoplie de drapeaux multicolores,  à n’en plus savoir où les mettre. ..Puis des pigeons à la douzaine..Une tige en verre se transforme en baguette qui donne lieu à son tour à une bougie et des pigeons et des fleurs, en veux-tu en voilà  apparaissent, ils sont de toutes les couleurs. D’une boite rectangulaire sans fond, le magicien fait son geste coutumier, et de la boite en question, il retire des cubes en forme de dominos qu’ils rangent les uns au dessus des autres sur la table placée au milieu de la scène. Il montre, enfin le fond de la boite vide. On croit que c’est fini ?
Non ! À peine l’intérieur entre aperçu, tout recommence et les cubes s’entassent sans fin. On en a compté une quinzaine. Et maintenant, tous ces cubes forment un bel ensemble sur la table. D’un cylindre, le même geste magique a permis de puiser une quinzaine de réveils, et chacun d’eux a émis un joyeux dring. De même d’une épuisette est sortie une belle perruche verte qui a commencé aussitôt à frétiller, comme si elle voulait prendre son envol. Un journal est mis en pièces et l’instant d’après, d’un geste, le prestidigitateur le rend à son état initial. Maintenant la salle est jonchée de fleurs  de toutes les couleurs ou peut être devrait-on parler de guirlandes ? de drapeaux, de parapluies, de réveils, de rubans, de cubes, de pigeons, de tas d’objets dont l’apparition a provoqué un oh ! de stupeur dans la salle muette d’admiration. Deux numéros méritent un traitement à part : la petite bouteille de plastique et le petit guéridon d’acajou. Arrivé à ce stade du spectacle, l’homme a la redingote en queue de pie, s’adresse à la foule pour la première fois. Il demande qu’on lui remette un portable et que l’on vérifie que la bouteille est bien fermée. On obéit et voilà notre magicien de nouveau face à la salle, avec dans une main la bouteille en plastique hermétiquement fermée et dans l’autre le portable. Et sans qu’on ait eu le temps de réaliser ce qui s’est passé, on s’aperçoit que le portable est au fond de la bouteille ! Puis, l’enchantement, ou si l’on veut, l’illusion cessant, le portable est derechef dans la main du magicien qui le rend à son propriétaire. Pour l’autre numéro, le magicien requiert l’aide d’une fille de sept ou huit ans. Il lui demande de s’approcher du guéridon et de prendre le bout de la toile qui le couvre. Lui tient l’autre bout de l’autre côté. Et tout à coup, au geste que le magicien fait, la table se soulève en l’air et menace de s’échapper pour aller plus haut. Il l’a retient, puis la ramène finalement au sol. On appelle cela de la lévitation. Des hommes par le seul pouvoir de leur psychisme prétendent s’arracher de quelques centimètres de la terre. Par le fait de la magie, le guéridon s’est élevé de plus d’un mètre et aurait certainement fait plus, si le magicien l’avait laissé libre.

Histoire de la Gomme et du Porte-plume
Afin d’accorder  aux spectateurs un peu de repos, l’illusionniste, sans quitter son habit à queue de pie, s’improvise conteur. Il dit qu’il en a la vocation et qu’il écrit des livres qui sont en vente. Les enfants aiment les histoires, c’est connu. Et ceux qui sont présents cet après midi, dans la grande salle, après avoir ouverts des yeux en boules de lotos, dressent tels, des louveteaux leurs petites oreilles. Le conte commence donc dans une ambiance empreinte du plus profond intérêt. Le récit démarre par une querelle entre le Porte plume et la Gomme, le premier accusant la seconde de prendre trop de place dans le plumier ou la trousse, si l’on veut. « Vous êtes en plus inutile, déblatère le cracheur d’encre. Je ne vois pas à quoi tu sers. » La gomme réplique  du tac au tac: «À corriger tes bêtises, pardi ! ». La dispute qui s’envenime ne s’éteint qu’une fois en classe. Pendant le cours le maitre fait passer le porte plume au tableau et lui dicte un mot. Ce dernier l’écrit sous une forme orthographique fautive. La Gomme arrive et à l’insu de l’instituteur corrige la faute et le Porte plume est félicité. Sur le chemin du retour, il présente ses excuses à sa camarade qui les accepte de bon cœur. Moralité, selon notre conteur : la Gomme est la maman. Elle s’use au service de ses enfants. Il faut aimer ses parents qui usent leurs forces pour que leurs enfants grandissent en force et en sagesse. Message reçu Merci. La salle applaudit à tout rompre, et le spectacle reprend, plus drôle, plus cocasse que jamais. Les yeux s’arrondissent de nouveau sous l’effet de la surprise et de l’étonnement et les oreilles se tendent avec le plus grand intérêt. Parfois un petit frisson parcourt la salle, signifiant qu’entre l’admiration et l’inquiétude, la limite est fort mince. Aussi avant de commencer, l’homme au costume à queue  de pie rassure.
Le numéro qu’il va présenter tantôt requiert un talent, des compétences particulières. On n’est plus dans le domaine de la prestidigitation, où tout l’art est dans l’habileté des mains, mais dans celui, occulte, du paranormal. Ici, aucune explication logique. Le mystère reste entier.

Le chiffre 1847
Il ne s’agit plus de lapins, de rubans, de foulards et autres billevesées qu’il s’agissait de faire apparaitre en grand nombre avec des tours de passe-passe. Là, on est complètement sur un autre registre. Il est question de télépathie et d’hypnose. Ce sont deux techniques qui méritent une explication. La télépathie est l’art de communiquer à distance par la seule pensée. Elle s’oppose en cela à l’hypnose qui est l’art de suspendre la faculté d’agir, de penser et de réfléchir par le biais de la suggestion ou par la fixation d’un pendule en mouvement de translation. Ainsi en est-il de l’oiseau face au serpent.  Cet état de grande stupeur est voisin du sommeil. Mais l’hypnose provoque aussi le sommeil. Et Abderahim a bien fait d’avertir les spectateurs avant de commencer son numéro. Il a bien dit qu’il allait endormir l’un des trois volontaires qui allaient se prêter à ce jeu. Cette technique qu’est l’hypnose, est d’ailleurs employée en psychanalyse. Elle permet au psychologue de mieux savoir comment fonctionne le subconscient du sujet qu’il soigne. Nous savons que pendant notre sommeil, les choses refoulées en nous pour des raisons morales et éducatives, viennent nous hanter pendant notre sommeil sous forme de rêves. D’où l’intérêt que Freud attachait au début de ses travaux aux rêves. Ils sont révélateurs de notre État intérieur sous-tendu par un conflit permanent entre le ça, le moi et le surmoi. À condition de savoir les interpréter, ils sont une source d’informations utile pour le clinicien. Pour revenir à notre magicien et au numéro qu’il projette de jouer, le voilà donc qui fait appel à trois volontaires. Deux filles et un garçon âgés de 7 à 10 ans peu près  le rejoignent sur la scène. Au garçon et à la fille la plus jeune, il  donne du papier et un stylo et leur demande d’écrire un nombre quelconque avec trois chiffres. Comme l’un et l’autre mettent du temps, il les moque gentiment en leur faisant remarquer qu’il  n’a pas demandé une dissertation. Quoi qu’il en soit, ils s’exécutent et lui rendent  les résultats de leur travail. Sans les consulter du regard, il les donne à la fille qui est restée en retrait et qui est certainement la plus âgée des trois, puis il lui demande d’additionner les deux nombres. Pendant qu’elle fait cette opération, le magicien va prendre dans ses affaires un sachet en plastique et une ardoise, dont il montre au public les deux côtés. Cela fait, il va vers la fille, prend le papier sur lequel les deux nombres ont été additionnés et les glisse dans le sachet avec l’ardoise. Le public suit attentivement la scène, conscient que quelque chose d’extraordinaire va se passer. Le magicien se tourne ensuite vers la fille et lui demande de s’asseoir sur la chaise qu’il lui présente. Celle-ci obéit. Le magicien de la main qu’il agite devant elle, lui ordonne de fermer les yeux et de dormir. Peu à peu la fille sombre dans un état proche du sommeil. Elle parait dormir. Le magicien dit à la salle qu’elle est complètement sous son contrôle. «Je peux la laisser comme cela un jour ou un mois. Elle ne se réveillera que si je le veux.» Il le veut sur le champ. Et au premier mot qu’il lui adresse, la fille émerge du sommeil, puis se relève. Une fois qu’elle a retrouvé tous ses esprits, il lui demande de lui communiquer le total de son addition. C’est 1847. Alors, le magicien prend le sachet qui repose sur la table et montre l’ardoise. Sur l’une de ces deux faces figure le chiffre inscrit sur le papier. La salle, médusée applaudit vivement ! Le spectacle prend fin avec le sentiment que l’on a assisté à quelque chose de formidable.
Ali D. 

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