Le chef de la diplomatie nationale a abordé, hier en conférence de presse, la position de l’Algérie sur les dossiers brûlants comme la Palestine, le Sahara occidental, le Sahel, la Libye…
Le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, de la Communauté nationale à l’étranger et des Affaires africaines, Ahmed Attaf, est revenu longuement, hier, sur la mission diplomatique de l’Algérie au Conseil de sécurité des Nations en tant que membre non-permanent dont les questions palestinienne et sahraouie ont été au cœur de ses priorités. D’emblée, Attaf a qualifié de « très difficile » l’exercice du mandat de l’Algérie, entamé le 1er janvier 2024 et arrivant à termine le 31 décembre prochain. À commencer par les dossiers prioritaires, notamment palestinien et sahraoui, qui ont connu, récemment, des développements remarquables sur la scène internationale. Pour la Palestine, et actualité oblige, le Conseil de sécurité vient d’adopter une résolution portant plan de paix à Ghaza comme projet américain en faveur duquel l’Algérie a porté sa voix. Attaf a expliqué pourquoi du comment. Selon lui, l’Algérie a voté en faveur de cette résolution en se basant sur trois « considérations objectives » liées aux objectifs fondamentaux de ce texte, à ses motivations sous-jacentes et enfin aux positions des principaux acteurs régionaux à son égard. Premièrement, les priorités urgentes de la phase actuelle à Ghaza qui exigent la consolidation de l’accord de cessez-le-feu, la protection internationale du peuple palestinien, la facilitation des efforts permettant d’acheminer les aides humanitaires à Ghaza sans restriction ni conditions et l’ouverture d’une voie pour le lancement du processus de reconstruction de l’enclave palestinienne. « Ce sont les mêmes priorités pour lesquelles l’Algérie n’a cessé de plaider depuis le début de son mandat au Conseil de sécurité, trois mois après le déclenchement de l’agression israélienne flagrante contre Ghaza », a plaidé Attaf, soulignant que la résolution adoptée est contraignante, ce qui permettrait de faire avancer la prise en charge de ces priorités urgentes sans porter atteinte aux constantes de la résolution de la question palestinienne.
Une protection internationale pour le peuple palestinien
Au titre des garanties, Attaf évoque une résolution qui, premièrement, dicte la nécessité de respecter le cessez-le-feu et rejette toute justification ou prétexte à la reprise de l’agression israélienne contre Ghaza. Deuxièmement, la résolution établit le déploiement une Force de stabilisation internationale (FSI) pour maintenir la sécurité et la stabilité à Ghaza. Ce qui constitue en soi, explique-t-il, « un développement majeur dans l’histoire de la question palestinienne vers la fourniture d’une protection internationale au peuple palestinien. » Troisièmement, la résolution affirme le rejet du déplacement forcé, de même qu’elle rejette les plans israéliens visant à annexer ou à occuper Ghaza par la force militaire. Quatrièmement, le texte appelle à la levée de toutes les restrictions et obstacles aux efforts d’aide humanitaire destinés au peuple palestinien. Cinquièmement et enfin, la résolution ouvre la voie au lancement du processus de reconstruction à Ghaza, notamment par la mobilisation des institutions financières internationales pour contribuer à l’effet de la reconstruction.
De tout ce qui précède, Attaf estime que la résolution adoptée « ne porte absolument pas atteinte aux fondements d’une solution juste, durable et définitive au conflit israélo-palestinien, telle qu’elle a été convenue par la communauté internationale, et conformément aux résolutions pertinentes de la légitimité internationale. » C’est d’autant plus, a-t-il précisé, que le texte adopté par le Conseil de sécurité rappelle « toutes les résolutions précédentes » concernant la question palestinienne, et lesquelles constituent « la doctrine des Nations Unies visant à permettre au peuple palestinien d’exercer ses droits légitimes et légaux, en mettant fin à l’occupation de ses territoires, en concrétisant son projet national et en lui permettant d’établir son État indépendant et souverain. » D’autre part, ce qui est un exploit qui mérite d’être souligné, Attaf fait part du travail mené en coulisses par notre mission diplomatique à l’ONU. « L’Algérie a réussi, au cours des négociations, à introduire un amendement très important à cette résolution, qui précise que l’objectif final de cette résolution est de créer les conditions propices à l’ouverture d’une perspective de solution politique au conflit israélo-palestinien et de permettre au peuple palestinien d’établir son État indépendant et souverain », a-t-il révélé.
A propos de la position favorable de l’Algérie sur cette résolution, Attaf a affirmé que celle-ci est en respect de la position du peuple palestinien frère et du consensus arabe et islamique en général. D’ailleurs, l’autorité palestinienne a été d’une position « claire et explicite » sur le projet de résolution américain, en publiant une déclaration officielle dans laquelle elle soutenait ce projet et appelait les États membres du Conseil de sécurité à l’adopter », a-t-il rappelé.
Sahara occidental : « le plan marocain est vide »
Deuxième dossier prioritaire dans l’agenda de l’Algérie au Conseil de sécurité, le Sahara occidental est l’autre dossier qui a fait l’objet, fin octobre dernier, d’une résolution qui a fait beaucoup de bruit. Surtout chez le voisin marocain qui se gargarise d’une victoire imaginaire en prétendant que son plan d’autonomie est adopté en exclusivité dans la résolution 2797. L’adoption de cette résolution a ainsi été suivie d’une « campagne de propagande qui, je crois fermement, n’est pas du tout étrangère au dossier du Sahara occidental », observe le chef de la diplomatie nationale, assurant que le dossier sahraoui « n’est ni clos ni plié » comme ritournelle qui revient à chaque fois que cette question est soulevée dans les fora internationaux, et en particulier le Conseil de sécurité. Attaf déconstruit le narratif du Makhzen en rappelant que le dossier sahraoui est toujours dans l’agenda de l’ONU, de son Assemblée générale, du Conseil de sécurité et du Comité pour la décolonisation (Comité des 24). « Le Conseil de sécurité n’a pas adopté les thèses marocaines, de même qu’il n’a pas reconnu la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental », a-t-il martelé, ajoutant que le Conseil de sécurité n’a pas tranché, ni sur la base des négociations, ni sur le résultat de ces négociations, dont la détermination et l’accord ont été laissés aux deux parties en conflit, le Royaume du Maroc et le Front Polisario. » Par ailleurs, Attaf estime que le plan d’autonomie a été présenté, par le Maroc, à tous les pays membres de l’ONU, sauf au premier concerné qui est le peuple sahraoui. « Le plan marocain de trois pages est vide », a-t-il indiqué. « Outre la préservation des constantes d’une solution juste, durable et définitive à la question du Sahara occidental, la résolution 2797 du a permis trois avancées majeures qui permettent au Front Polisario de défendre sa position à partir d’une position de force solide et enracinée dans la légalité internationale », a-t-il expliqué. Il s’agit, premièrement, du renouvellement du mandat de la MINURSO pour une année. Cette mission étant chargée d’organiser le référendum d’autodétermination au Sahara occidental. Deuxièmement, la levée du caractère exclusif de la proposition marocaine d’autonomie qui devait être consacrée comme base unique et exclusive des négociations, la résolution ayant largement ouvert la voie au Front Polisario, pour présenter ses visions et propositions dans le cadre du processus de négociations. Troisièmement et enfin, l’absence de décision préalable sur la nature ou le résultat des négociations, et le fait de laisser cela à l’accord des deux parties au conflit, le Royaume du Maroc et le Front Polisario. Voilà qui est dit !
Sahel : « Tous ce qui s’y passe nous concerne »
A propos du dossier du Sahel, Attaf s’est attardé sur le Mali dont la situation actuelle marquée par le regain de la violence terroristes « inquiète » sérieusement l’Algérie. « L’Algérie n’a jamais considéré sa sécurité et sa stabilité d’un point de vue unilatéral, isolationniste ou égoïste, mais au contraire, sa perspective est une perspective globale qui n’exclut aucun de ses frères, en particulier dans la région du Sahel saharien », a abordé Attaf, soulignant que « l’escalade des menaces terroristes que connaît aujourd’hui le Mali, qui a atteint des niveaux et des limites sans précédent, nous préoccupe et nous inquiète plus que quiconque. » Attaf a ajouté que cette inquiétude ne réside pas seulement dans le fait que le Mali est notre voisin direct, mais découle également de l’engagement historique de l’Algérie à soutenir ce pays dans toutes les épreuves et crises qu’il a traversées depuis son indépendance. Après avoir rappelé que la solution à la crise malienne n’est pas sécuritaire, Attaf appelle au dialogue entre toutes les parties internes et rejette toute ingérence étrangère. « L’escalade de la menace terroriste aujourd’hui au Mali et les défis et enjeux aux conséquences incalculables qu’elle impose à toute la région confirment, malheureusement, ce que l’Algérie avait prédit et mis en garde, il y a près de deux ans, lorsque les autorités maliennes ont unilatéralement dénoncé l’Accord pour la paix et la réconciliation d’Alger », déplore-t-il, rappelant que « l’option militaire est la première et la plus importante menace à l’unité et à l’intégrité territoriale du Mali. Cette option porte en elle les germes de la guerre civile au Mali, tout en sapant les efforts de réconciliation nationale et en constituant une menace réelle pour la sécurité et la stabilité régionales. » S’adressant aux parties qui tiennent le pouvoir au Mali, Attaf a déclaré : « Nous espérons qu’ils comprendront que la résolution de la crise au Mali ne peut se faire que par des voies pacifiques et politiques inclusives. » Il ajoute : « Nous espérons qu’ils comprendront enfin que la résolution de la crise au Mali ne peut être obtenue que par un dialogue responsable et une réconciliation globale entre tous les enfants de ce pays, sans aucune discrimination ni distinction, et loin de toute ingérence étrangère, qu’elle soit politique ou militaire. »
Farid Guellil















































