« Oui, il est temps de liquider les vestiges du colonialisme dans toutes ses dimensions et manifestations », c’est ainsi qu’a été réaffirmée une exigence légitime des peuples africains, par la voix insistante du chef de la diplomatie nationale, hier, à la Conférence internationale sur les crimes coloniaux en Afrique, tenue au CIC « Abdelatif Rahal » à Alger.
Intervenant à cette occasion, le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, de la Communauté nationale à l’étranger et des Affaires africaines, Ahmed Attaf, a rappelé, que nous ne devons pas ignorer la nécessité d’une décolonisation définitive : la dernière colonie d’Afrique, le Sahara occidental, dont le peuple, a-t-il souligné en substance, s’accroche à la réalisation de son droit légitime et juste à l’autodétermination, tel que l’a affirmé et continue de l’affirmer la légitimité internationale et la doctrine des Nations unies en matière de décolonisation ; la Palestine, en rappelant, comme l’a fait le ministre, les paroles du défunt dirigeant Nelson Mandela : « notre liberté en tant qu’Africains reste incomplète sans la liberté de la Palestine ».
La responsabilité des Africains
C’est a souligné Ahmed Attaf, « une responsabilité qui nous incombe à tous, une responsabilité que nous n’avons d’autre choix que d’assumer, impérativement, obligatoirement, pleinement. C’est la responsabilité de l’Émir Abdelkader, la responsabilité de Nelson Mandela, la responsabilité de Patrice Lumumba, la responsabilité d’Amílcar Cabral, la responsabilité de Kwame Nkrumah, la responsabilité de Jomo Kenyatta, la responsabilité de Sam Nujoma, la responsabilité d’Agostinho Neto, la responsabilité de Samora Machel, la responsabilité de Sékou Touré, la responsabilité de Julius Nyerere, et la responsabilité de Habib Bourguiba, et la responsabilité d’autres figures historiques africaines, combattants de la liberté, de la justice et de la dignité, bâtisseurs de nos gloires et de notre fierté ». Il appelle à être « dignes de cette responsabilité, dignes des sacrifices de tous nos illustres ancêtres, et dignes d’écrire un nouveau chapitre qui rendra justice à notre histoire et honorera et éclairera notre avenir ».
Le testament de Didouche Mourad
Au départ, il y a les paroles, rappelées par Ahmed Attaf, de « l’un des initiateurs de la Révolution de Novembre sur cette terre, le martyr Didouche Mourad, qui nous a laissé un testament immortel, aussi immortel que les martyrs eux-mêmes, dont l’écho résonne encore en nous à cette heure : « Si nous tombons sur le champ de bataille, la défense de notre mémoire est un dépôt sacré que nous vous confions ». C’est le sens même de la Conférence, a indiqué le ministre en expliquant que « nous nous réunissons pour suivre les traces de nos ancêtres, ces ancêtres qui ont résisté, tenu bon, combattu et triomphé. Nos ancêtres qui ont transformé les résistances en révolutions, les révolutions en épopées et les épopées en miracles. Nos ancêtres qui ont libéré les terres et les nations et ont affranchi les peuples des chaînes de l’esclavage et de l’oppression » ; « non pas pour pleurer le passé, ni pour nous laisser emprisonner par la douleur, ni pour attiser les haines, mais pour faire valoir les droits, appeler les choses par leur nom et obliger le monde à assumer ses responsabilités », a-t-il précisé.
Une initiative louable du président Tebboune
« C’est le Président Abdelmadjid Tebboune qui a eu le mérite de proposer l’organisation de cette rencontre internationale lors du dernier Sommet ordinaire de l’Union africaine au début de cette année, une initiative que ses frères africains ont bénie et approuvée à l’unanimité », a rappelé le ministre en notant qu’il s’agit d’« aborder une question spécifique : celle de la « criminalisation du colonialisme en Afrique », autrement dit
« la justice pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine », qui est le thème central choisi par l’Union africaine pour son année ordinaire. C’est l’affirmation que l’Afrique poursuit sa marche « vers la construction de l’avenir que les filles et les fils de l’Afrique aspirent à bâtir dans la dignité, la fierté, la justice et l’équité ».
Cela passe par « le traitement des séquelles du colonialisme », ainsi que le souligne Ahmed Attaf. La lutte se poursuit « tant que les tentatives d’effacer l’histoire, de déformer les faits et de falsifier les réalités persistent ; tant que les crimes du colonialisme n’ont pas fait l’objet d’une reconnaissance explicite et responsable ; tant que le phénomène colonial lui-même n’a pas reçu la qualification qui le révèle dans les annales du droit international sous sa véritable nature odieuse et honteuse, comme un crime imprescriptible, inoubliable et impardonnable », affirme Ahmed Attaf. Il dévoile la réalité du colonialisme qui a « provoqué une éclipse qui a exclu nos nations de l’histoire de l’humanité et les a privées de contribuer à sa construction.
Dans le cours de l’humanité vers la civilisation et le progrès, le colonialisme a représenté le grand revers et le plus grand recul de ce cheminement ». Autre accusation lancé contre le colonialisme : « il a interrompu le processus de construction de nos États-nations et nous a empêchés de le mener à bien de manière à permettre à nos peuples d’exercer leur souveraineté absolue sur la détermination de leur destin ». La vérité est que le colonialisme « n’a jamais été une mission civilisatrice, mais qu’il a été, dans l’intégralité et la perfection de son projet, un vol, un pillage et une prédation ». En résumé, le colonialisme « a réuni avant l’heure les mères des crimes aujourd’hui condamnés dans toutes les régions du monde : le crime d’agression, le crime contre la paix, le crime contre l’humanité, le crime de guerre et le crime de génocide ».
La mémoire africaine n’oublie rien
À ceux qui font le pari (« perdu d’avance », avertit le ministre) sur « la disparition et l’effacement de la mémoire collective africaine au fil du temps et des générations », Ahmed Attaf explique pourquoi « la mémoire collective africaine » n’oublie rien du passé colonial en rappelant, tout simplement, ses crimes dont le moindre n’est pas « l’exclusion de l’Afrique de toutes les révolutions politiques, économiques, technologiques, scientifiques et sociales, ces révolutions dont le reste de l’humanité a bénéficié et profité ». Ahmed Attaf a cité l’objectif du colonialisme d’extermination des peuples au Congo, Au Burkina Faso, en Namibie ainsi que la répression, les meurtres et les déplacements en Angola, au Mozambique, à Madagascar et dans le reste des pays africains colonisés.
L’Algérie, un modèle rare
« Au cœur de cette mémoire collective » : l’Algérie, un « modèle rare, sans pareil dans l’histoire par son essence, sa nature et sa pratique », à travers un « colonialisme de peuplement » marqué par « Cent trente-deux ans de colonialisme ! Et cent trente-deux ans de résistance algérienne ininterrompue ! Et cent trente-deux ans de crimes coloniaux français de toutes sortes, sans trêve, sans pitié, et sans scrupules ! » : des massacres de l’invasion aux massacres de Zaâtcha en 1849, aux massacres d’El-Aghouat en 1852, aux massacres des Kabyles en 1857, en passant par la politique de la terre brûlée, la politique de pillage et de confiscation des terres et des biens ; le système discriminatoire et raciste du Code de l’indigénat entre 1881 et 1945, jusqu’aux massacres du 8 mai 1945, et ce que la Révolution de libération a connu par la suite entre 1954 et 1962, des génocides, des massacres organisés, et des campagnes militaires de regroupement et de déportation, qui ont touché entre 2 et 3 millions d’Algériens, soit alors un tiers de la population. Ce n’est pas tout : « à ce jour, le désert algérien porte dans les grains de son sable les cicatrices des essais nucléaires français dont les résidus continuent d’avoir des répercussions dévastatrices sur l’homme et sur l’environnement », souligne Ahmed Attaf.
Le droit à la compensation
Pour l’Algérie, l’Afrique a tout à fait le droit d’exiger : la reconnaissance officielle et explicite des crimes commis contre ses peuples pendant l’ère coloniale ; la criminalisation du colonialisme par une loi internationale claire et sans ambiguïté, à ce propos, Ahmed Attaf cite Frantz Fanon qui a affirmé que le colonialisme, « n’est pas une machine qui pense ni un corps qui raisonne, mais une violence dans sa forme naturelle » ; une juste compensation et la restitution des biens pillés, qui ne sont ni une aumône ni une faveur, mais « un droit légitime garanti par toutes les lois et conventions internationales ».
M’hamed Rebah















































