Des militants et juristes africains et sahraouis ont tenu, samedi, une conférence virtuelle intitulée « 50 ans de lutte du peuple sahraoui pour la souveraineté et l’autodétermination », organisée conjointement par plusieurs organisations : le Collectif des défenseurs sahraouis des droits de l’Homme (CODESA), le Mouvement Panafrican Today, le Réseau international des peuples et l’Alliance internationale antifasciste – section Afrique du Sud.
Les intervenants ont souligné que « la libération de l’Afrique du joug colonial ne sera jamais complète tant que le peuple sahraoui n’aura pas conquis sa liberté et son indépendance ». Ils ont dénoncé « le silence coupable des institutions africaines et internationales » face à l’occupation du Sahara occidental, qu’ils qualifient de « trahison du legs des mouvements de libération du continent ». Kowasi Pratt Junior, secrétaire général du Mouvement des socialistes du Ghana, a qualifié la lutte sahraouie de « véritable test moral de la conscience africaine ». Selon lui, « le Maroc n’est pas seulement une puissance occupante, mais un rouage essentiel du système impérialiste économique et politique soutenu par certaines puissances occidentales et régimes réactionnaires, destiné à affaiblir le projet panafricain ». Il a appelé à la formation d’un large front de solidarité continentale impliquant syndicats, étudiants, intellectuels et mouvements féministes afin de « redonner vie à l’esprit révolutionnaire de Kwame Nkrumah et d’Amílcar Cabral ». Le militant ghanéen a conclu sans détour : « Il ne peut y avoir d’unité africaine véritable sans la libération du Sahara occidental. Le peuple sahraoui seul détient le droit de décider de son avenir, et c’est notre devoir en tant qu’Africains de défendre ce droit ».
Les droits humains et la continuité du colonialisme
Pour sa part, El-Mehdi Mlihha, président de la commission des relations extérieures de CODESA, a rappelé que « la résistance sahraouie puise dans le même esprit anticolonial qui a nourri les révolutions africaines, asiatiques et latino-américaines ».
Selon lui, « le colonialisme espagnol puis l’occupation marocaine n’ont fait que prolonger un projet visant à maintenir le peuple sahraoui hors de la souveraineté et de la dignité nationale ». Il a également dénoncé la similitude des pratiques de l’occupation marocaine avec celles de l’occupation israélienne en Palestine : « répression, confiscation des terres, privation de nourriture, effacement de l’identité ». Il a rappelé que le Maroc continue de piller les ressources du Sahara occidental — phosphate, pêche, agriculture — avec le soutien tacite de l’Union européenne, en violation des arrêts de la Cour de justice de l’UE affirmant le statut séparé et distinct du territoire. De son côté, Saddam El-Ktaïf, autre membre de CODESA, a insisté sur le fait que « le combat du peuple sahraoui est l’ultime chapitre du long processus de décolonisation africaine ». Il a souligné que « cinquante ans d’occupation, de détentions arbitraires et de tortures n’ont pas réussi à briser la détermination du peuple sahraoui, mais l’ont renforcée ».
Et de conclure : « L’Afrique n’est pas libre tant qu’une partie de son territoire demeure sous occupation coloniale. La libération du Sahara occidental est la condition historique de l’unité du continent. »
Un territoire en attente de décolonisation
À l’occasion du 50è anniversaire de l’invasion marocaine du Sahara occidental, l’expert espagnol en droit international Carlos Ruiz Miguel a rappelé dans un entretien au journal La Voz de Galicia que « le Sahara occidental demeure, selon les Nations unies, un territoire non autonome en attente de décolonisation». Commentant la résolution 2797 adoptée le 31 octobre dernier par le Conseil de sécurité, le professeur Ruiz Miguel a souligné que ce texte « ne reconnaît en aucun cas la prétendue souveraineté du Maroc sur le territoire ». Il a rappelé que malgré quelques reconnaissances bilatérales, « aucun cadre juridique international n’accorde au Maroc le droit d’administrer ou d’annexer le Sahara occidental ». Le juriste a en outre critiqué la passivité de l’ONU et l’absence de progrès concret vers l’organisation du référendum d’autodétermination promis en 1991.
« Le Conseil de sécurité s’enferme dans une diplomatie d’attente, alors que la situation reste inchangée depuis 1975 », a-t-il déploré. Enfin, il a rappelé la responsabilité historique et juridique de l’Espagne, ancienne puissance coloniale, qui demeure selon le droit international « la puissance administrante du territoire ». « Le retrait espagnol en 1975 n’a jamais transféré la souveraineté à qui que ce soit. Madrid a donc le devoir d’agir pour la décolonisation effective du Sahara occidental ». Ainsi, cinquante ans après l’occupation marocaine, le Sahara occidental reste le symbole d’un combat inachevé : celui du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Entre le front militaire mené par le Polisario et la mobilisation politique africaine et internationale, la question sahraouie se réaffirme, plus que jamais, comme le miroir de la conscience du continent.
M. Seghilani








































